Répondre aux défis technologiques et sociétaux : c’est maintenant !

Qui sont les conquistadors du XXIe siècle ? Ce sont les GAFAs et les dragons chinois, qui « soumettent des pans entiers de l’économie à des transformations disruptives et écosystémiques qui portent sur des secteurs aussi variés que la banque de détail, l’industrie de la musique, les médias vidéo, le tourisme, les transports urbains, la presse et l’édition », avertissent les auteurs de cet ouvrage collectif.

Ils rappellent également qu’après « un siècle de taylorisme, qui est l’une des expressions de la modernité, nous entrons dans l’ère de la post-modernité caractérisée par la puissance des réseaux sociaux facilitant l’émergence d’aspirations égalitaires et démocratiques. »

Certes, les applications numériques et les plateformes qui les hébergent, porteuses de changement, permettent également de lutter contre certains aspects négatifs du développement économique, le réchauffement climatique, la dégradation des terres et des océans. La digitalisation facilite également le développement de villes plus intelligentes dans lesquelles les citoyens peuvent s’impliquer plus facilement, et en devenir acteurs s’ils le souhaitent.

De nouvelles aspirations sociétales et organisationnelles

Les réseaux sociaux, qui constituent pour les entreprises des outils d’influence incontournables, portent également les attentes et les aspirations de communautés et groupes sociaux souvent laissés dans l’ombre. L’émergence de la finance participative et la montée en puissance des femmes dans les organisations en sont deux illustrations marquantes. Pour les auteurs, « les défis que représentent ces transformations sont caractéristiques de cette époque nouvelle qu’est la post-modernité portée par les aspirations égalitaires et simultanément des identités qui se veulent multiples, des droits réclamés à différents niveaux pour échapper à l’uniformité. »

Sur les quinze chapîtres de cet ouvrage, piloté par Daniel Bretonès, président de l’Andese (Association nationale des docteurs ès sciences économiques), neuf concernent les technologies, représentatives des changements à l’œuvre dans les organisations. Dans le domaine de la finance, on assiste à la fin du modèle de la banque universelle, selon l’économiste Michel Roux, ex-doyen de l’université de la Sorbonne, au profit d’une spécialisation par tâche, dans un contexte de taux bas et de désintermédiation.

Les banques ont ainsi six challenges à relever : s’adapter aux régulations, composer avec les Fintechs, parier sur l’intelligence artificielle, la valorisation des données et l’analyse prédictive, sans oublier l’expérience client, dont on sait que c’est encore un point faible pour de nombreux acteurs de la finance. « La donnée jouera un rôle central dans la révolution des services bancaires, elle doit être utilisée pour améliorer la qualité du service et non pour déterminer le prix de la prestation », assure Michel Roux.

Autre innovation sur laquelle les acteurs financiers, entre autres, peuvent capitaliser : la Blockchain pour créer un écosystème numérique de confiance. Pour Bertrand Peaudecerf, informaticien et co-fondateur de la start-up Logidoc-Solution, elle ne sera toutefois pas une « solution miracle et universelle répondant à tout. »

On retrouve également ces mutations pour les métiers du chiffre et du droit. Jean-Jacques Pluchart, professeur à l’université de Paris I, explique que ces métiers ont évidemment bien compris la nécessité de s’appuyer sur des stratégies de plateformes pour reprendre le contrôle de la chaîne de valeur : « Leur avenir digital passe donc par une diversification de leurs missions suivant une démarche « centre-périphérie », qui conjugue une « digitalisation » de leur spécialité ou cœur de métier, grâce à des plateformes internes ou externes, et une « phygitalisation » d’activités de conseil à haute valeur ajoutée répondant à certains besoins non satisfaits de leurs clients, de préférence grâce à des plateformes dédiées. »

La problématique de l’intelligence artificielle est abordée par le prospectiviste André-Yves Portnoff, un sujet « devenu un thème à la mode et le sujet de discours délirants, voire dangereux. » Selon lui, l’expression « intelligence artificielle » abuse du mot « intelligence », car « les machines ne pensent pas », malgré les progrès dans ce domaine, notamment avec le Machine Learning ou le Deep Learning.

Face à un futur modelé par la compétition entre cinq groupes d’acteurs exploitant l’IA (géants du numérique, états totalitaires, mafias, financiers et politiciens, citoyens), André-Yves Portnoff plaide pour « une attitude de raison qui consiste à promouvoir des visions et des politiques de long terme, des entreprises et des administrations respectant et valorisant les hommes, le tout avec une mobilisation citoyenne renforçant l’Etat de droit pour le bien commun. »

Une nécessaire reconfiguration des systèmes d’information

Un chapitre, produit par Digitalonomics/Best Practices, est consacré à la reconfiguration des systèmes d’information. La transformation des systèmes d’information a été historiquement lente, elle s’est effectuée au gré des grandes vagues technologiques (les grands systèmes, la micro-informatique, les réseaux…), qui se sont imposées dans les entreprises selon un rythme maîtrisable. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.

La quatrième révolution industrielle est marquée par une accélération des cycles technologiques et économiques, dans un contexte de fortes incertitudes. La place des systèmes d’information est devenue centrale, à l’heure du cloud, de la transformation digitale et de l’intelligence artificielle. Dans un univers hyper-concurrentiel, la stratégie IT doit donc s’adapter à trois ruptures majeures : la mobilité, le cloud et la transformation digitale.

L’accélération des cycles technologiques et économiques, la dynamique de l’innovation, la volatilité des marchés et des consommateurs, associées à l’incertitude généralisée, notamment la cyber-insécurité, auxquelles les entreprises doivent faire face, imposent une reconfiguration des systèmes d’information. Même en dehors des contextes de crises économiques, les entreprises qui ne se transforment pas sont, à terme, condamnées tant les enjeux sont énormes.

La totalité du système d’information intégrant les usages non encore informatisés représente des montants en moyenne double, soit vingt fois supérieurs au budget informatique, si l’on tient également compte des coûts cachés. C’est donc le premier facteur de coûts (et de performance) des entreprises.

L’inaction est la pire des réponses à cette question. Deux principes doivent guider les dirigeants : la résilience et l’agilité. Le premier permet de résister aux chocs et de les absorber, on en a vu l’importance avec l’épidémie de coronavirus ; le second de s’adapter rapidement. Concrètement, la stratégie de résilience consiste, pour les systèmes d’information, à poursuivre les réductions de coûts, à redéployer les ressources, à optimiser les portefeuilles de projet, à consolider/automatise/standardiser ce qui peut l’être et à renégocier avec les fournisseurs. La stratégie d’agilité correspond à une redéfinition des priorités métiers, à un renforcement des outils de pilotage, à la poursuite de la transformation digitale et, globalement, à la réduction de la complexité du système d’information. Le cloud peut y contribuer largement, puisque l’agilité constitue son principe fondateur.

Il serait toutefois hasardeux de se risquer à un exercice de prospective, par exemple pour identifier le moment clé de la cinquième révolution industrielle ou les technologies qui domineront le monde des systèmes d’information dans les années 2050 et au-delà… Le paysage des technologies et des systèmes d’information résultera de la conjonction de certitudes et d’incertitudes.

Du côté des certitudes, il est admis que les systèmes d’information augmenteront encore leur place stratégique, que le rythme de l’innovation ne faiblira pas, que la cybersécurité demeurera un sujet de préoccupation récurrente et que de nouveaux métiers vont apparaître tandis que d’autres vont disparaître, même si on ne sait pas dans quels domaines ni dans quelles proportions.

Du côté des incertitudes, elles concernent la transformation des usages, l’évolution des environnements réglementaires, les stratégies des fournisseurs (celles des anciens, des nouveaux et de ceux qui n’existent pas encore), le positionnement du DSI, les caractéristiques des nouvelles technologies, ainsi que le niveau de maturité des dirigeants d’entreprises et des managers.

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Les organisations face aux défis technologiques et sociétaux du XXIème siècle, sous la direction de Daniel Bretonès, MA Editions, 2019, 288 pages.

 

L’évolution historique des systèmes d’information et du positionnement du DSI
L’ère des mainframes L’ère du PC L’ère des réseaux L’ère du Web L’ère de l’information L’ère de l’IA
Epoques 1960’s – 1970’s 1980’s 1990’s 2000’s 2005’s+ 2015’s – ?
Périmètre Informatique Processus Organisation Ecosystème Entreprise numérique Sociétal
Objectif principal Automatiser les tâches administratives Améliorer la productivité Garantir la cohérence Maîtriser l’information Créer de la valeur Réinventer les business models
Structure du SI Centralisé Distribué Eclaté Pervasif Intégré Atomisé
Positionnement du DSI Ingénieur Architecte Organisateur Manager Stratège Leader
Mission principale du DSI Garantir la disponibilité des infrastructures Garantir la cohérence des processus Garantir l’interopérabilité Garantir la sécurité Garantir la confiance Piloter la transformation digitale
Technologies dominantes Cobol, Unix… DOS, Windows… Ethernet, Token Ring… TCPIP, PHP, Java… Big Data, bases de données, cloud, mobiles IA, robotique, Blockchain, IoT…
Fournisseurs dominants IBM, DEC, Unisys, Bull, ICL, NCR, Control Data… Microsoft, HP, Intel, Compaq, IBM IBM, Novell, 3Com, EDS, Oracle, SAP… Yahoo!, Netscape, AOL, Cisco, BlackBerry… Google, Amazon, Facebook, Apple, Salesforce, Samsung … GAFA ? BATX (Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi) ?