La RPA (Robotic Process Automation) monte en puissance, avec des usages diversifiés et un marché en forte croissance. Mais cette approche est aussi associée à quelques idées reçues…
L’objectif de l’automatisation robotisée des processus (RPA) est principalement d’automatiser les tâches routinières et ainsi libérer les ressources, afin de leur permettre de se consacrer à des opérations à plus forte valeur ajoutée. Il s’agit, dans la plupart des cas, d’alléger des tâches physiquement pénibles ou fastidieuses, afin de se concentrer sur ce qui génère davantage de valeur.
L’impératif de fluidité est renforcé par le contexte de transformation digitale : on ne peut, en effet, plaider pour des interactions fluides et personnalisées avec les clients sans que les processus, qui permettent d’atteindre cet objectif, ne soient agiles de bout en bout. Ainsi, par exemple, d’après Gartner, 20 % des processus manuels seront remplacés par de la RPA dans le secteur financier, à l’horizon 2021. Les analystes estiment que l’implémentation de la RPA génère des gains de productivité de 20 à 40 %.
Dans ses prévisions 2021, le cabinet Forrester (1) estime que « l’automatisation intelligente progressera pour soutenir un travailleur à domicile sur quatre. En raison de la pandémie, de nouvelles formes d’automatisation permettront de prendre en charge un travailleur à distance sur quatre, directement ou indirectement, d’ici 2022.
Les suites d’automatisation intelligentes fourniront un quart de toutes les solutions RPA, un cinquième des entreprises utiliseront des drones commerciaux pour automatiser leurs opérations et une même proportion augmentera ses investissements dans l’extraction intelligente de documents. » Avec au moins 200 éditeurs de logiciels de workflow qui intègreront la RPA dans leurs solutions. Pour IDC, le marché français de la RPA aura été multiplié par cinq entre 2018 et 2022.
Selon le cabinet Ovum (2), la valeur réelle de la RPA repose sur sa capacité à permettre une automatisation de bout en bout des processus (même quand il ne s’agit pas d’une automatisation à 100 %) et pas simplement à reproduire les actions des utilisateurs finaux pour réaliser des tâches spécifiques d’une certaine manière. Du point de vue des processus, la RPA convient aux tâches appartenant à des processus structurés et, dans certains cas, semi-structurés, telles que :
- Les transactions à volume élevé.
- La mise en disponibilité des workflows.
- Les saisies de données (systèmes doubles ou multiples).
- La recherche, la collecte ou les mises à jour d’informations.
- La mise en correspondance ou la comparaison de données.
- Les décisions simples ou à faible complexité pouvant être traitées par un moteur de règles et/ou un algorithme, c’est-à-dire n’impliquant aucune question de jugement.
- Le traitement répétable et basé sur les règles.
- Les activités hautement réglementées.
- Les activités liées à la conformité et à l’audit.
- Les données à forte fluctuation des volumes.
Une étude Forrester pour Kofax (3) révèle que les organisations progressent en matière d’automatisation des principales opérations de Front Office et de Back Office : ainsi, 58 % des organisations ont déployé des technologies d’automatisation pour dématérialiser l’information, pour automatiser l’interaction avec le Front Desk, les opérations relatives au traitement et à la vérification de l’information, pour exécuter des tâches réglementaires, comptables et de Back Office. La RPA s’intègre dans une approche plus large, l’hyper-automatisation.
Celle-ci est définie par Gartner comme « une approche disciplinée que les entreprises utilisent pour rapidement identifier et automatiser le plus de processus métiers et IT possible. L’hyper-automatisation s’appuie sur un ensemble de technologies, outils et plateformes, qui incluent l’intelligence artificielle, le machine learning, la RPA, le BPM et autres outils d’aide à la décision. » Une étude du cabinet Kynapse (groupe Open) (4) estime que « la RPA bascule de plus en plus vers l’IPA (Intelligent Process Automation).
Ce concept ajoute à la RPA des notions d’intelligence artificielle (Machine Learning, Computervision, Natural Language Processing) plus poussée, ainsi qu’une refonte d’activités et de processus (Process Mining) et l’extraction de données non structurées (Cognitive Machine Reading, Intelligent Document Processing, Intelligent Character Recognition, bien au-delà de l’OCR). La combinaison de ces éléments résulte en une amélioration de la productivité et de l’efficacité, une réduction des risques opérationnels et une amélioration de l’expérience client. »
Pour Daniel Schmidt, directeur du marketing produit chez Kofax, « de nombreuses entreprises sont convaincues que la RPA leur permettra d’automatiser également les activités les plus complexes de gestion des processus métier. » Celui-ci met en exergue six idées reçues.
Idée reçue n° 1 : la RPA automatise entièrement les processus de A à Z
La RPA (Robotic Process Automation) est l’un des meilleurs moyens pour automatiser les tâches structurées et répétitives. Elle se révèle efficace pour les opérations qui durent généralement quelques minutes. Cela inclut, par exemple, la collecte de données d’un système et son stockage dans un autre.
La RPA est idéale pour les opérations qui nécessitent de multiples répétitions de la même séquence et qui pourraient être menées en parallèle afin de gagner en efficacité. A titre d’exemple, les entreprises B2B sont souvent amenées à consulter plusieurs portails et/ou fournisseurs afin d’acheter des stocks au meilleur prix.
Un collaborateur doit passer en revue toutes les étapes de chaque portail, et ce de manière séquentielle. Avec la RPA, les robots logiciels fonctionnent comme des « collègues numériques ». Ils vérifient les prix des produits et informent régulièrement les employés des changements, en récupérant les données simultanément au sein de l’ensemble des portails.
Contrairement aux plateformes BPM, le système RPA n’est souvent pas en mesure de gérer les processus de bout en bout. Un exemple : un client souhaite passer une commande, faire une réclamation ou obtenir des informations. En conséquence, un processus est alors déclenché dans l’entreprise. Parfois, il peut s’écouler plusieurs jours avant que la demande ne soit traitée. Bien que « le collègue numérique » puisse préparer le terrain en récupérant les données client, les décisions sont toujours prises par le collaborateur humain. C’est pourquoi une solution BPM peut s’avérer être un bien meilleur choix, car le système pourra intégrer les collaborateurs dans le processus en fonction de leur disponibilité et de leurs compétences.
Idée reçue n° 2 : la RPA remplace complètement les autres solutions
Conceptuellement, la RPA peut être utilisée dans presque tous les processus. Cependant, il est parfois préférable d’utiliser des logiciels commerciaux prêts à l’emploi (« COTS » : « Commercial off the shelf »). Par exemple, les entreprises utilisent des logiciels de traitement des factures depuis de nombreuses années. Au fil du temps, ces solutions se sont grandement améliorées grâce à l’intégration des retours d’expérience et du savoir-faire en matière de processus.
Remplacer ces outils n’est pas une option viable. Il faudrait beaucoup de temps pour associer toutes les fonctions existantes à la RPA et cela n’aiderait pas pour autant les organisations à atteindre leur objectif d’automatisation de bout en bout. Néanmoins, de nombreuses entreprises doivent encore intégrer la RPA à ces solutions existantes, afin que les robots logiciels puissent alimenter le système avec les données dont ils ont besoin ou la coupler avec d’autres applications, si nécessaire. Toutefois, cela ne fonctionne que si les entreprises choisissent une solution RPA qui propose les API appropriées, lui permettant de connecter facilement les systèmes.
Idée reçue n° 3 : la RPA automatise mieux les processus via les interfaces utilisateurs
Même s’il apparaît, dans bien des cas, justifié et préférable d’utiliser les outils existants, la RPA a définitivement sa raison d’être : permettre l’intégration de différents systèmes entre eux. Il s’agit d’un défi majeur pour de nombreuses entreprises. L’intégration est longue et coûteuse car certains clients, tels que le navigateur Web ou les applications des systèmes existants, sont difficiles à intégrer avec les technologies modernes.
La RPA permet une intégration rapide entre les systèmes via des interfaces utilisateurs. Les interfaces directes, telles que les API ou les services Web seront privilégiées, car généralement plus rapides et n’évoluant pas aussi fréquemment que les interfaces utilisateurs. Si ces dernières changent à cause d’une mise à jour, certains robots logiciels ne peuvent plus fonctionner et un ajustement est alors nécessaire. Toutefois, les bonnes solutions RPA fonctionnent dans les deux sens : elles permettent l’intégration simple d’interfaces directes et l’utilisation d’interfaces utilisateurs sans avoir à créer ne serait-ce qu’une ligne de code.
Idée reçue n° 4 : la RPA prendra la place des collaborateurs
La crainte de voir les employés se faire remplacer par des machines est grandissante, en particulier due à l’engouement pour les plateformes d’automatisation intelligentes. La RPA ne peut pas, à elle seule, traiter des données non structurées contenues dans les documents, car elle ne dispose pas de l’intelligence nécessaire. Mais l’automatisation intelligente conjugue les capacités de la RPA et de l’intelligence artificielle, ce qui lui permet de reconnaître facilement la différence entre une facture et une lettre de réclamation sans devoir faire appel à un humain.
Bien que les logiciels deviennent de plus en plus intelligents, cela ne signifie pas qu’ils vont remplacer les humains. Au contraire, l’automatisation intelligente décharge les collaborateurs de tâches monotones et leur fait économiser un temps précieux.
Idée reçue n° 5 : dans le Back Office, la RPA n’a aucun impact sur la satisfaction client
Dans la mesure où la RPA est essentiellement utilisée pour des opérations relativement simples, on pourrait penser qu’elle n’a pas d’impact sur la satisfaction des clients. Mais cela est inexact. Lorsque des « collègues numériques » prennent en charge des tâches répétitives, non seulement les demandes sont traitées plus rapidement, mais de surcroît les collaborateurs passent plus de temps à nouer des relations utiles avec les clients.
De plus, la RPA améliore la fiabilité des données. Selon les estimations, environ 5 % des données d’une organisation sont incorrectes, soit parce que certaines informations ont été perdues, soit parce que des erreurs sont commises lors de la saisie des données. Par exemple, un salarié d’un fournisseur d’énergie peut lire le compteur d’électricité et l’attribuer accidentellement à un client tiers lors de sa saisie dans le système.
Cette erreur se traduit par une facture erronée reçue par le client et impacte fatalement la satisfaction qui suit sa réclamation auprès de la compagnie d’électricité. Lorsqu’un robot est chargé de reproduire ou de stocker les données, les erreurs sont pratiquement inexistantes. Un robot peut également vérifier rapidement et facilement la validité des données saisies.
Idée reçue n° 6 : la RPA peut être utilisée pour des processus complexes et être déployée immédiatement dans toute l’entreprise
Les entreprises reconnaissent que la RPA offre un énorme potentiel en matière d’optimisation. Il est possible de déployer la RPA dans toute l’entreprise et même de l’utiliser pour certains processus complexes. Cependant, les entreprises croient souvent à tort que la RPA peut les aider à parvenir à une automatisation de bout en bout. La RPA est souvent plus adaptée à l’automatisation de tâches qu’à celle de processus.
La meilleure façon de concevoir l’automatisation de bout en bout est bien souvent de créer un « Centre d’excellence ». La participation des responsables métier à cette équipe est tout particulièrement importante. Ils connaissent les processus et comprennent ce que chacun d’entre eux implique. Ils sont aussi particulièrement doués pour estimer le temps consacré aux tâches par les collaborateurs.
Idéalement, il est recommandé de commencer par automatiser les « petites » tâches et acquérir ainsi de l’expérience. Les entreprises commencent le plus souvent par le service financier au sein duquel les robots assurent la création de rapports, consommateurs de temps. Le déploiement de la RPA peut progressivement être étendu à d’autres domaines et automatiser des activités de plus en plus complexes. En adoptant une telle approche, les entreprises réduisent les risques et optimisent le retour sur investissement à court terme. Elles acquièrent de l’expérience et peuvent élargir le déploiement de la RPA à la plupart des activités. Elles commencent dès aujourd’hui à travailler comme les entreprises du futur.
(1) Predictions 2021 : automation, Forrester, octobre 2020.
(2) Exigences des entreprises pour la RPA (Robotic Process Automation), Ovum, Micro Focus.
(3) 2020 Intelligent Automation Benchmarking, Forrester Consulting, Kofax.
(4) Le CFO augmenté, regards croisés de praticiens sur l’utilisation de l’intelligence artificielle dans les directions financières en France, Kynapse, septembre 2020.
Comment définir un plan d’action
- Analyser le paysage concurrentiel : que font les autres ? Que se passe-t-il dans d’autres industries ? Est-il temps d’agir ?
- Consolider la connaissance et l’expertise sur les technologies d’automatisation et mesurer le degré de maturité de l’organisation.
- Élaborer une approche hybride pour les humains et les machines, en prenant en compte les aspects réglementaires et l’éthique.
- Concevoir des bots et des algorithmes, alignés sur les besoins métiers.
- Recruter et former les compétences.
Source : « The Robotics Era: Coming to an Insurance Company Near You », Gartner Symposium 2018.
RPA et BPM, quelles différences ?
Selon Teknowlogy Group, la RPA et le BPM (Business Process management) se différencient par cinq caractéristiques :
- La RPA se focalise sur les tâches individuelles, tandis que le BPM vise les processus transverses.
- La RPA remplace des activités humaines, alors que le BPM les orchestre.
- La RPA reproduit les tâches, tandis que le BPM fait évoluer les processus.
- La RPA peut intégrer les applications sans PAI, à l’inverse du BPM.
- La RPA permet de créer des assistants virtuels, le BPM ne le peut pas.
Selon les analystes de Teknowlogy Group, la RPA et le BPM sont en réalité complémentaires :
- Le BPM orchestre des processus transverses où certaines étapes peuvent être effectuées par des robots.
- L’association du BPM et de la RPA favorise la collaboration.
- La RPA apporte un niveau d’intégration supplémentaire au BPM.
Source : RPA et BPM : différences et complémentarités pour améliorer l’efficience des processus, Teknowlogy Group.
Les trois freins principaux
- Une fragmentation de processus : la première barrière est due à la variété des cas à traiter, la disparité des activités et la diversité des applications utilisées. L’automatisation s’applique alors à une multitude de petites tâches fragmentées dont la rentabilité unitaire reste à démontrer.
- Un manque de préparation informatique : le support informatique est essentiel pour un déploiement à grande échelle. Les équipes ont besoin d’apprendre et de s’adapter pour que le déploiement s’accélère.
- Un manque de vision claire : un grand nombre d’organisations se sont lancées rapidement dans la robotisation suite à un PoC ou à un pilote. Beaucoup n’ont pas pris le temps d’établir une vision claire, de fixer une ambition et de définir la feuille de route de déploiement alignée avec leurs objectifs stratégiques.
Source : The robots are waiting: are you ready to reap the benefits? Global Robotics Survey 2018, Deloitte.