S/4 Hana : un modèle commercial bancal ?

L’USF, association des utilisateurs SAP francophones, a réalisé, avec TNS Sofres, une enquête sur la perception par 210 entreprises françaises de S/4 Hana, l’ERP nouvelle génération lancé par SAP en 2015. Cette enquête met en exergue trois difficultés : sur la couverture fonctionnelle, sur les aspects commerciaux et sur les impacts métiers.

Selon l’enquête, un quart des utilisateurs envisage de mettre en œuvre S/4 Hana dans les trois ans à venir (dont 13 % dès 2016), un tiers l’envisage à plus long terme, et un gros tiers (38 %) ne l’envisage pas du tout.

Globalement, 72 % des répondants pensent que S/4HANA témoigne du caractère visionnaire de la stratégie de SAP et pour six entreprises sur dix, « la stratégie déployée par SAP autour de S/4HANA est adaptée au marché ». Toutefois, les entreprises mettent en exergue trois points faibles :

– Un manque d’information sur la couverture fonctionnelle de la solution SAP S/4HANA : 78 % des répondants pensent que le niveau d’information fourni par l’éditeur sur les fonctionnalités de sa nouvelle solution est insuffisant.

– Une interrogation majeure sur les aspects commerciaux : 90 % des répondants estiment ne pas disposer d’informations suffisantes sur le modèle de licences et les droits d’usage de SAP S/4HANA. Plus de la moitié (53 %) considèrent même ce niveau d’information comme mauvais.

– Une interrogation également majeure sur les impacts métiers et sur les processus et l’organisation de SAP S4/Hana avec 78 % d’insatisfaits.

« Ce dernier chiffre est sans doute le plus important. Car la justification de se lancer dans S4/HANA ne pourra en aucun cas être technologique. S/4HANA doit être un projet métier. Les clients devront donc trouver des cas d’usage. Et la migration se fera progressivement, avec d’abord un ou deux processus, puisque SAP garantit la capacité de migrer en douceur une partie seulement des process sous S/4HANA tout en conservant tout le reste un certain temps sous ECC6.

Mais il faudrait également y voir d’abord bien plus clair en matière de licensingS/4HANA, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui comme le montre clairement les résultats de l’enquête. Et le renforcement des audits de licences comme outil de pression commerciale menés par SAP en France – et ailleurs – ne va pas aider à apaiser le sujet de la relation commerciale entre SAP et ses clients » commente Claude Molly-Mitton, président de l’USF.

Pour ce dernier, « ces résultats mitigés sont évidemment à mettre en regard du manque de visibilité des clients sur les efforts nécessaires pour migrer vers SAP S/4HANA et surtout les cas d’usage qui permettront de le justifier. Mais si un quart des clients SAP France migrent au moins en partie sur S/4HANA dans les 3 ans, ce sera déjà beaucoup, et il n’est pas dit qu’il y ait assez de ressources compétentes en France au sein de SAP et de ses partenaires pour assumer un tel volume de projet…

On peut aussi légitimement se poser la question de savoir si les 38 % de clients qui n’envisagent pas à ce jour migrer vers SAP S4/HANA ne vont pas trouver que c’est le bon moment pour remettre sur la table le choix même de SAP en tant qu’ERP, au moins partiellement pour certains processus métier. SAP sait pertinemment qu’il a ouvert une boite de Pandore et qu’il prend un risque.

Et c’est sur le terrain des processus métier que se fera le succès ou l’échec de S4/HANA. Même si la valeur ajoutée technologique deS4/HANA est largement reconnue par les clients, ce n’est absolument pas suffisant pour se lancer dans un tel projet. La clé sera ailleurs, dans la valeur et l’usage métier » conclut Claude Molly-Mitton.

Les entreprises ont adopté plusieurs attitudes vis-à-vis de Hana. Certaines entreprises sont précurseurs, notamment celles qui ont accepté de témoigner dans cette note de perspective ; d’autres sont plus attentistes, privilégiant les retours d’expérience des précurseurs et une montée en maturité de la solution ; d’autres, enfin, sont plus décalées, leurs contraintes étant trop fortes (budgets contraints, besoins métiers flous, manque de sponsoring interne…).

Les attitudes des entreprises face à S/4 Hana
Précurseurs Attentistes Décalés
Degré d’adoption de Hana Fort Faible ou nul Inexistant
Principale motivation Innover pour les métiers Se rassurer avec des retours d’expérience solides Contraintes financières ou manque de maturité des métiers
Principaux challenges Les compétences et l’accompagnement, la gestion des risques Le ROI et le business case Le budget
Source : Digitalonomics.