Le secteur public continue à investir fortement, sur fond de modernisation des systèmes d’information et de transformation digitale. Quels que soient les chantiers, dix tendances doivent être intégrées.
D’après le cabinet Markess, avec une croissance d’environ +1,6 %, le marché français des logiciels et services liés aux projets numériques dans le secteur public devrait avoisiner les 8 milliards d’euros d’ici 2020. Il représente 14 % du marché des logiciels et services IT en France, selon le périmètre du Syntec numérique. Pour sa part, le cabinet Teknowlogy Group estime que la dépense IT du secteur public a atteint 12,8 milliards d’euros (en 2017), dont 36 % pour les administrations centrales, un quart pour le secteur de la santé, autant pour la défense et 16 % pour les collectivités locales. Alors que le marché des administrations centrales (ministères, agences, opérateurs, établissements de santé…) conserve une croissance identique à celle estimée en 2017 (+0,9 % d’ici 2020), celui des administrations locales reste le plus dynamique avec une croissance de +2,7 % prévue d’ici 2020.
Malgré une progression légèrement inférieure à celle de l’ensemble du marché des logiciels et services IT en France, il reste sur une tendance positive d’ici 2020. Le marché des logiciels et services IT du secteur public tirera sa croissance avant tout des services et des logiciels en mode SaaS/cloud : + 19 % en 2018, au niveau mondial, estime Gartner, contre seulement 4 % pour les ERP et les mainframes. Cette évolution s’inscrit dans un contexte plus large qui justifie une telle modernisation des systèmes d’information dans le secteur public et la transformation numérique. Sur ce terrain, note Gartner, 70 % des entités du secteur public affirment qu’elles conduisent une transformation digitale, mais seulement 5 % l’ont réussie. Ainsi, on peut identifier dix défis auxquels toutes les organisations publiques sont, à des degrés divers, confrontées…
1. Accompagner les changements démographiques et sociétaux
Le secteur public doit s’aligner, dans ses pratiques, son organisation et ses stratégies, sur les transformations sociétales et démographiques. On observe, d’abord, un vieillissement de la population : le nombre de seniors (plus de 65 ans) double presque tous les cinquante ans depuis 1920 et leur part dans la population est passée de 9 % en 1920 à 20 % en 2018, selon l’Insee. Cela impose une adaptation des modes de protection sociale, en particulier pour les dépenses de santé et les régimes de retraite.
Ensuite, la population active se transforme avec l’arrivée des jeunes générations sur le marché du travail, le non-salariat se développe, même s’il reste encore marginal. Enfin, le numérique modifie considérablement les modes de consommation des services publics, dans une logique de simplification, d’agilité et de personnalisation, qui s’exprime dans tous les domaines : la fiscalité, la santé, la vie locale, l’éducation, les démarches administratives…. En outre, il faut tenir compte de nouvelles exigences démocratiques et de transparence de la part des organisations publiques.
2. Adapter l’organisation et les modes de management
La culture du résultat et la recherche de la performance, qui ont été considérées pendant des décennies comme l’apanage des entreprises privées, sont également devenues des caractéristiques des organisations publiques. Il est, en effet, difficile d’imaginer, et de supporter, un décalage significatif entre les pratiques de management des entreprises et celles des organisations publiques.
Surtout dans un contexte marqué par des regroupements de collectivités locales, la décentralisation des décisions, des fusions d’établissements publics ou l’extension des périmètres de l’action publique. Ces bouleversements obligent à se poser cette question de performance et imposent une remise à plat des modes de management, en particulier pour la définition des responsabilités et le reporting, de manière à assurer davantage de transparence et de fluidité pour toutes les parties prenantes.
3. Renforcer les liens avec les écosystèmes
Du fait des contraintes financières, les organisations publiques font de plus en plus appel au secteur privé pour mener à bien leurs missions, par exemple dans le cadre de contrats de délégations de service public ou de partenariats publics-privés, qui sont adaptés aux infrastructures, à l’énergie, aux transports ou à la formation… Ils permettent une répartition des risques pour mieux les supporter, facilitent la recherche de gains de productivité sous contrainte de qualité, ainsi que le lissage du poids financier des investissements sur les budgets publics.
A cela s’ajoutent les effets de la dématérialisation, qui renforcent les liens entre les entreprises et le secteur public, via des processus communs. On le voit, par exemple, avec la montée en puissance de Chrorus Pro, le portail d’envoi automatique des factures : l’année 2018 a confirmé ce succès avec près de 25 millions de factures reçues, soit plus du double enregistré fin 2017, portant le total à 36 millions depuis l’ouverture du service.
L’objectif pour 2019 est de dépasser les cinquante millions de factures traitées et, à terme, les cent millions de factures, lorsque l’obligation concernera tous les types d’entreprises, les micro-entreprises étant obligées à partir de début 2020. Ces factures, émises par les entreprises à destination des ministères, des collectivités locales, des hôpitaux et des établissements publics, favorisent un traitement plus performant qu’à l’époque du « tout papier », par une diminution des coûts et des délais de traitement.
4. Rénover la gestion des ressources humaines
Le changement dans la pyramide des âges, sous l’effet des départs en retraite, et les contraintes de recrutement pour maîtriser le poids de la masse salariale, imposent un changement de posture en matière de gestion des ressources humaines, qui va au-delà de la traditionnelle GPEC (Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences).
Pour adresser un tel challenge et éviter une dégradation quantitative et qualitative qui aboutit à une augmentation des charges de travail et à une altération de la qualité des services publics, quatre leviers principaux peuvent être actionnés : l’attractivité des emplois et des missions, la promotion des talents, la mobilité des ressources et le développement des compétences, en particulier par la formation. Dans ce domaine, les chantiers sont encore à construire : selon le baromètre des ressources humaines du secteur public, publié en 2018 par le cabinet de conseil Boston Consulting Group, 76 % des agents publics sont très insatisfaits de la gestion des leviers RH. De fait, les attentes sont fortes en matière de formation, de qualité de vie au travail (modernisation des espaces de travail avec le numérique, télétravail…), d’anticipation des besoins en ressources et de parcours de carrière.
5. Accélérer les prises de décision
Les organisations publiques n’échappent pas à un contexte social, économique et politique marqué par l’incertitude. Cette situation est résumée par l’acronyme VUCA (Volatility, Uncertainty, Complexity, Ambiguity). La volatilité signifie que le rythme du changement, dans tous les domaines, s’accélère, les situations deviennent instables, pour des durées inconnues.
L’incertitude correspond au fait que l’on ne maîtrise pas les caractéristiques d’un environnement, les causes et les effets des événements étant non identifiés ; la complexité se traduit par la nécessité de prendre en compte, avant d’agir, de multiples facteurs et une diversité des parties prenantes. L’ambiguïté rend floue la signification des actions ou des tendances. Face à ces quatre caractéristiques, la qualité, la pertinence et la rapidité des prises de décision, paraîssent encore plus cruciales que par le passé.
6. Optimiser le pilotage
Le corollaire de la rapidité dans les prises de décision est le pilotage, en amont, pour minimiser les risques et, en aval, pour en contrôler l’efficacité. Ce pilotage concerne évidemment les aspects financiers, en particulier les évolutions de trésorerie, dans un contexte de maîtrise des finances publiques.
7. Moderniser les systèmes Legacy, la gestion des actifs et des immobilisations
Les actifs gérés par les organisations publiques représentent des enjeux colossaux, tant par leur nombre, leur valeur financière, que par leur diversité (patrimoine foncier, immobilier, matériels, actifs financiers, participations financières, infrastructures publiques…), que par leur nature (matérielle et immatérielle). Selon l’APIE (Agence du Patrimoine Immatériel de l’Etat), « valoriser ces actifs, c’est à la fois reconnaître et exploiter leur potentiel de valeur pour les administrations elles-mêmes dans l’exercice de leurs missions de service public, mais aussi en optimiser les bénéfices socio-économiques pour la Société dans son ensemble. » Une optimisation de la gestion des actifs passe par une gestion fine des immobilisations et une ingénierie financière performante.
8. Affirmer le leadership de la transformation numérique
Le secteur public a un rôle moteur, et d’avant-garde, pour soutenir et accélérer la transformation numérique. C’est, d’abord, un enjeu de modernisation des organisations, des processus et des modes de travail, grâce aux technologies de l’information. C’est, ensuite, un enjeu de relation citoyen, au même titre que les entreprises améliorent leur expérience client.
Sur ce plan, le secteur public accuse un retard : d’après le baromètre de la relation client, publié par l’EBG (Electronic Business Group), le secteur public se place en septième position pour la qualité de la relation client, loin devant les banques, le tourisme et la distribution. C’est, enfin, un enjeu d’efficience dans la gestion des données. D’ores et déjà, le secteur public expérimente et déploit des technologies innovantes, telles que l’intelligence artificielle, la télémédecine, la robotisation, le Big Data…
Selon Gartner, 70 % des entités du secteur public affirment qu’elles conduisent une transformation digitale et 21 % des budgets IT du secteur public sont dépensés sur des initiatives digitales. Par ailleurs, 10 % des organisations publiques ont déjà lancé des initiatives dans le domaine de l’intelligence artificielle et 17 % le feront en 2019. Les usages les plus courants concernent l’automatisation, les chatbots, l’aide au diagnostic, les assistants virtuels et la détection de la fraude.
De même, le recours au cloud s’étend : une étude IDC révèle que 21 % des administrations centrales et 27 % des administrations locales, en France, ont déjà adopté des services cloud, que ce soit pour des logiciels, des infrastructures ou des plateformes de développement. « Il s’agit un modèle qui va se développer significativement avec des taux d’usage qui pourraient doubler dans les années qui viennent », estiment les analystes d’IDC. Ceux de Gartner estiment, pour leur part, que 44 % des processus dans le secteur public sont d’ores et déjà impactés par le numérique, cette proportion atteindra 80 % en 2021.
Pour les collectivités locales, les enjeux de transformation digitale concernent, selon une étude du cabinet Markess, la meilleure maîtrise de leurs données, la relation usager, l’optimisation des processus documentaires (avec la problématique de la valeur probante des documents numériques) et la mutualisation des différentes composantes de la transformation digitale (infrastructures, logiciels, ressources, sources d’innovation…). C’est donc l’ensemble des entités publiques qui sont concernées par la révolution digitale, avec une réelle ambition : le programme « Action Publique 2022 », lancé fin 2017, prévoit que 100 % des services publics seront dématérialisés à l’horizon 2022.
9. Intégrer les contraintes financières
A un moment où la dette publique équivaut à presque 100 % du PIB (contre 64,5 % en 2007, selon l’Insee), et où le déficit de l’Etat représente environ 3,4 % du PIB, on imagine facilement que les marges de manoeuvre sont très étroites. C’est évidemment l’un des défis majeurs que les entités publiques doivent intégrer dans leurs actions quotidiennes.
10. Assimiler les aspects réglementaires
Le cadre réglementaire évolue à un rythme soutenu et de plus en plus rapide, avec des chantiers majeurs qu’il faut engager, par exemple, pour le prélèvement de l’impôt à la source, la réforme du financement de la sécurité sociale, la fusion Agirc-Arrco dans le domaine des retraites, pour ne citer que les plus récents. Réussir ces chantiers exige des outils agiles, ouverts et rapides à mettre en œuvre.
Les défis du secteur public et les solutions logicielles à privilégier | ||
Défis du secteur public | Mot clé | Solutions logicielles à privilégier |
1. Accompagner les changements démographiques et sociétaux | Proactivité | Portail, e-services, Apps, mobilité… |
2. Adapter l’organisation et les modes de management | Transformation | Business Process Management… |
3. Renforcer les liens avec les écosystèmes | Fluidité | Portails, EDI, dématérialisation… |
4. Rénover la gestion des ressources humaines | Motivation | GRH, gestion des talents, e-recrutement… |
5. Accélérer les prises de décision | Réactivité | Business Intelligence… |
6. Optimiser le pilotage | Efficience | Reporting, gestion de trésorerie… |
7. Moderniser les systèmes Legacy, la gestion des actifs et des immobilisations | Modernisation | ERP, cloud… |
8. Affirmer le leadership de la transformation numérique | Digitalisation | Dématérialisation, gestion documentaire… |
9. Intégrer les contraintes financières | Pilotage | Comptabilité, facturation, immobilisations… |
10. Assimiler les aspects réglementaires | Intégration | Solutions avec une R&D locale |
Source : Best Practices. |
L’IA dans le secteur public : les usages et les principaux freins
10 % des organisations publiques ont déjà lancé des initiatives dans le domaine de l’intelligence artificielle et 17 % le feront en 2019. Les usages les plus courants concernent l’automatisation, (35 %), les chatbots (31 %), l’aide au diagnostic (27 %), les assistants virtuels (25 %) et la détection de la fraude (25 %). Les freins identifiés sont les suivants :
- La sécurité et la protection des données (38 %).
- La définition de la stratégie d’intelligence artificielle (28 %).
- La résistance au changement dans l’organisation (25 %).
- La gouvernance (23 %).
- Le financement des projets (21 %).
Source : « Exploiting AI to Successfully Transform Government Services », Gartner Symposium 2018.
Secteur public : les dix bonnes pratiques pour le cloud
- Comprendre les différents modèles de cloud et définir le périmètre de l’achat.
- Clarifier le rôle et les responsabilités de chaque partie.
- Définir le modèle de distribution et le périmètre des prestations associées.
- Renforcer les critères de sélection au stade de la candidature.
- Comparer les offres techniques équitablement dans le contexte du cloud.
- Comparer les offres financières équitablement dans le contexte du cloud.
- Contractualiser efficacement sur les prix.
- Permettre une négociation contractuelle.
- Accompagner l’acculturation au cloud.
- Ajuster les conditions contractuelles.
Source : 10 clés pour l’acheteur public de cloud, guide pratique, CISPE.cloud, Eurocloud France.
Lien : www.eurocloud.fr/10-cles-pour-lacheteur-public-de-cloud/