Entre le Customer Centric, l’expérience client, la relation client, les entreprises ont l’embarras du choix pour caractériser ce qu’elles considèrent comme une priorité. Mais, sur le terrain, la réalité ne correspond guère à ces bonnes intentions.
«Le service client est le parent pauvre des projets de transformation » résume une étude du cabinet Citwell et de l’éditeur Esker, réalisée auprès de 200 entreprises dans dix secteurs différents. Cette étude pointe également un manque de maîtrise des processus de gestion de la demande client et une faible mesure de la performance.
« Quand on prend le pouls de la fonction service client, on constate un accompagnement minime des équipes ADV (aide à la vente) : cette équipe est souvent perçue à tort comme un simple secrétariat des commandes. Pourtant déprécier le service client revient à bloquer toute l’activité de l’entreprise, sans parler des répercussions en termes d’image et de relation client », explique Nicolas Henry, senior manager de Citwell. C’est même plus inquiétant en B2B : « Le service client est moins valorisé en B2B qu’en B2C, c’est un oublié et on considère souvent qu’il relève de l’intendance et qu’elle suivra… », assure Thomas Honegger, directeur général d’Esker France.
Les résultats de l’étude démontrent que, d’une manière générale, la maturité des services clients et ADV des entreprises reste aujourd’hui basique (sur une échelle de maturité faible, basique, maîtrisé, « best in class »). Si les secteurs de la distribution, des industries agroalimentaires, pharmaceutiques et cosmétiques ressortent avec une maturité moyenne sensiblement supérieure, les secteurs de la chimie et des industries de biens d’équipement semblent plus à la traîne.
Les processus les mieux maîtrisés se situent en aval au niveau de la gestion de la facturation. Tandis qu’en amont (saisie et suivi des commandes, gestion des stocks et des expéditions), les processus restent encore peu matures, avec des potentiels d’amélioration significatifs.
La maturité est moindre au sein des entreprises utilisant d’« anciens » canaux de communication (téléphone, fax, papier), mais il n’y a pas de différence significative selon la taille des entreprises, même si celles dont le chiffre d’affaires annuel est inférieur à 50 millions d’euros sont moins performantes dans le domaine de la facturation.
« Même si les entreprises disposant d’indicateurs pour mesurer la performance du service client (80 % des répondants) démontrent une maturité plus élevée, 67 % des répondants ne sont pas à même d’évaluer leur niveau d’activité ce qui laisse à penser que les indicateurs suivis devraient être réévalués », précise Nicolas Henry. La satisfaction client est mesurée et ajustée au quotidien dans seulement une entreprise sur trois, une sur cinq ne fait rien et quatre sur dix l’ont mesuré depuis plus d’un an. En outre, 55 % des entreprises interrogées n’ont jamais proposé de formation à la relation client.
Les dix axes de la maturité d’un service client | |
Domaine | Axe de maturité |
Les données et les outils | Les outils et les métiers |
Les Master Data | |
L’organisation et le pilotage de l’activité | La maîtrise des processus |
La polyvalence des équipes | |
La définition des rôles et des responsabilités du service client | |
Les processus et les modalités de fonctionnement | Le support avant-vente |
La saisie et le suivi des commandes | |
La gestion des stocks et des expéditions | |
La facturation | |
L’après-vente et la satisfaction client |
Pour améliorer la maturité du service client, les consultants de Citwell suggèrent de reconcevoir ou d’optimiser les processus et modalités de fonctionnement, de recruter et former, d’implémenter les bons outils et d’évaluer avec les bons indicateurs, sans oublier la conduite du changement.
Les entreprises peuvent-elles s’inspirer des exemples de celles qui ont largement réussi, en particulier les entreprises du numérique ? « Pour les entreprises du numérique, tout le monde est un client : la relation avec le client, nourrie par l’expérience, commence dès lors que l’entreprise capte son attention jusqu’au moment où cette relation est monétisée.
Ces acteurs ont participé à un changement dans la façon d’appréhender la création de valeur, qui ne peut désormais se limiter à la seule valeur financière, mais doit intégrer certains actifs immatériels tels que le capital client, le capital talent, l’écosystème, le capital technologique ou l’impact social et environnemental. », souligne Jean-Christophe Liaubet, associé chez Fabernovel, auteur d’une étude sur les KPIs de la nouvelle économie (*). Selon lui, « parce que la centricité client a été le coeur de la révolution numérique, le capital client constitue aujourd’hui l’un des actifs immatériels le mieux à même d’être mesuré et valorisé auprès des parties prenantes. »
Ces entreprises – à l’instar d’Amazon, Netflix, Spotify – ont construit leurs modèles économiques autour de cette approche extra-financière mettant le client au centre de leurs stratégies gagnantes. Ainsi, c’est en valorisant sa base d’abonnés croissante, qui a dépassé les 100 millions début 2019, que Spotify parvient à convaincre ses investisseurs de son potentiel de création de valeur à terme, malgré des flux financiers négatifs à court terme.
C’est une grande différence avec les entreprises françaises : « Lorsqu’on observe le reporting des entreprises du CAC40, toutes présentent un reporting externe majoritairement centré sur la performance financière, bien que nourri de quelques KPIs client. A l’inverse, 50% du panel d’entreprises du numérique observées fournissent un reporting axé sur le capital client », souligne l’étude Fabernovel.
Quatre niveaux de maturité d’un service client | |
Niveau | Caractéristiques |
1 – Faible | Les pratiques montrent des carences. Les modalités de fonctionnement et d’organisation doivent être revues pour permettre un service au client efficace et efficient |
2 – Basique | Certaines pratiques sont en place. La base du service au client est en place mais demeure fragile. Une trajectoire d’amélioration doit être définie |
3 – Maîtrisé | Les pratiques permettent une bonne exécution des processus. Des actions ciblées doivent permettre d’accroître encore le service au client |
4 – Best in Class | Les pratiques sont efficientes et le service au client performant. Une logique de veille et d’amélioration continue doit s’installer pour pérenniser la performance |
(*) New economy, new KPIs : the customer era, Fabernovel. La présentation est téléchargeable sur slideshare : www.slideshare.net/faberNovel/fabernovel-study-new-economy-new-kpi-the-customer-era
Académie de Versailles : un exemple de relation client réussie
La DSI de l’académie de Versailles, dirigée par Jacky Galicher (jusqu’à fin novembre 2019), a été récompensée, lors des 24 heures de la Relation Client organisées par l’AFRC, pour la qualité de sa relation client, notamment pour son application d’assistance virtuelle. Le service « Relation clients / Relation partenaires » est certifié Afnor Service Relation Client.
La rectrice, le directeur de cabinet, les secrétaires généraux, les inspecteurs, les services académiques, les établissements, les écoles, les enseignants, l’ensemble de la communauté éducative sont autant de « clients » qui sollicitent chaque jour l’académie de Versailles. Dans l’objectif de fournir une qualité de service optimale à ses « clients », la DSI de l’académie de Versailles a décidé de créer un service « Relation clients / Relation partenaires ». Elle a mobilisé l’ensemble des compétences des collaborateurs, sur la base du volontariat, pour concevoir et déployer, en trois mois, un nouvel outil destiné à ses clients pour favoriser le Self Help.
Une nouvelle forme d’intelligence relationnelle est née : une application d’assistance virtuelle « Karina », conçue grâce à la mutualisation de la connaissance collective des conseillers et à leur implication dans le projet. Pour y parvenir, les équipes en charge de la relation clients et de la relation partenaires de la DSI académique, ont expérimenté avec succès la méthode des Personae, utilisée en marketing, pour identifier tous les types de profils d’usagers, en fonction de leurs besoins et de leurs comportements dans leur recherche d’information : le VIP, l’averti, l’occupé, l’affolé, le novice, le réfractaire et le geek soupçonneux… tous en attente d’une réponse simple, immédiate et personnalisée.
En identifiant le comportement et les contraintes des clients, les conseillers adaptent leur discours et apportent des réponses appropriées. Le retour de l’enquête de satisfaction du mois de juin 2019 et la réduction des réclamations démontrent que l’implication des équipes, sur la mise en œuvre de solutions et de techniques innovantes, en parallèle de la mise en place de process d’assistance, apporte un service de qualité reconnu de ses clients. « La DSI maîtrise mieux ses coûts d’assistance, donne une image dynamique et innovante et valorise ses équipes », souligne-t-on à la DSI de l’académie.