Service Management : vers une nouvelle expérience client

L’expérience client est au cœur des stratégies marketing et commerciales actuelles. Dans une enquête menée au niveau mondial par Gartner auprès des dirigeants d’entreprises [1], celle-ci était en effet citée comme une priorité par 37 % des répondants, arrivant en tête des prévisions d’investissements technologiques, devant le marketing digital et la Business Intelligence. Le lien entre la satisfaction des clients et la performance boursière des entreprises a d’ailleurs été démontré à plusieurs reprises, notamment avec l’American Customer Satisfaction Index [2].

L’expérience client, une nouvelle exigence

Les entreprises sont donc de plus en plus nombreuses à se soucier de l’expérience qu’elles proposent à leurs clients, soignant particulièrement l’ergonomie et le design des services qui leur sont destinés. Les analystes d’IDC prévoient qu’en 2018, la moitié des interactions entre les entreprises et leurs clients reposera sur le numérique, au sein de communautés en ligne.

IDC note également l’engouement des entreprises pour la création de postes de Chief Experience Officers, à l’image des CIO (Chief Information Officers) ou des CDO (Chief Digital Officers). L’expérience client est au cœur de la transformation numérique. Mais ce n’est pas suffisant : il faut y adjoindre l’expérience collaborateur, tout aussi fondamentale pour garantir la performance des entreprises.

Hélas, sur le terrain, il subsiste encore un décalage avec les applications et services proposés par les entreprises à leurs collaborateurs. On observe particulièrement ce fossé dans le domaine du Service Management, qu’il s’agisse du système d’information ou de tous les services auxquels les collaborateurs d’une entreprise doivent accéder pour accomplir leurs missions quotidiennes (formulaires proposés par les directions des Ressources humaines, financière ou les services généraux).

La plupart des outils internes affichent en effet un retard plus ou moins marqué par rapport à ce qui existe en dehors de l’entreprise. Ce décalage, s’il perdure, est lui aussi directement préjudiciable à la performance de l’organisation.

Dans le domaine du Service Management, ces enjeux d’expérience utilisateur sont particulièrement sensibles. En tant que consommateurs, les collaborateurs sont habitués à des services souples, réactifs et bien conçus, qui laissent une large place à l’autonomie. En tant que salariés, ils souffrent de plus en plus de la lourdeur et de la complexité des applications internes, qui leur font perdre en temps et en efficacité.

Cette lourdeur est bien souvent un héritage des processus manuels : les formulaires papier sont hélas encore très présents pour les demandes de congés, de fournitures, de matériels bureautiques, de consommables ou les notes de frais. Selon une étude Coleman Parkes Research [3], 46 % des entreprises, au niveau mondial, estiment perdre beaucoup trop de temps à gérer les processus papier, et six entreprises sur dix considèrent que cela a un impact financier significatif. P

lus précisément, cette étude met en exergue le poids des processus papier dans les entreprises, qui concernent 51 % des formulaires ressources humaines, 47 % des bons de commande et 45 % des approbations d’achat. Ce décalage entre, d’un côté, un univers personnel très numérique et, d’un autre côté, un univers professionnel qui l’est beaucoup moins, crée un sentiment de frustration des collaborateurs, et donc de défiance à l’égard des entités chargées de moderniser les processus, dont la DSI, qui se retrouve en première ligne en tant que garante de l’implémentation de solutions technologiques pertinentes et à l’état de l’art pour combler ce fossé.

Face à cette nouvelle donne, il faut repenser la manière dont les services IT sont conçus et proposés : pourquoi ne pas appliquer les mêmes principes que ceux qui permettent de garantit une expérience client réussie ?

La DSI doit, elle aussi, s’outiller pour soigner la relation avec ses utilisateurs. Et proposer aux directions métiers les meilleures solutions pour qu’elles aussi, intègrent l’expérience utilisateur dans leurs meilleures pratiques.

De nouvelles exigences des utilisateurs

Le Service Management trouve ses origines dans des référentiels comme ITIL, conçus pour industrialiser les pratiques IT et les aligner sur la stratégie de l’entreprise. Dans ce monde « ITIL-centric », les outils de Service Management étaient avant tout destinés aux équipes de la DSI, afin de les assister dans leurs différentes missions de support et dans la fourniture de services aux métiers.

Avec l’essor du numérique et les contextes de transformation digitale, ces métiers ont découvert de nouveaux usages. Ils se sont accoutumés à bénéficier de services de plus en plus proches de leurs besoins, et ont développé de nouvelles attentes en tant qu’utilisateurs.

Cette transformation s’exprime dans quatre domaines. Le premier concerne la perception des applications. Ainsi, La facilité d’utilisation et le responsive design se sont imposés pour la conception des interfaces, qui privilégient maintenant l’ergonomie et la simplicité plutôt qu’un foisonnement de listes, onglets et boutons en tous genres.

Ces exigences sont encore plus prégnantes dans des contextes de mobilité. La multiplicité et l’hétérogénéité croissante des terminaux remettent au goût du jour les critères d’interopérabilité. En outre, la rapidité avec laquelle les grands acteurs du numérique sont capables de déployer de nouvelles fonctionnalités a défini de nouveaux standards en termes d’agilité.

Second domaine : la fluidité des processus. Le succès des grands sites de e-commerce s’est bâti, en grande partie, sur la fluidité des processus mis en œuvre, ainsi que sur la personnalisation de la navigation en fonction des besoins et centres d’intérêt des visiteurs. De même, l’intégration de suggestions en lien avec la demande dans les moteurs de recherche et l’aide en ligne ont permis d’aboutir à une navigation plus fluide et intuitive.

Le troisième domaine qui caractérise l’évolution des comportements concerne les offres : les consommateurs se sont habitués à une profusion d’applications simples, notamment avec l’essor des app stores qui, avec leur vaste catalogue en libre accès, ont habitué les utilisateurs à chercher et installer par eux-mêmes les services dont ils ont besoin, dans une logique de self-service, appuyée par des formulaires interactifs et simples.

Enfin, les consommateurs se sont habitués au partage d’informations, accentué par l’émergence des digital workplaces qui ont favorisé la productivité, en mettant l’accent sur la collaboration et le partage d’informations.

Ces évolutions ne se sont pas arrêtées aux portes de l’entreprise : tous ces critères, devenus incontournables pour les applications grand public, sont également valables pour les applications internes. Les métiers ont développé de nouvelles exigences envers l’IT, calquées sur ce qu’ils voient et utilisent au quotidien dans leur environnement extra-professionnel : pour cette raison, le Service Management ne s’adresse plus uniquement aux équipes IT, mais à l’ensemble des métiers.

Il doit également tenir compte des nouvelles attentes des utilisateurs, sous peine de se retrouver toujours en décalage avec des stratégies d’entreprises qui placent la digitalisation des pratiques en tête de leurs priorités. Pour éviter que ce fossé ne s’agrandisse, il faut donc reconfigurer totalement les processus et les applications de Service Management.

Un nouveau positionnement des DSI

Le décalage de perception entre les DSI et les métiers a toujours existé. Il s’exprime, par exemple, dans les enquêtes de satisfaction réalisées auprès des utilisateurs, ces derniers étant souvent beaucoup plus critiques que les équipes de la DSI vis-à-vis de la qualité du système d’information, de la réactivité des équipes IT et de la performance du support proposé.

Même si les SLA (engagement de services) sont parfaitement respectés, les utilisateurs peuvent avoir une perception plus nuancée, voire très négative, des services que leur fournit la DSI.

Certes, si l’on observe que le fossé se resserre depuis quelques années, car les DSI ont multiplié les initiatives pour mieux communiquer, il subsiste toutefois une part d’incompréhension entre le monde IT et le reste de l’entreprise. Les métiers reprochent généralement aux DSI un manque de réactivité, d’innovation, une incompréhension des besoins, un isolement du reste de l’entreprise et une capacité excessive à dire non.

Pour leur part, les DSI mettent en exergue l’impatience des métiers, leur incapacité à formuler clairement leurs besoins, leurs contraintes budgétaires ou les volontés d’indépendance des utilisateurs du système d’information, qui s’expriment à travers le BYOD (Bring Your Own Device) ou le contournement de la DSI pour investir directement.

Ce décalage peut difficilement perdurer, d’autant que, selon une étude Gartner, 50 % des dépenses IT seront partagées entre les DSI et les métiers en 2017 : le rôle de la DSI comme accompagnatrice des métiers (qui, de plus en plus, investissement directement sans passer par la case DSI) va devenir crucial pour garantir la performance d’une organisation. C’est tout l’enjeu du repositionnement de la DSI et l’IT Service Management en constitue l’un des fers de lance.

De plus en plus de DSI initient des démarches marketing pour se rapprocher des métiers. Ces approches répondent à plusieurs objectifs : améliorer l’image auprès des utilisateurs, communiquer sur les succès des projets, mettre en évidence la création de valeur et, bien sûr, proposer davantage de nouveaux services innovants, dont les portails self-service, très prisés dans le domaine du Service Management.

Selon une étude des analystes d’Aberdeen Group [4], l’usage du self-service réduit de 65 % le temps de résolution des incidents, de 60 % les coûts et diminue par trois le nombre d’appels au Help Desk.

Plus généralement, outre cette approche marketing, le repositionnement des DSI passe également par une évolution des pratiques, dans un contexte budgétaire contraignant. Cela implique, par exemple, un changement de posture dans la manière de gérer la relation avec les métiers (des applications moins lourdes, livrées plus rapidement…), la réduction de la complexité du système d’information, l’adoption des méthodes agiles, la prise en compte du BYOD ou la mise en place de problématiques digital workplaces…

Et, à l’heure de la transformation digitale, qui figure en bonne place sur l’agenda des directions générales, le système d’information se voir propulsé sur le devant de la scène managériale et commerciale. Les DSI ne peuvent plus espérer que les dysfonctionnements soient ignorés par le Top management

Comment faire pour que le Service Management devienne le pilier de cette transformation ? L’une des pistes consiste à s’inspirer des approches d’amélioration de l’expérience client, mises en œuvre par les directions marketing et commerciales et dont c’est l’une des priorités. Selon l’étude CMO Spend Survey 2016-2017 du cabinet Gartner, « L’expérience client et le e-commerce sont les deux domaines d’innovation privilégiés par les directions marketing. » Une étude du cabinet Forrester/Heidrick & Struggles [5] révèle que l’amélioration de l’expérience client, fortement créatrice de valeur, est une priorité pour 72 % des entreprises B2C et 63 % des entreprises B2B.

Si, du côté des clients et de leur expérience en tant que consommateurs, les priorités sont bien claires, il n’en est pas de même pour l’expérience collaborateur. Celle-ci a toujours été caractérisée par l’existence de barrières entre celui qui fournit le service (la DSI et/ou ses sous-traitants) et celui qui le consomme (l’utilisateur du système d’information et/ou le client final).

Ces barrières sont à la fois techniques (manque d’outils répondant aux besoins), organisationnelles (processus inadaptés, trop long, peu transparents…), ergonomiques (successions d’écrans, de formulaires et de clics de validation, difficultés de navigation dans des listes à rallonge…), hiérarchiques (mauvaises définition des rôles et des responsabilités.

Qu’il s’agisse d’expérience client ou d’expérience collaborateur, tout l’enjeu est de réduire l’énergie et l’effort nécessaires de la part de l’individu lorsqu’il consomme un service

On peut donc effectuer un parallèle entre, d’un côté, les caractéristiques de l’expérience client et les principes à appliquer pour améliorer l’expérience collaborateur, dans le cadre d’un problématique de Service Management.

Pour améliorer l’expérience client, les ingrédients sont connus, surtout pour des contextes B2C, dans lesquels elle est cruciale pour ne pas se laisser distancer par ses concurrents : le consommateur doit ainsi bénéficier d’une approche multicanal, de possibilités d’interagir avec les marques, de pouvoir acheter à n’importe quel moment et en situation de mobilité, avec des processus d’achat fluides, transparents, performants, simples et ergonomiques.

Ces attentes en tant que consommateur se retrouvent dès lors que ce même consommateur revient dans son entreprise. Pourquoi ne pourrait-il pas bénéficier d’un Service Management ayant les mêmes caractéristiques ? On est loin d’une vision utopique, car les solutions existent pour rendre réel et concret ces critères que beaucoup croient encore réservés à l’univers de la grande consommation.

Les principes pour passer de l’expérience client à l’expérience collaborateur

Caractéristiques de l’expérience client dans un contexte B2C

 

Objectifs

Caractéristiques de l’expérience collaborateur dans un contexte ITSM

Approche multicanal

Acheter depuis n’importe quel terminal Faciliter l’intégration de services et l’excellence opérationnelle
Interactivité Agir en temps réel Résolution accélérée des questions liées aux services
Collaboration Intégrer les avis d’autres clients, favoriser les interactions entre l’entreprise et ses clients (assistants virtuels…) Traitement de tous les domaines métiers
Mobilité d’abord Accompagner les clients en situation de mobilité par un design adapté Gestion des environnements hétérogènes, intégration de toutes les interfaces pour harmoniser l’expérience utilisateur (responsive design)
Utilisation en Self-Service Encourager l’autonomie du client

Catalogue et portail de services, adaptables aux besoins des différents métiers

Fluidité

Garantir un processus fluide entre l’achat et la livraison Garantie d’interopérabilité et d’unification des opérations

 

Flexibilité Adapter les offres en fonction de l’évolution de l’expérience client Intégration des applications via des APIs, pour permettre aux métiers de créer leurs applications de services
Transparence Accompagner le client pendant la transaction Workflow clair et automatisé
Simplicité Réduire le temps de transaction Workflow intuitif et personnalisable pour la création de nouveaux services (Drag & Drop)
Ergonomie Encourager le feedback positif Profils personnalisés pour les utilisateurs, avec des assistants préconfigurés et une interface intuitive familière
Proactivité Anticiper le comportement des consommateurs

Analyse prédictive, Business Analytics…

Source : digitalonomics.


[1] Gartner CEO Survey 2015.

[2] Voir www.theacsi.org

[3] 2017 Office Productivity Trends to Improve the Bottom Line, Coleman Parkes Research, Xerox.

[4] Bring ITSM into the modern age with end-user self-service support, Aberdeen Group, novembre 2015.

[5] The Evolved CMO in 2016.