Start-up : derrière la façade

Le monde des start-up en fait rêver beaucoup, notamment parmi les jeunes générations. Mais entre les promesses et la réalité, il existe un écart qui tend d’ailleurs à se creuser. Les auteurs de cet ouvrage, dirigeants de Silver Valley, un écosystème francilien d’innovation, proposent de déconstruire le mythe des start-up. Il s’en crée plusieurs milliers par an, mais, selon l’Insee, 90 % n’atteignent par leur cinquième anniversaire.

« Si la start-up a été pensée comme un acte révolutionnaire pour changer le monde, elle a été ensuite standardisée, industrialisée, produisant des solutions peu qualitatives et peu fiables », résument les auteurs. Pour eux, cette touche de modernité est largement surfaite, dans la mesure où l’écosystème de l’innovation appartiendrait davantage à l’ancien monde industriel du XXème siècle plutôt qu’au nouveau monde digital du XXIème siècle.

Malgré l’engouement dont font l’objet les start-up, avec ses figures emblématiques d’entrepreneurs qui ont réussi, ses modèles de management valorisés, avec leur idéologie de la « coolitude » et leur bonne ambiance (qui permet de moins rémunérer les salariés et d’attirer des armées de stagiaires corvéables). Sans oublier les subventions, grâce à des modèles de financement désormais rôdés et abondants et dont l’accès consomme beaucoup de temps : les entrepreneurs ont tendance à faire de la levée de fonds un objectif ultime, au détriment de la recherche de clients et de la validation de leur business modèle…

Ce plébiscite s’explique, selon les auteurs, par quatre facteurs principaux : la possibilité de changer le monde, issue de la Silicon Valley, la maîtrise des outils numériques, par ailleurs peu coûteux, les liquidités abondantes et le mythe de l’entrepreneur digital. « La start-up est souvent perçue comme le nouveau lieu des utopies contemporaines », assurent les auteurs.

Mais, hélas, ce n’est pas à la portée du premier venu, car ceux qui sont tentés par l’aventure se heurtent rapidement aux contraintes économiques. « Les premières critiques et craintes sont surtout liées au fait que les start-up sont en réalité une bulle spéculative qui risque d’exploser à un moment donné. Beaucoup de liquidités cherchent à se placer quelque part et, comme l’eau, le capital choisit les voies les plus rapides et les plus directes et en change dès qu’il y a un raccourci », avertissent les auteurs.

Résultat : les capitaux-risqueurs financent les start-up à la chaîne, bien plus qu’elles ne valent en réalité. « L’une des conséquences de cette fabrique industrielle est la mauvaise qualité de la masse de projets qui arrivent sur les bureaux des investisseurs », assurent les auteurs pour qui, le système « produit le pire et le meilleur. Start-up est synonyme d’ambivalence et de multiplicité. » Le concept de start-up se révèle, en réalité, très complexe : « C’est une construction hybride d’une complexité ébouriffante. Un peu comme une personne qui serait à la fois dans le passé, dans le présent et l’avenir et qui serait en conflit avec chaque partie d’elle-même, mais, en même temps, se nourrirait des points forts de chacune », résument les auteurs.

Dans un décor de « tragédie contemporaine », ceux-ci mettent en exergue, à travers l’histoire d’un créateur de start-up (apparemment pas très doué pour les affaires…), les erreurs les plus communes (voir encadré), de la naissance de l’idée à son échec commercial.

Les auteurs plaident pour un autre modèle, qu’ils estiment réaliste et possible, celui de la « profitabilité intégrale », qui repose sur trois piliers. D’abord, produire moins, mais augmenter ses marges et le nombre des clients, en lien avec l’économie de la fonctionnalité et collaborative, réponse à l’obsolescence programmée.

Un tel contexte, expliquent les auteurs, « amorce un cycle vertueux de réduction de la consommation des ressources et l’économie collaborative met en relation de confiance des producteurs et des consommateurs qui sont libres d’échanger, en dehors de toute instance verticale décidant des règles de marché. » Ensuite, la prise en compte de l’intérêt général : « Business et social business ne s’opposent pas », affirment les auteurs. Enfin, la croissance « sans laisser de traces, en appliquant les principes de l’économie circulaire. » Pour les auteurs, « l’approche de la profitabilité intégrale s’oppose à l’approche libérale darwinienne qui consiste à financer et développer le plus de projets possibles et voir ce qui marche. » Pour la mettre en œuvre, plusieurs critères sont indispensables : l’utilité, la nouveauté, la faisabilité, la profitabilité et la désirabilité.


Les erreurs les plus communes

  • Croire qu’une idée est transposable à tout le monde.
  • Parler d’une idée de produit sans l’avoir protégée.
  • Croire qu’un « like » sur un réseau social constitue une promesse d’achat.
  • Se baser sur des études de marché dont on ne connaît pas la méthodologie (c’est facile de trouver ce que l’on cherche quand on sait déjà ce que l’on veut trouver…).
  • Ne pas analyser les causes d’échec de ceux qui ont lancé des solutions similaires.
  • Passer trop de temps à présenter le positionnement au lieu de se concentrer sur le développement de l’entreprise.
  • S’associer avec des amis.
  • Croire que parce que l’on a obtenu un prix, tout est gagné, surtout si on est le seul candidat.
  • Ne pas écouter lorsqu’un professionnel critique le modèle ou la solution.
  • Penser que si l’on intègre un incubateur, l’entreprise va se développer.
  • Sous-traiter les recrutements.
  • Vivre de subventions.
  • Manquer de rigueur scientifique.
  • Négliger les indicateurs clés de performance (KPI).

Start-up, arrêtons la mascarade, contribuer vraiment à l’économie de demain, par Nicolas Menet et Benjamin Zimmer, Dunod, 227 pages, 2018.