Le symposium annuel organisé par Gartner s’est déroulé à Barcelone début novembre 2018. Parmi plus de 220 conférences et 7 000 slides, nous avons retenu cinq thématiques : comment est mesurée la valeur métier du système d’information ? Quel est le nouveau concept lancé par Gartner en 2018 ?
Les directions générales vont-elles accentuer la pression sur les DSI ? Les comités exécutifs ont-ils vraiment des compétences numériques ? Le nombre de DSI femmes va-t-il augmenter ?
1. Comment est mesurée la valeur métier du système d’information ?
Seulement 37 % des DSI reconnaissent qu’ils parviennent à démontrer la valeur métier du système d’information. Ne pas pouvoir le faire occasionne trois inconvénients majeurs. D’abord, un risque de réduction des budgets, qui va conduire, si elle se poursuit, à un appauvrissement de la DSI. Ensuite, un défaut d’alignement stratégique qui va entraîner une marginalisation de la DSI.
Enfin, une incapacité à adresser les besoins métiers, qui va encourager la prolifération du Shadow IT, donc une perte de contrôle sur le système d’information, voire, à terme, une externalisation complète. Le problème est que, dans la plupart des entreprises, la contribution du système d’information à la performance est appréciée selon une approche centrée sur les coûts.
On mesure ainsi la part du budget IT par rapport au chiffre d’affaires (3,5 % en moyenne), par rapport aux dépenses globales (4,6 %) ou le budget par salarié (environ 13 000 dollars). Cette approche par les coûts est encore dominante dans une entreprise sur trois, alors que les indicateurs de contribution du système d’information à la performance des métiers n’est utilisée que dans moins d’une entreprise sur dix.
2. Quel est le nouveau concept lancé par Gartner cette année ?
Après avoir popularisé, en 2015, l’approche bi-modale, sacralisé l’intelligence artificielle et les plateformes digitales, en 2018, les analystes de Gartner ont insisté sur un concept baptisé ContinuousNext. De quoi s’agit-il ? C’est une formule qui permet aux entreprises de s’adapter à des environnements en évolution constante.
Elle regroupe trois ingrédients de base : la culture, les pratiques et les technologies. Et s’exprime de la façon suivante : l’addition de la culture et des pratiques, multipliée par les technologies, détermine les capacités à s’adapter et, donc, les résultats qu’une entreprise peut obtenir.
Pour utiliser cette formule, les analystes de Gartner estiment que les DSI doivent gérer cinq impératifs :
- La protection des données pour diminuer les risques. D’autant que, souligne Mike Harris, directeur de la recherche de Gartner, « les failles de sécurité accroissent le scepticisme des consommateurs, qui influe sur la confiance. »
- L’intelligence augmentée, qui est l’étape suivante de l’intelligence artificielle. Celle-ci est souvent considérée comme destructrice d’emplois mais, précise Mike Harris, une collaboration intelligence entre l’homme et la machine permet, au contraire, de sauvegarder des emplois, qui prennent une autre forme.
- La culture : c’est le point délicat de toute transformation : 46 % des DSI l’identifient comme la principale barrière pour réussir la transformation numérique. Jenny Sussin, vice-présidente de Gartner, suggère de « hacker la culture existante. Il s’agit d’en identifier les vulnérabilités. Car si la culture est un obstacle, c’est aussi la solution. » Comment faire ? Elle suggère, par exemple, d’éliminer les réunions qui ne servent pas à la stratégie de l’organisation, de redéfinir les critères de reconnaissance de la performance, d’instaurer un principe de « décision en 48 heures » et de systématiser la « culture du oui ».
- Le management de produits : « Historiquement, l’IT a été orientée gestion de projet, mais les cycles sont devenus trop longs par rapport aux exigences d’agilité et de vitesse », souligne Andy Kite, consultant chez Gartner, pour qui il faut « passer du projet au produit : il ne s’agit pas d’une nouvelle manière de gérer les systèmes d’information, mais d’une nouvelle approche pour faire du business. Par exemple, on ne se demande pas si Amazon est une société de distribution ou une société technologique : il performe en étant les deux. Autrement dit, les technologies numériques et l’innovation produit deviennent indivisibles dans la plupart des secteur économiques. »
- Les jumeaux numériques : ils sont souvent utilisés pour gérer des objets physiques, par exemple pour la modélisation de pièces. Daryl Plummer, vice-président de la recherche chez Gartner, suggère de créer des jumeaux numériques pour l’organisation (DTO : Digital Twin of an Organization). « Avec un DTO, les DSI peuvent virtuellement voir comment les individus travaillent, les systèmes et les processus qu’ils actionnent et comment les différentes entités d’une organisation collaborent. On peut ainsi modéliser différents scénarios et les réaliser dans le monde physique. »
3. Les directions générales vont-elles accentuer la pression sur les DSI ?
Les DG vont continuer à mettre la pression sur les DSI, pour au moins trois raisons. La première est que les problématiques liées aux systèmes d’information remontent dans les priorités des directions générales. En 2018, elles arrivent à la troisième place des préoccupations, derrière la croissance et le développement de l’entreprise.
Cette année 31 % des DG l’ont mentionné comme l’une de leurs priorités contre 24 % en 2017. Deuxième raison : le digital est devenu un élément central des stratégies, les deux-tiers des entreprises ont déjà développé des initiatives dans ce domaine et elles auront inévitablement un impact sur les business models.
En 2018, le mot digital a été mentionné par 13 % des directeurs généraux pour qualifier l’une de leurs cinq priorités, contre 5 % en 2015 et seulement 2 % en 2012. Enfin, 39 % des directions générales considèrent que les DSI sont les plus à même de conduire la transformation numérique. C’est plus que les Chiefs Digital Officers (33 %). Donc, oui, les DG vont mettre davantage la pression sur les DSI. Parce qu’elles n’ont guère le choix.
4. Les comités de direction ont-ils vraiment des compétences numériques ?
La transformation numérique est évidemment un sujet de comité exécutif. « Croire que l’on peut gagner la bataille du digital avec un comité exécutif qui n’a pas la maturité suffisante dans ce domaine est un non-sens », souligne Mark Raskino, vice-président de Gartner. Pourquoi ? Parce qu’il faut pouvoir anticiper les ruptures, élaborer une stratégie numérique, développer de nouveaux produits numériques et identifier les menaces, ainsi que les opportunités, liées aux technologies émergentes. Le problème est que les comités exécutifs ne sont pas à la hauteur et les DSI qui en sont membres encore rares.
En Grande-Bretagne, une étude portant sur 3 131 membres de comités exécutifs a montré que seulement 21 étaient DSI. C’est le même constat dans d’autres pays, y compris aux Etats-Unis où, sur 680 membres de comités exécutifs des 25 premières entreprises cotées en bourse, seulement 41 exercent des métiers technologiques (DSI, CTO, e-commerce…).
« Les entreprises devraient recruter davantage de DSI dans leurs Comex », suggère Mark Raskino, qui n’y voit que des avantages : « Ils apportent une diversité cognitive pour résoudre les problèmes complexes dans tous les domaines, facilitent un transfert de connaissances numériques et savent prendre du recul face aux discours sur les vagues technologiques. »
Du projet au produit : les différences | ||
Domaine | Projet | Produit |
Financement | Budget basé sur les ressources, le temps et la maintenance | Financement au fil de l’eau, basé sur le ROI et les besoins métiers |
Réalisation | Début et fin fixes, avec des phases | Production de versions en continu |
Changement | Evité si possible, sinon très canalisé | Pris en charge par des équipes agiles |
Objectifs | Réussite du projet, en respectant le budget et le délai et en maîtrisant les risques | Réaliser les objectifs métiers, hiérarchisés selon leur création de valeur |
Equipes | Organisation matricielle, avec des spécialistes fonctionnels | Equipes pluridisciplinaires et communautés de pratiques |
Tracking | Le coût et le temps en fonction du plan initial | La valeur générée et le ROI |
Source : « Reimagining the Application Organization in a Product-Oriented World », Gartner Symposium 2018. |
5. Le nombre de DSI femmes va-t-il augmenter ?
La proportion de DSI femmes, au niveau mondial, est estimée à 13 % en 2018. Cette proportion n’a quasiment pas bougé depuis plusieurs années, elle était de 12 % en 2015. Globalement, environ 10 % des DSI sont des femmes dans les entreprises européennes et 17 % en Amérique du nord. Il existe des différences sensibles selon les pays.
Quels sont les pays qui sont en tête du classement ? L’Afrique du Sud, où un tiers des DSI sont des femmes, suivie par le Danemark, avec 24 %, et la Chine, avec 18 %. On s’en doute certains pays sont à la traîne, comme le Japon, avec 4 % de femmes DSI. Le record étant évidemment battu par l’Arabie Saoudite, qui ne compte aucune femme DSI.
La proportion de DSI femmes ne va pas progresser dans le futur. Pour 2019, Gartner estime que les femmes représenteront 14 % des DSI, en moyenne, au niveau mondial. Si l’on applique aux prochaines décennies la tendance observée par le passé, on devrait aboutir à une proportion de seulement 17 % en 2034, 22 % en 2054 et 31 % en 2090. Dans ce domaine, le changement n’est pas pour maintenant.
Le symposium annuel organisé par Gartner s’est déroulé à Barcelone début novembre 2018. Parmi plus de 220 conférences qui ont eu lieu, associées à plus de 6 000 slides, que fallait-il retenir ? Nous avons retenu cinq thématiques, exprimées : comment est mesurée la valeur métier du système d’information ? Quel est le nouveau concept lancé par Gartner en 2018 ? Les directions générales vont-elles encore accentuer la pression sur les DSI ? Les comités exécutifs sont-ils vraiment compétents en numérique ? Le nombre de DSI femmes va-t-il augmenter ? Les réponses dans cette vidéo Best Practices.