TPE et ETI : le tremplin de la transformation digitale

Le tissu des TPE et des ETI constitue l’essentiel de l’économie : elles représentent 99 % des entreprises, 72,4% des emplois créés et 66,6% de la valeur ajoutée hors taxes, selon l’Insee. « Dans un monde où les investissements numériques se font par dizaines de millions d’euros et où les géants du numérique captent une grande partie de la valeur, comment aider ces petites entreprises à sortir la tête de l’eau ? », se demande Cyril Vart, Exécutif-vice-président d’EY Fabernovel, cabinet de conseil qui a réalisé une étude sur la transformation des TPE et des ETI.

Les dirigeants d’entreprises ont évidemment bien compris la nécessité de se transformer, dans un contexte d’incertitudes. 78 % des dirigeants de TPE/PME ont déclaré être convaincus que le numérique représente un bénéfice réel et deux-tiers des ETI ont l’intention d’augmenter leurs investissements dans la transformation numérique pour combler leur retard.

Mais la tâche s’avère complexe : « Pour pouvoir bénéficier des opportunités offertes par le digital, les petites entreprises se retrouvent confrontées aux mêmes défis que les grandes, à un niveau encore plus élevé, tant sur leur financement, leur niveau d’information et de formation, leur recrutement et leur capacité à réellement quantifier l’impact de leurs investissements », souligne explique Pierre Gonnet, analyste d’EY Fabernovel et co-auteur de l’étude. Les TPE et ETI sont ainsi confrontées, bien plus que les grands groupes, à des difficultés en matière de financement, de recrutement, d’information, de formation et de mesure de l’apport du numérique.

Valoriser les écosystèmes locaux

Trois secteurs sont mis en exergue, dans lesquels le numérique peut contribuer efficacement à leur transformation. D’abord, le secteur de l’hospitalité, qui doit se transformer pour faire face à l’évolution de son environnement, notamment avec la désintermédiation par les grandes plateformes numériques et l’absence d’alternatives ainsi que l’évolution des besoins clients. « Une interconnexion est donc nécessaire entre les acteurs locaux (transport, infrastructures, collectivités, etc.), les acteurs de l’hospitalité (hôtels, restaurants, etc.) et les acteurs du service (musées, activités de loisirs, etc.) pour optimiser la création de valeur en augmentant l’expérience et le panier moyen des clients », recommande Cyril Vart.

Ensuite, l’ensemble des acteurs de l’alimentaire. « Aujourd’hui les plus petits acteurs en amont de la chaîne ont tendance à accéder de manière asymétrique à l’information (pricing, demande, etc.). La mise en place d’une chaîne globale, digitalisée, interconnectée et plus transparente pourrait permettre de mieux aligner le pouvoir et la répartition de valeur du secteur », explique Pierre Gonnet.

Enfin, le secteur de l’artisanat : « Les artisans tissent une relation avec le numérique qui reste bien trop souvent cantonnée au marketing. Pourtant, c’est aussi un moyen de se libérer des tâches plus opérationnelles et chronophages afin de se concentrer sur l’unicité de leur travail d’artisan », assure Cyril Vart.

S’engouffrer dans l’angle mort des Gafa

N’est-ce pas utopique face au pouvoir mondial des Gafa ? Pour les analystes de Fabernovel, ces géants du numérique ont un angle mort qu’il convient de valoriser : l’entreprise « réelle », qui utilise son ancrage local et sa proximité avec les consommateurs pour mieux répondre à leurs besoins. En effet, expliquent les auteurs de l’étude, « L’atomisation des marchés crée une long tail de plus en plus fournie sur de nombreux secteurs. L’accroissement de ces plus petits acteurs fait évoluer grandement la valeur à capter sur la long tail. »

Mais les GAFA peinent à répondre aux besoins de ces entreprises qui nécessitent une approche et des solutions plus personnalisées et locales, ce qui impacte directement le coût des ventes. « Cet angle mort des géants de la tech peut profiter aux nouveaux acteurs qui se positionnent sur la transformation numérique de ces plus petites entreprises avec des solutions numériques sur-mesure (Cloud public, open innovation, …) et un facteur humain, élément central pour les dirigeants. »

L’union fait la force digitale

Fabernovel propose un scénario de fiction : en 2025, cinq artisans fabricants des couteaux Laguiole se regroupent et se partage l’expertise commune d’un consultant du numérique local, ce qui leur permet de numériser leur chaîne d’approvisionnement. Avec les aides de financements groupés, ils améliorent l’automatisation de leur relation client, en investissant dans un CRM, dégageant à chacun une heure de travail par jour. Avec ce temps gagné, ils ont pu se former à la digitalisation de leurs canaux de ventes au travers d’une formation proposée par le regroupement, en partenariat avec le centre de formation local de la région.

Pour les TPE et les ETI, la transformation numérique apporte au moins quatre types d’opportunités : repenser l’expérience client pour faire évoluer ses canaux de distribution, personnaliser l’expérience, mieux comprendre les besoins clients, Réinventer les modèles d’affaires model et les offre de produits, Optimiser ses opérations en s’appuyant sur la donnée et faire évoluer la marque. « Nous sommes convaincus que le numérique est une façon d’être plus anti-fragile aux crises et d’aider à rendre plus efficace et compétitif un portefeuille d’entreprises éclaté partout sur le territoire. Si l’union fait toujours la force, de nombreux leviers sont actionnables comme le pricing power, la supply chain avec une valeur plus équitablement répartie, ou des regroupements pour l’achat et le partage de ressources numériques », assure Cyril Vart.


(1) La transformation des TPE aux ETI, une opportunité pour le tissu économique européen », étude GAFAnomics hors-série d’EY Fabernovel, septembre 2022.