Éviter le syndrome Kodak et voir son entreprise engloutie par une vague technologique qui n’a pas été anticipée est l’un des challenges de la transformation numérique. Comment ?
Laurent Blanchard, directeur général adjoint de Dassault Systèmes, et Michel Zarka, CEO de Theano Advisors, contributeurs de cet ouvrage collectif, suggèrent de tresser les organisations qui doivent être capables « d’intégrer et de partager les flux continus d’informations et d’échanges pour identifier, capter et exploiter de nouvelles sources de valeur. » Ils partent de trois constats.
D’abord, le fait que les technologies de l’information ont modifié la structure des écosystèmes : « L’information devient immédiatement accessible et transmissible, ce sont les fondements mêmes de l’organisation hiérarchisée (détenir l’information, c’est avoir le pouvoir) qui s’écroulent. »
Sociétal 2017, sous la direction de Jean-Marc Daniel et Frédéric Montlouis-Félicité, Institut de l’Entreprise, Éditions Eyrolles, 278 pages.
Des entreprises diabétiques ou anémiques…
Ensuite, pour faire face à cette situation, les entreprises souffrent de deux maux : le diabète et l’anémie. Les organisations diabétiques se complexifient pour faire face aux perturbations externes et sont incapables de réagir suffisamment rapidement aux évolutions du marché. « L’anémie apparaît lorsque les entreprises repensent leur organisation en allégeant la hiérarchie, en rationalisant et en décentralisant. »
Pour les auteurs, « elles tendent à se simplifier au point de se priver des nutriments qui rendent les organisations compétitives : la matière grise, les connaissances, l’information, les idées. » Enfin, les auteurs observent qu’il ne suffit plus « de fabriquer et de commercialiser des produits ou de fournir des services, pour survivre et grandir, il faut être capable de résoudre des problèmes complexes. »
L’enjeu majeur reste la création de valeur qu’il est a priori plus difficile de maintenir que par le passé. Aujourd’hui, la valeur se crée au-delà des frontières traditionnelles des entreprises, par des interactions et des réseaux informels. D’où l’idée d’organisation tressée mise en exergue par les auteurs. En s’appuyant sur les technologies de réseaux, une organisation tressée se matérialise par « des groupes de travail, des communautés fondées sur les affinités, des équipes autogérées aux compétences et profils variés et complémentaires, ou des équipes hybrides internes et externes », détaillent les auteurs.
Il faut bien sûr s’extraire des critères hiérarchiques, fonctionnels, géographiques ou générationnels. Il ne s’agit pas non plus de chambouler l’organisation : « Les tresses n’ont pas vocation à remplacer les organisations traditionnelles, mais à les améliorer et à les rendre plus fluides : plus aptes à gérer le flux continu de connaissances et d’échanges qui constitue l’essentiel de la valeur créée », affirment les auteurs.
Maîtriser les flux de projets et d’information
Concrètement, les organisations tressées doivent gérer deux types de flux : les flux de projets (avec des tableaux de bord sur une plateforme commune) et les flux de discussions (avec des communautés). Les organisations qui réussissent cette reconfiguration ont deux caractéristiques. D’une part, elles sont « structurées par le temps », c’est-à-dire par les flux des bonnes informations au bon moment. « Dans une organisation fondée sur les fonctions ou les projets, l’information a tendance à être prise dans des silos, rendant l’exploitation transversale des connaissances extrêmement difficile », rappellent les auteurs.
D’autre part, ces organisations sont contributives, par opposition à la recherche de la productivité : « La productivité nécessite, pour être maintenue, une organisation onéreuse (processus de contrôle, reporting, strates de management, indicateurs de performance…), une organisation contributive peut prospérer quasiment gratuitement », observent les auteurs. Cela fonctionne car, dans une organisation tressée, « les acteurs ne sont pas titulaires d’une fonction, mais responsables d’un livrable, défini en terme de valeur apportée aux clients internes ou externes. »
Cinq principes clés sont nécessaires pour s’orienter vers une organisation tressée : créer une bonne amorce de tresse dans des domaines privilégiés ou pour une difficulté particulière, canaliser, avec les bonnes personnes, et non pas contrôler, communiquer sur la valeur créée, soutenir la dynamique à grande échelle, dans d’autres parties de l’organisation, laisser l’organisation se reconfigurer de manière naturelle. Les auteurs rappellent enfin la philosophie fondamentale d’une organisation tressée : le sens d’abord, les objectifs après.
Les cinq étapes
- Créer une bonne amorce de tresse.
- Canaliser et non pas contrôler.
- Communiquer sur la valeur créée.
- Soutenir la dynamique à grande échelle.
- Laisser l’organisation se reconfigurer.