Un exemple d’innovation ouverte : BoostAerospace

Les grands groupes de l’aéronautique ont uni leurs forces pour créer un portail unique fédérant tous les sous-traitants, accessible en mode SaaS.

« Nos destins sont liés », résume Jean Ferlus, vice-président de BoostAeroSpace, pour justifier que des concurrents se soient associés pour développer un portail commun avec leurs fournisseurs, « un cloud sectoriel de l’industrie aérospatiale, véritable innovation de rupture », ajoute Pierre Faure, président de BoostAeroSpace, qui rappelle que « dans l’industrie aérospatiale et de défense, 70 % à 80 % de la valeur est produite par la chaîne logistique ».

Ce portail a été imaginé en 2008 et a été opérationnel en 2011 à l’initiative d’Airbus, Dassault Aviation, EADS, Safran et Thales. Début 2012, il comptait près de 600 utilisateurs pour 113 entreprises participantes et 29 projets. Objectif : fournir des services standardisés et interopérables à tous les industriels de la chaîne logistique du secteur aéronautique-défense et ainsi accroître la compétitivité de l’industrie. À noter qu’en 2001 déjà, une initiative similaire, baptisée Exostar, avait été lancée par les américains Boeing, Lockeed, Raytheon et BAE Systems et le britannique Rolls-Royce.

« Auparavant, explique Jean Ferlus, chaque acteur donneur d’ordres disposait de son propre portail et il n’en existait pas chez les sous-traitants (environ 20 000 PME), avec les inconvénients que cela représente : pas d’intégration, une complexité des processus et des surcoûts pour les fournisseurs. » BoostAeroSpace propose un même portail pour toute l’industrie, les fournisseurs pouvant utiliser ce portail avec leurs propres fournisseurs, en mode SaaS.

Dans le monde de l’aéronautique, la collaboration est permanente, notamment dans le cadre du développement de programmes de coopération internationaux ou pour fournir des outils de gestion de configuration au sein de la chaîne logistique. Trois services sont actuellement opérationnels avec pour chacun un fournisseur de service : AirDesign pour le PLM, fourni par Dassault Systèmes, AirSupply pour la logistique (prévisions, commandes et livraisons), fourni par SupplyOn, et AirCollab pour les documentations et la gestion de projets, fourni par Thales Services.

Exemples de gestion de projets : la collaboration entre une université canadienne et un industriel de l’aéronautique, un projet d’ingénierie de systèmes entre un avionneur et son sous-systémier, ou entre un service d’audit interne et des auditeurs externes. En matière de collaboration, les « plateaux virtuels privés » ont déjà permis de partager les maquettes numériques entre les différents partenaires et d’intégrer des contraintes de production et de support dès la phase de conception, afin de réduire les cycles et les coûts et d’améliorer la qualité. AirDesign conserve ce principe en y ajoutant l’interopérabilité entre des systèmes PLM hétérogènes, en supprimant des environnements spécifiques à chaque client et en étendant la collaboration à tous les acteurs.

Une des questions concerne la sécurité, même si les industriels de l’aéronautique sont plus enclins à collaborer que ceux de l’automobile. « L’externalisation de données sensibles ne va pas de soi, et nous disposons d’une SMA (Security Management Authority) entre les différentes parties prenantes qui définit la politique de sécurité pour constituer un cercle de confiance, avec deux niveaux d’habilitation : des mots de passe et des certificats », précise Jean Ferlus.

Ce sont les RSSI de chacun des fondateurs qui ont défini les exigences de sécurité : « C’est à qui serait le plus strict et nous avons mené de nombreux audits », se souvient Jean Ferlus. Avec, pour déployer les infrastructures (de gestion collaborative de la plate-forme et de sécurité) un acteur en qui tous les autres font confiance (Thales Services). « L’outil se veut générique, basé sur les standards, rapide à déployer, en mode SaaS », précise Jean Ferlus. « Contrairement aux idées reçues, il est possible de spécifier des fonctions communes, tout en gardant la possibilité de personnaliser, de garantir la sécurité et la protection de la propriété intellectuelle et de mettre en place des modèles économiques viables et des sources de réduction des coûts », affirme Pierre Faure.

Outre l’inévitable engagement des directions générales et le partage d’une vision stratégique, les facteurs clés consistent à « fixer des objectifs ambitieux en termes d’innovation et de compétitivité, privilégier les intérêts stratégiques qui rassemblent, répartir les responsabilités entre les partenaires en fonction des règles de gouvernance et de la valeur ajoutée et se faire accompagner et surtout… y croire ! », résume Jean Ferlus.