L’Inria (Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique) fait le point sur les défis sociétaux et les domaines de recherche scientifique sur l’Internet des Objets (Internet of Things ou IoT), un ensemble de réseaux d’objets connectés à Internet permettant de faire le lien entre les objets physiques et l’espace numérique.
Source de nombreux fantasmes, l’Internet des Objets, qui crée des ponts entre le monde numérique et le monde physique, est de plus en plus présent dans le débat public depuis maintenant plusieurs années, mais sa compréhension reste parcellaire. L’IoT, composante clé de l’Internet du futur, fait déjà partie du quotidien des Français au travers de nombreux objets connectés, de logiciels embarqués, de smart homes ou d’assistants personnels. Dans un avenir proche, l’Internet des Objets pourrait impacter plus encore tous les secteurs de l’activité humaine : l’habitat, la mobilité, la ville, l’agriculture, la culture, la santé… Pour les auteurs, « l’IoT est une révolution qui arrive à très grande vitesse. Entre 2010 et 2020, le nombre d’appareils IoT connectés a connu une augmentation sidérante, de l’ordre de 1 000 %. Au cours de ces dix dernières années, ce sont près de 10 milliards d’appareils IoT qui ont été mis en service et interconnectés. » Ils soulignent qu’une « forte accentuation, jusqu’à l’omniprésence de l’IoT, paraît inéluctable.
L’IoT a en effet vocation à s’insérer dans les moindres aspects de la vie de tous, connectant tout (des milliards de nouvelles machines hétérogènes communicantes) et mesurant tout de nos agissements collectifs à l’échelle planétaire et au-delà, à nos plus infimes signaux physiologiques individuels, en temps réel. » Le secteur industriel doit évidemment s’emparer de ces enjeux pour élaborer de nouvelles stratégies et anticiper la dépendance à certaines technologies. L’Open Source, conçu comme « bien public commun », et les standards ouverts seront des moteurs de premier plan pour l’IoT, tout comme ils l’ont été pour Internet. Mais, pour un acteur industriel, la complexité grandissante de l’IoT rend plus difficile d’envisager seul une maîtrise fine, de bout en bout, des éléments constitutifs de l’IoT, parce que « l’IoT s’appuie sur un ensemble de plus en plus complexe de concepts et de technologies imbriqués et enfouis. »
Pendant près de deux ans, plus d’une trentaine d’équipes-projets de l’Inria ont contribué à la rédaction de ce document, écrit sous la direction d’Emmanuel Baccelli, chercheur à l’Inria et expert de l’Internet des Objets, permettant ainsi d’illustrer la diversité des champs de recherche concernés par ces technologies. Y sont notamment abordés les défis sociétaux, scientifiques et techniques posés par l’Internet des Objets, le cadre juridique, les questions de souveraineté, d’éducation et de changement climatique, ainsi que les grands enjeux de recherche et d’innovation. Aujourd’hui, des déploiements IoT sont envisagés dans la quasi-totalité des secteurs d’activités : villes de demain, santé, industrie, agriculture, environnement, chaînes logistiques de transport. Cela ouvre la voie à de nouveaux défis scientifiques et technologiques, notamment en matière de performance réseau, de respect de la vie privée, de sécurité, de résilience, d’apprentissage automatique, d’interfaces homme-machine ou d’empreinte sur les ressources naturelles.
L’IoT n’est évidemment pas exempt de risques. L’omniprésence est en effet à double tranchant : « Elle défie l’imagination pour le meilleur (automatisations, optimisations, fonctionnalités innovantes…) comme pour le pire (surveillances, dépendances, cyberattaques…) », résument les auteurs. Par ailleurs, l’IoT accroît la dépendance à l’égard de certaines technologies enfouies. « Ceci implique d’identifier les nouveaux risques, et d’élaborer de nouvelles stratégies pour tirer tous les bénéfices de l’IoT, tout en minimisant ses risques. Comme dans d’autres domaines où il faut chercher à préserver continuellement l’éthique sans pour autant entraver l’innovation, l’encadrement de l’IoT par la Loi est un effort à la fois nécessaire et ardu », estiment les auteurs. C’est notamment le cas pour la protection des données personnelles, domaine dans lequel les approches classiques sont moins pertinentes : « L’approche traditionnelle, centralisée, pour la collecte des données, conduit à une impasse en matière de protection de la vie privée, ainsi qu’à une charge excessive du réseau lorsque la quantité de données à transférer est trop importante. »
Internet des Objets : défis sociétaux et domaines de recherche scientifique, Inria, 106 pages.
Disponible sur le site Web de l’Inria : www.inria.fr/fr/inria-livre-blanc-internet-des-objets-iot
Un besoin de compétences multiples
Si l’IoT représente des défis techniques et sociétaux, il nécessite également de multiples compétences, dans au moins dix domaines :
- Les réseaux de communications.
- La représentation de données.
- Les systèmes distribués.
- La cryptologie.
- Le traitement de données et la protection de la vie privée.
- La sûreté, la fiabilité et la certification.
- Les interactions homme-machine.
- Le contrôle et la sécurité.
- Les architectures matérielles basse consommation, la programmation et la compilation.
- L’optimisation globale de l’empreinte ressources.