Une grille de lecture de la crise

Comment la crise perturbe-t-elle les systèmes d’information ? Elle percute la plupart des systèmes d’information de différentes manières. Nous vous proposons une grille d’interprétation, construite avec seulement les cinq lettres du mot « crise ».

Toute période de crise, au-delà du constat de la situation, suscite des réactions, multiplie les interrogations sur les stratégies possibles et l’efficacité des organisations. La crise actuelle se manifeste d’abord par un constat : il suffit d’observer les principaux indicateurs économiques pour s’en convaincre.

Dans sa dernière note de conjoncture parue fin 2010, l’Insee prévoit un taux de croissance du PIB des économies de la zone euro de seulement 1,4 %, après un modeste +1,7 % en 2010. Un constat qui ne peut que confirmer l’idée selon laquelle la crise renforce l’informatique comme support de l’entreprise (colonne 1 du tableau).

Face à ce constat s’expriment un certain nombre de réactions (colonne 2 du tableau) : la confiance, qui conduit à ne rien faire (heureusement, une minorité d’entreprises adoptent cette posture) ; la réduction des coûts, qui touche une majorité d’entreprises ; l’investissement (en technologies de l’information, en parts de marchés, en R&D…) ; le « sauve qui peut », caractéristique des dirigeants qui n’ont guère de vision stratégique claire ; l’élagage des priorités, approche qui peut se révéler pertinente, notamment pour  faire le tri dans les priorités qui n’en sont pas en réalité.

Toute crise suscite des interrogations (colonne 3 du tableau). Dans le monde des systèmes d’information, elles concernent les clients (pour les conserver, en acquérir de nouveaux et adapter les offres), la résilience des infrastructures et plus généralement des systèmes d’information, le moral et la motivation des informaticiens.

L’enjeu, dans ce domaine, est de conserver les talents. Quant aux structures organisationnelles, elles sont soumises à de multiples réaménagements au cours desquels les DSI sont largement impliqués. Enfin, les interrogations portent sur les enveloppes budgétaires (à court, moyen et long terme), souvent revues à la baisse.

Sur le plan stratégique (colonne 4 du tableau), la crise permet (impose ?) d’agir dans au moins cinq domaines. D’abord la consolidation des systèmes d’information, stratégie courante de la plupart des entreprises même s’il reste encore du chemin à parcourir et des potentiels d’économies à découvrir.

Deuxième voie : la réactivité, ou agilité, du système d’information, qui correspond, d’une part, à l’atténuation de la complexité technologique et, d’autre part, au renforcement des synergies entre les DSI et les directions métiers.

Autre stratégie possible : l’innovation, notamment en déplaçant le curseur entre la part du « Run » et celle du « Build » au profit de ce dernier, souvent sacrifié en période de crise. La quatrième stratégie envisageable concerne la valorisation des savoirs, à la fois sur un plan opérationnel pour la compréhension des besoins métiers, mais également, à plus long terme et de manière plus large, par l’organisation des connaissances dans les entreprises.

Enfin, le dernier volet porte sur la notion d’engagement, celui du DSI à créer de la valeur sous toutes ses formes… Reste l’efficacité des organisations (colonne 5 du tableau). Dans ce domaine, les leviers d’actions concernent les compétences (a-t-on la bonne répartition de compétences et de talents pour affronter la crise ?), les ressources (humaines, technologiques, financières, immatérielles, capitalistiques…), les infrastructures (pas uniquement IT), les structures organisationnelles (liées à des processus, efficaces et bien dimensionnées), et, enfin, l’entreprise face à son marché, avec l’adéquation de ses produits et services.

On peut résumer les stratégies possibles en deux catégories : les stratégies d’absorption et les stratégies d’agilité. Les premières consistent à « encaisser les coups », à l’image d’un boxeur.

Dans le domaine des systèmes d’information, cela peut se traduire, par exemple, par des actions en matière de réduction des coûts, de redéploiement des ressources humaines, d’optimisation des portefeuilles de projets, de consolidation/standardisation des infrastructures ou encore de renégociation des contrats avec les fournisseurs dans le cadre d’une mutualisation des achats. Les stratégies d’agilité, elles, consistent à redéfinir les priorités business, à établir des indicateurs clairs de performance, à réduire la complexité du système d’information et à accélérer l’innovation.

Que se passe-t-il si les DSI ne font rien ? Là encore, on peut utiliser les cinq lettres du mot crise pour imaginer ce qui peut se passer, dans un ordre ou pas.

Généralement, et l’actualité nous l’a montré ces dernières semaines, avant une révolution s’installe un certain capharnaüm puis se déclenchent des insurrections, qui conduisent à des saccages, avant l’éviction des représentants du pouvoir en place. Pour les systèmes d’information, la déclinaison de ce processus pourrait être la suivante :

  • Capharnaüm : « Lieu qui renferme trop d’objets en désordre. » On pourra noter la ressemblance, loin d’être fortuite, avec les trop nombreux projets, en retard, mal ficelés, trop chers ou trop compliqués.
  • Révolution : « Changement brusque et important. » On pourra noter la ressemblance avec les changements stratégiques qui se produisent lorsque la direction générale change.
  • Insurrection : « Soulèvement qui vise à renverser le pouvoir établi. » On pourra noter la ressemblance avec le comportement de certains collaborateurs ou managers.
  • Saccage : « Pillage, destruction. » On pourra noter la ressemblance avec la réaffectation de ressources utiles vers des postes budgétaires moins utiles ou l’arrêt de projets pour des raisons qui n’ont rien à voir avec le bon sens ou le pragmatisme et qui vont détruire de la valeur.
  • Éviction du DSI. C’est, hélas, un résultat courant en période de CRISE…