William Porret, directeur associé Enora Consulting : « Il n’existe pas de modèle idéal de refacturation »

La refacturation n’est pas encore une pratique systématique dans les DSI. S’il n’y a pas de modèle idéal, une telle démarche a le mérite de rassurer les directions métiers et de leur fournir une visibilité sur leurs budgets.

La refacturation est-elle une pratique très répandue parmi les DSI ?

William Porret Seule une minorité d’entreprises refacturent aujourd’hui les prestations fournies par leur DSI auprès des autres directions. Mais on constate, en parallèle, que la refacturation en interne concerne les entreprises de toutes tailles et de tous secteurs.

La refacturation n’est pas toujours bien acceptée et les DSI ont parfois du mal à convaincre, l’objection principal étant : « J’ai déjà un budget serré, et l’informatique va m’en prélever une partie. »

Les directions métiers ont elles aussi des comptes à rendre : prélever une part de leur budget, auparavant inscrit dans les budgets consolidés de l’entreprise, pour financer le système d’information, ce qui est vu comme une charge supplémentaire, diminue mécaniquement la rentabilité de leur business.

Seules les business units faiblement consommatrices d’informatique veulent bien jouer le jeu. Même si elles n’ont pas vu que leurs coûts IT « invisibles » sont sans commune mesure avec leur perception, c’est le cas par exemple des ressources humaines.

Par quoi suggérez-vous de commencer ?

William Porret Une première approche peut être de refacturer directement à la direction générale, avec une grille de consommation selon les directions métiers. Cela a le mérite de provoquer un déclic, en montrant, d’une part, que la « business unit DSI » est rentable et, d’autre part, en évaluant ce que consomme chaque entité métier de l’entreprise.

Mais une telle approche dépend de l’organisation et de la culture d’entreprise. Lorsque l’on reproche aux DSI d’être une boîte noire, c’est parce que la direction générale ne sait pas où passent les budgets. L’objectif est d’obtenir une réelle transparence des coûts informatiques et d’optimiser, pas forcément de réduire, mais de dépenser là où c’est nécessaire.

C’est un lent processus, qui s’élabore par étapes. Par exemple, au début, en refacturant les grands projets, plus faciles à chiffrer avec un périmètre mieux délimité et un client bien identifié.

Est-ce facile d’identifier les coûts ?

William Porret Le fait que certains DSI soient peu favorables à la refacturation est effectivement lié à une difficulté d’identification des coûts, même si c’est plus facile pour les matériels que pour les logiciels et les services. Mesurer les coûts cachés, notamment ceux liés au fonctionnement des systèmes informatiques, s’avère beaucoup plus difficile !

L’une des pistes les plus adaptées pour contourner ce deuxième obstacle est la mise en place de la gestion des niveaux de service, qui permet de recenser tous les services délivrés par la DSI et de les suivre finement.

Il importe de privilégier le dialogue avec les directions métiers, dans le cadre d’un catalogue de services. Et de convaincre que la DSI n’est pas une simple entité de support mais un fournisseur de services payants.

Y a-t-il un modèle idéal ?

William Porret Non, le modèle idéal n’existe pas ! On distingue deux modèles : le mode forfaitaire ou la redistribution des coûts constatés.

Avec la première approche, en début d’année, la DSI fixe son budget et attribue une quote-part aux différentes directions de l’entreprise.

Le montant du forfait peut être fixé en début d’année et revu en fin d’année pour s’adapter aux coûts réels engagés. Ce système a l’avantage de rassurer les directions métiers en apportant une visibilité sur le budget à engager.

En revanche, il est plutôt rigide et permet difficilement d’ajuster la quote-part de chacun, même si l’une des directions dépasse son forfait. Une nouvelle négociation en fin d’année est toujours une épreuve difficile…

La seconde approche consiste à refacturer chaque mois, ou en fin d’année, chaque direction de l’entreprise en fonction des prestations consommées.

Plus transparent pour tous et plus proche de la réalité, ce fonctionnement demande du temps et une gestion administrative conséquente afin de calculer précisément les différents coûts afférents à chaque direction.


PC refacturé et PC low cost

Que répondre à l’inévitable question : « Vous me facturez mes postes de travail 1 000 euros l’unité mais les mêmes sont en vente chez Carrefour à 300 euros : pourquoi paie-je si cher ? »

Face à ce type de réaction, très répandue, il convient d’insister sur le fait que la DSI assure des services de maintenance, de help-desk, de sauvegardes, de continuité de services, de connectivité et que tout cela à un coût. Aux 300 euros, il faut donc ajouter le coût de ces prestations. Et l’utilisateur constatera souvent que la facture finale n’est pas si éloignée de celle présentée par la DSI…