Système d’information : un vrai bon coût

Obtenir une vision des enjeux du pilotage des coûts et des gains de la fonction système d’information : tel est l’objectif de cet ouvrage qui propose des clés de lecture.

Tous les DSI le savent, la fonction système d’information est l’une des plus complexes à gérer dans une organisation. Et même la plus complexe, affirment les auteurs de l’ouvrage, Christophe Legrenzi et Jacques Nau : « Ceci doit être affirmé haut et fort sous peine d’occulter la difficulté de la tâche de pilotage », précisent-ils.

Cette complexité s’exprime au moins sous deux formes. D’une part, sur le plan technologique, aucun domaine ne voit autant de nouveautés sortir chaque année, avec des durées de vie de plus en plus courtes. Songeons aux quelque 30 000 nouveaux produits annoncés lors du Consumer Electronic Show de Las Vegas… D’autre part, sur le plan du périmètre couvert : « Quasiment plus aucun métier n’est épargné par l’informatisation, au cours des deux dernières décennies, le nombre d’outils présents dans nos organisation a été multiplié par 100, nulle autre fonction n’a un tel spectre à couvrir », assurent les auteurs.

On sait également, à travers les travaux d’économistes ou d’experts de l’entreprise (Peter Drucker, Michael Porter, Philip Kotler…) que les activités managériales les plus importantes sont la stratégie et le pilotage.

La première pour identifier la cible à moyen et long terme d’une organisation, le second pour s’assurer que les objectifs fixés par la stratégie sont bien atteints. Pour Robert Anthony, considéré comme le père du contrôle de gestion, le contrôle d’une organisation peut se résumer à trois éléments : la planification stratégique (élaborer les stratégies afin d’atteindre les objectifs fixés par la direction générale), le contrôle de gestion (assurer que les stratégies sont appliquées afin d’atteindre les objectifs fixés) et le contrôle opérationnel (s’assurer que les activités de l’organisation sont exécutées avec efficacité et efficience).

Le contrôle de gestion du SI, méthodes et outils pour la maîtrise des coûts informatiques, par Christophe Legrenzi et Jacques Nau, Dunod, 2012, 240 p.

Les auteurs proposent la définition suivante du contrôle de gestion : « Activité visant à la maîtrise de la conduite d’une organisation en prévoyant les événements et en s’adaptant à l’évolution, en définissant les objectifs, en mettant en place les moyens, en comparant les performances et les objectifs, en corrigeant les objectifs et les moyens. » Cette activité peut se décomposer en cinq étapes :

  1. planification stratégique et opérationnelle ;
  2. modélisation du système de gestion ;
  3. conception et animation de la procédure budgétaire (ressources matérielles, humaines et financières) ;
  4. mesure des performances (comptabilité de gestion, contrôle budgétaire, système d’information, indicateurs financiers et physiques) ;
  5. contrôle des performances (analyse des écarts).

Le contrôle de gestion doit s’adapter au SI

Mais peut-on pour autant décalquer ces principes généraux pour le contrôle de gestion d’un système d’information ? Les auteurs ne le pensent pas : « En réalité, la matière informatique, voire système d’information, peut engendrer des approches plus spécifiques. La fonction informatique étant la plus complexe à gérer de l’entreprise, elle nécessite une approche plus sophistiquée. »

De fait, le contrôle de gestion souffre d’un certain nombre de limites : il se réduit souvent au simple contrôle budgétaire, ce qui est très réducteur ; il établit le budget (mais comment peut-on établir un budget et être chargé de le contrôler ?) ; il se focalise sur le reporting alors que sa fonction est d’analyser les chiffres et de challenger les métiers en suggérant des pistes d’amélioration ; il gère plutôt les coûts (sans toujours raisonner en coûts complets) au lieu de s’intéresser à la valeur : « À quoi bon suivre les coûts si l’on est incapable d’identifier les bénéfices ? », s’interrogent les auteurs, qui émettent trois recommandations.

La première concerne le positionnement du contrôle de gestion : cette fonction doit être rattachée hiérarchiquement au DSI, en embrassant un périmètre plus large que le contrôle budgétaire ou le reporting. Elle doit ainsi s’intéresser aux procédures de gestion, à la facturation, à la gestion des portefeuilles de projets et d’applications, la gestion des actifs, au benchmarking et aux tableaux de bord.

Deuxième recommandation : affecter à la fonction contrôle de gestion des ressources en phase avec les enjeux. « Généralement, 1 % des ressources ou des effectifs (internes et externes) est affecté à la fonction contrôle de gestion, il en faudrait près de 3 % voire 5 % dans les cas de situations ou de projets complexes », estiment les auteurs.

La troisième recommandation concerne les outils et les méthodologies, qu’il s’agisse de comptabilité analytique (coût complet, coût standard, coût économique, méthode ABC), d’analyse financière (rentabilité des investissements), de TCO (coût de revient total) ou d’analyse de la valeur… Pour les auteurs : « Il faut éviter que la fonction contrôle de gestion soit marginalisée faute de moyens ou d’attention. Ce n’est ni une fonction comptable, ni un service opérationnel et encore moins un secrétariat. »

Une question de légitimité du DSI

Il convient, dans tous les cas, de distinguer le pilotage informatique de celui du système d’information. Les auteurs expliquent ainsi que, ramené à l’échelle de l’entreprise, le budget informatique traditionnel s’élève en moyenne entre 1 % et 5 % du budget de fonctionnement de l’entreprise. « Ce budget informatique représente les ressources nécessaires pour mettre en place l’infrastructure et les outils pour le traitement automatisé des informations, expliquent les auteurs. Soyons honnêtes et clairvoyants, cette somme n’est pas suffisamment importante pour intéresser une direction générale, elle arrive en sixième ou septième position, loin derrière les premiers centres de coûts. »

En réalité, si l’on s’intéresse au système d’information, « le budget du système d’information représente de 10 % à 50 % du budget total de fonctionnement de l’organisation, soit dix fois plus que le budget informatique », calculent les auteurs. Autrement dit : le SI se trouve propulsé à la première place des facteurs de coûts des entreprises. Ce dont nombre de directions générales ne sont évidemment pas conscientes. « Le carcan des systèmes comptable et budgétaires est à l’origine de cet aveuglement de masse », assènent les auteurs.

Faut-il donc piloter le système informatique, le système d’information ou l’information ? Pour les auteurs, c’est LA question cruciale : « Si l’on répond système d’information ou information, il faut encore désigner qui en a la charge. Est-ce le DSI qui en porte pourtant le titre, ou alors est-ce du ressort d’un collège de managers dans une logique de responsabilité collective ? Aux États-Unis, le CIO (Chief Information Officer) est, par définition, chargé de gérer l’information. Est-ce le cas dans la réalité ? Pas vraiment ou, du moins, pas encore. En d’autres termes, la légitimité du DSI est souvent matérialisée par le périmètre des ressources gérées. »

Outre ces développements sur la philosophie du contrôle de gestion, son positionnement dans l’organisation et ses limites, les auteurs passent en revue tous les concepts, outils et méthodologies utiles au DSI : la distinction entre les centres de coûts, de profit, de valeur, les principes de la comptabilité analytique, le contenu des budgets de fonctionnement et de développement, l’analyse de la valeur du système d’information, la problématique de refacturation des prestations informatiques, ainsi qu’une feuille de route du contrôleur de gestion du système d’information.


Dix autres idées à retenir

  1. Plus une structure est grande, plus on observe que le contrôle de gestion se réduit à préparer et à animer les processus budgétaires.
  2. Les entreprises les plus performantes ont tendance à investir deux à trois fois plus de ressources dans le contrôle de gestion
  3. Il faut veiller à ce que la DSI ne supporte pas que les inconvénients de l’appellation « centre de profit » : devoir se justifier en permanence sans en avoir les avantages (disposer des profits pour se donner des marges de manœuvre et investir).
  4. Il n’existe pas la moindre trace de normalisation du coût des activités informatiques, chaque expert tente d’imposer son standard, bien vite perçu comme dépassé par un concept plus récent.
  5. Tout contrôleur de gestion découvrant les activités informatiques est naturellement tenté d’établir des similitudes entre la modélisation des processus informatiques et des processus industriels.
  6. La performance de la DSI en matière d’évaluation des charges conditionne, plus fortement d’ailleurs que le coût unitaire, le coût prévisionnel des projets.
  7. Ce n’est pas parce que l’on rencontre des difficultés à mesurer les gains que l’on ne doit pas pour autant mesurer le coût et en informer la direction générale.
  8. La direction financière sera beaucoup mieux disposée si elle a été préalablement sollicitée pour son expertise, plutôt que de découvrir en plein comité de direction un chiffrage maladroit et inexact…
  9. La majorité des DSI sont incapables de démontrer la rentabilité des investissements effectués, sans parler de la difficulté à justifier le dimensionnement des activités de fonctionnement.
  10. La notion de ROI informatique doit être supprimée : en quoi une des composantes d’un projet peut-elle s’attribuer les bénéfices ?