A quoi ressemble l’ERP du XXIème siècle ?

Tim Harmon, analyste de Forrester, nous livre ses réflexions sur les évolutions des progiciels intégrés. Qui deviendront des systèmes de management de ressources d’entreprise étendue.

Pourquoi les éditeurs de logiciels ERP répondent-ils mal aux besoins des entreprises ?

Tim Harmon L’économie globale est davantage tirée par les services que par l’industrie. Et même les grands groupes industriels tirent une partie non négligeable de leurs revenus avec des services. Or, les progiciels intégrés ont été conçus à l’origine pour les entreprises industrielles avec des fonctions de gestion logistique.

Les années 1990 ont correspondu aux exigences d’optimisation des chaînes logistiques. Les éditeurs ont donc conçu des produits capables d’agréger des assemblages complexes de produits physiques. Ces fonctions concernent beaucoup moins les entreprises de services, davantage gérées selon une « chaîne de savoir et de connaissances ».

Aujourd’hui, les éditeurs répondent avec succès aux objectifs opérationnels d’efficience. Mais les managers sont focalisés sur les transformations métiers, que les progiciels intégrés couvrent mal.

De fait, les actifs immatériels que sont les ressources humaines, la propriété intellectuelle, les relations de partenariat et les marques, qui sont stratégiques pour les directions générales, ne sont pas (pour la propriété intellectuelle, les marques) ou mal prises en compte (ressources humaines, relations de partenariat) dans les progiciels intégrés.

Les éditeurs actuels peuvent-ils prendre en compte ces évolutions ?

Tim Harmon Parmi les éditeurs de progiciels intégrés, je n’en vois aucun qui soit capable de répondre à ce besoin de management des ressources, du moins à court terme, d’autant que beaucoup d’éditeurs ont gelé leurs investissements en recherche et développement, sous l’effet de la dégradation de la conjoncture économique.

Vous plaidez pour un renouvellement des offres ? Comment doivent-elles évoluer ?

Tim Harmon Dans le sigle ERP, il est temps de remettre à sa juste place le « R », c’est-à-dire le management des ressources. Les progiciels intégrés évoluent davantage en fonction des lignes métiers, dont les processus sont facilités, que des évolutions du management des ressources.

Cette situation convient relativement bien pour les niveaux opérationnels, mais les couches de management et les directions générales ne fonctionnent pas sur la base de processus mais sur des modes collaboratifs. De fait, les deux piliers d’une nouvelle génération de progiciels intégrés sont le management des ressources et le travail collaboratif.

Le Web 2.0 et les ERP sont-ils antinomiques ?

Tim Harmon Dans la configuration actuelle des progiciels intégrés, c’est certain. Le Web 2.0 est basé sur des la collaboration par des interactions itératives, à l’inverse des progiciels intégrés.

Les nouveaux modèles de business sont basés sur la performance des individus (l’économie des connaissances), pas sur celle des machines et des flux physiques. Ce que nous appelons l’Extended-Enterprise Resource Management (EERM) est en fait le modèle de l’ERP appliqué aux connaissances. L’EERM ne se substitue pas à l’ERP mais le complète. Les deux vont coexister.

Quels sont les facteurs de développement de ce que vous appelez l’EERM ?

Tim Harmon Les facteurs de développement de l’EERM sont nombreux. Citons en particulier les modèles de business basés sur des services critiques et le Web 2.0 ; le fait qu’une entreprise n’est plus l’unique propriétaire de ses marques mais qu’elle les partage avec se communauté ; que les ressources humaines deviennent l’actif numéro un des entreprises et que l’entreprise étendue se développe.

Pour les fournisseurs, ce modèle implique des investissements supplémentaires en R & D et de nouvelles manières de répondre aux attentes du marché, en particulier par les communautés.

Du MRP à l’EERM
Années 1980 Années 1990 et 2000 Années 2010 et après
MRP (*) ERP CRM (***) EERM
Objectif Contrôler la chaîne logistique Etablir une vision unique du client Optimiser l’allocation des ressources immatérielles
Principal obstacle Les processus internes non connectés Les données clients non consolidées Difficultés à mettre en
œuvre la stratégie
Périmètre Back-office Front-office Toute l’entreprise
Base technologique OLTP (**) Base de données relationnelles Internet Outils collaboratifs
Modèle d’interaction Transactionnel Décisionnel
(*) Management Resource Planning. (**) Online Transaction Processing. (***) Customer Relationship Management. Source : Forrester Research.