Autodiagnostic de la gestion des compétences dans les DSI

Le rythme d’évolution des technologies, qui ne va évidemment pas fléchir, impose à plus ou moins terme une reconfiguration des compétences de la DSI, surtout dans un contexte où les métiers et les directions générales font pression pour accélérer la transformation numérique.

Anticiper devient vital pour éviter des dysfonctionnements, des surcoûts, voire une « ringardisation » des compétences des équipes de la DSI. Une grille d’autodiagnostic permet, en vingt-cinq questions, d’auditer la situation.

La transformation numérique ne change pas seulement la manière dont travaillent les métiers, elle modifie également les missions et les pratiques des DSI. Dans une étude récente, menée par le cabinet Vanson Bourne pour le compte de Brocade, 91 % des DSI reconnaissent que la DSI est actuellement perçue comme un acteur très important, voire essentiel, pour l’innovation et la croissance de l’entreprise. Les DSI peuvent être un appui précieux pour les expérimentations menées par les métiers autour de l’Internet des objets, du Big Data, de l’intelligence artificielle ou des plateformes collaboratives. Elles ont également un rôle de conseil sur certains domaines stratégiques, comme la sécurité ou le choix d’une plateforme technologique.

Dans le même temps, une part de plus en plus importante des activités opérationnelles de l’IT bascule vers le cloud, ce qui nécessite également d’acquérir de nouvelles connaissances. Pourtant, certains métiers sont sous tension et marqués par une pénurie de compétences (voir tableau), en proportions significatives, comme l’a montré une étude publiée par les cabinets Harvey Nash et KPMG.

Les DSI sont donc en pleine phase de transition. Elles ont l’opportunité de passer d’un centre de coûts à un pôle de création de valeur, à condition d’acquérir ou de renforcer leur expertise dans certains domaines et technologies clés. Or, dans l’IT plus qu’ailleurs, cette expertise repose directement sur les collaborateurs, leurs compétences et leur adaptabilité.

Ces enjeux RH peuvent se révéler rapidement critiques, en raison de la vitesse à laquelle évoluent les technologies. A l’instar des sociétés de services ou des entreprises de conseil, les managers IT doivent donc piloter avec soin leurs ressources humaines, travaillant de pair avec les DRH pour acquérir et développer les compétences dont leurs entreprises ont besoin. En effet, ce sont bien les savoir-faire et l’expertise des équipes IT qui font (et feront) la valeur de la DSI et lui permettront d’être compétitive par rapport à des prestataires externes.

1. Autodiagnostic et points d’attention

Pénurie de compétences : les métiers concernés
Compétences Moyenne Grandes entreprises PME
Big Data/analytique  39 %  46 %  34 %
 Management de projet  32 %  33 %  29 %
 Analystes métier  28 %  27 %  27 %
 Développement  27 %  23 %  32 %
Architecture d’entreprise  27 %  33 %  21 %
 Architectures techniques  27 %  30 %  25 %
 Sécurité  27 %  28 %  24 %
 Gestion du changement  25 %  27 %  21 %
 Stratégie IT  24 %  27 %  22 %
Mobilité  23 %  24 %  20 %
(% d’entreprises qui affirment être confrontées à une pénurie de compétences)
Source : The creative CIO survey 2016, Harvey Nash – KPMG
Grille d’autodiagnostic : la gestion des compétences dans la DSI
Questions à se poser Oui Non Principaux risques
1. Avez-vous mis en place un système de pilotage des compétences au sein de la DSI ? A C Sans pilotage, comment anticiper les problèmes qui risquent de se poser en terme de compétences ? Le risque est d’être confronté à une pénurie sur certains domaines clés, à un décalage par rapport aux attentes, à un sous-effectif chronique et à des compétences obsolètes…
2. Connaissez-vous la répartition des compétences au sein de vos équipes ? A B Négliger cette étape peut entraîner des erreurs d’appréciation lourdes de conséquences, provoquant la perte de collaborateurs essentiels, mais non-identifiés comme tels, ou des recrutements mal ciblés.
3. La pyramide des âges de vos équipes est-elle globalement équilibrée sur les technologies critiques ? A C On songe au problème des experts Cobol, qui arrivent tous à la retraite au même moment, alors que plusieurs entreprises ont encore des pans importants de leur SI reposant sur ces compétences.
4. Certaines compétences critiques ne sont-elles maîtrisées que par un seul collaborateur ? C A Que se passerait-il si demain votre RSSI quittait l’entreprise ? Ou si cet expert Big Data, si long à recruter, démissionne ? Et ce spécialiste d’un module rare de l’ERP ?
5. Certains de vos collaborateurs ont-ils des compétences dans des domaines émergents ? A B Parmi les nombreuses technologies émergentes, toutes n’intéressent pas forcément votre entreprise. Néanmoins, en fonction de votre secteur d’activité, il y a des domaines à ne pas négliger. Si vous ne vous y intéressez pas, vos concurrents le feront.
6. La répartition des compétences existantes vous semble-t-elle en phase avec la stratégie de votre entreprise, notamment en matière de transformation numérique ? A C La répartition des ressources dédiées au maintien en conditions opérationnelle et de celles allouées à l’innovation et aux projets ne s’évalue pas seulement en termes de budget et de temps, mais aussi de compétences. Sans un minimum de compétences adéquates, l’entreprise va avoir du mal à se transformer…
7. Savez-vous identifier les compétences qui risquent de vous faire défaut à court terme ? A C Un recrutement ne se fait pas du jour au lendemain, en particulier pour certains profils IT rares. Ne pas anticiper les besoins à court terme représente un risque important pour l’entreprise, qui ne pourra pas mener à bien ses projets.
8. Et à moyen terme ? A B S’il est plus difficile d’évaluer ses besoins à moyen terme, il faut néanmoins s’y efforcer : en effet, certaines actions demandent du temps, comme l’intégration de jeunes diplômés qui doivent apprendre le métier de l’entreprise.
9. Les compétences manquantes concernent-elles en majorité :    
a-Des domaines peu critiques ?
b-Des domaines liés aux opérations cœur de métier ? C Un sous-effectif chronique au niveau opérationnel peut aboutir à des dysfonctionnements, qui se traduisent par des ruptures d’activités pour l’entreprise (pannes plus longues à résoudre, migrations qui dépassent le temps imparti, problèmes de sécurité décelés trop tard…).
c-Des domaines relevant de l’innovation ? B Le manque de compétences dans ces domaines ne se voit pas
10. Menez-vous une activité de veille technologique pour identifier de nouvelles compétences pertinentes à acquérir pour votre entreprise ? A B Les technologies de l’information évoluent très vite : la veille technologique est donc une nécessité pour ne pas passer à côté des évolutions qui peuvent changer les règles du jeu dans votre secteur.
11. Disposez-vous d’un budget pour recruter des collaborateurs dotés des compétences souhaitées ? A B Attirer de bons profils est difficile et prend du temps : en moyenne, un recrutement n’est planifié qu’un an à l’avance au maximum. Mieux vaut donc anticiper et prévoir le budget nécessaire le plus tôt possible.
12. Recrutez-vous régulièrement de jeunes diplômés au sein de la DSI ? A B Par chance, il existe des formations techniques de très bon niveau en France. Ce serait dommage de laisser ce vivier de compétences aux start-up et ESN, d’autant que cela permet d’équilibrer la pyramide des âges au sein de la DSI.
13. Avez-vous un turn-over anormalement élevé au sein de la DSI (notamment par rapport aux autres services de support) ?  C  A Le turn-over est un signal d’alerte à ne pas négliger, surtout s’il touche des jeunes diplômés ou des profils experts : il indique un problème d’attractivité du service, dont il faut rapidement identifier les causes.
14. Etes-vous souvent obligé de faire appel à un prestataire pour pallier un manque de compétences ?  B  A En théorie, les prestataires doivent répondre à des besoins ponctuels. Si un besoin devient récurrent, cela témoigne soit d’un sous-effectif sur un domaine existant, soit de la nécessité d’internaliser un nouveau domaine de compétence.
15. Est-ce que vos collaborateurs peuvent consacrer suffisamment de leur temps de travail à se former à de nouvelles technologies/approches ?  A  B Les collaborateurs IT, interrogés dans une étude Brocade/Vanson Bourne, consacrent seulement 15 % de leur temps de travail à se former, alors qu’ils souhaiteraient y consacrer 22 %. Un temps de formation insuffisant entrave directement la capacité de l’entreprise à se transformer.
16. Echangez-vous régulièrement avec la DRH pour planifier des formations adaptées ? A  B Bien cibler les formations techniques n’est pas toujours aisé pour la DRH (y compris d’ailleurs pour celles adressées à l’ensemble des collaborateurs). L’éclairage du DSI est donc précieux pour maintenir un catalogue de formations pertinent.
17. A quelle fréquence vos collaborateurs suivent-ils des formations ?    Le rythme des formations doit suivre l’évolution technologique, pour éviter de se retrouver avec des compétences dépassées.
a-Plusieurs fois par an   A
b-Au moins une fois par an   B
c-Moins souvent encore   C
18. Proposez-vous à vos collaborateurs de passer des certifications sur les technologies et méthodes que vous utilisez en interne ?  A  B Passer une certification augmente le niveau de maîtrise interne, diminuant d’autant les risques pour l’entreprise. En outre, cela valorise les collaborateurs.
19. Disposez-vous d’outils pour favoriser le partage de connaissances (KM, outils collaboratifs…) ? A  B Même si la documentation suscite rarement l’enthousiasme des équipes IT, il en faut un minimum, de préférence regroupée en un même endroit. Faute de quoi, les derniers arrivés ou les prestataires qui doivent intervenir sur votre SI risquent de perdre un temps précieux à s’approprier ces connaissances…
20. Ces outils sont-ils utilisés ? A  B Souvent, les outils ne sont pas utilisés car ils sont lourds, obsolètes ou mal conçus. Un bon outil s’adapte aux pratiques de vos collaborateurs.
21. Valorisez-vous le partage d’expertises au sein de vos équipes (à travers des primes, augmentations, évolutions de carrières…) ? A B Il s’agit d’éviter les situations où chacun défend son pré carré.
22. Avez-vous mis en place des pôles d’expertises (réseau de super-utilisateurs, équipes spécialisées, centres de compétences généralistes ou dédiés…) ? A  B Sans ce type de structure, il est parfois difficile de savoir à qui s’adresser en cas de problème. Une organisation qui met en avant l’expertise contribue par ailleurs à élever le niveau de compétence global.
23. Quand vous faites appel à un partenaire (éditeur, consultant…) sur un projet, prévoyez-vous systématiquement un transfert de compétences ?  A  B Voulez-vous vraiment rester dépendant de votre partenaire au moindre problème ?
24. Si vous avez choisi d’externaliser une partie importante du système d’information et/ou des activités sensibles, conservez-vous en interne un niveau de compétence suffisant pour dialoguer efficacement avec les prestataires ?  A  C Face à un client qui n’a pas un niveau de compétence suffisant, le prestataire peut être tenté de mettre la situation à profit pour vendre des biens ou des services qui ne sont pas nécessaires, ou pire, devenir négligeant sur la qualité de ses prestations.
25. Employez-vous une part importante de prestataires pour assumer les missions courantes de la DSI ?  C  A Outre les risques sur le plan juridique (prêt de main-d’œuvre illicite/délit de marchandage), cette situation fait courir un risque de perte brutale de savoir-faire.
Source : Best Practices Systèmes d’Information.

2. Les préconisations

Par rapport aux vingt-cinq questions listées dans la grille d’autodiagnostic, l’évaluation de la maturité peut s’effectuer avec l’échelle suivante :

  • Entre 20 et 25 réponses « A » : la situation est maîtrisée.
  • De 6 à 9 réponses « B » et aucune réponse « C » : la situation est inégale.
  • De 10 à 17 réponses « B » et aucune réponse « C » : la situation est à risques.
  • De 10 à 17 réponses « B » et moins de cinq réponses « C »: la DSI est dans une zone de danger.
  • Plus de 5 réponses « C » : la situation est critique.

Lorsque la situation est maîtrisée : communiquez sur vos réalisations !

Vous avez le soutien de votre direction et faites partie des bons élèves en matière de gestion des compétences IT : votre entreprise dispose de belles cartes en main pour réussir sa transformation numérique, mais encore faut-il le faire savoir à tous. N’hésitez donc pas à communiquer en interne sur vos savoir-faire et vos réalisations, afin de valoriser la DSI et ses collaborateurs. Si vous en avez la possibilité, communiquez également en externe, afin d’attirer de nouveaux talents qui vous seront utiles.

Lorsque la situation est inégale : estimez plus finement vos besoins en compétences

Vous arrivez globalement à répondre aux demandes, mais vous éprouvez des difficultés à anticiper les futurs besoins. De ce fait, les recrutements de nouveaux profils ou les formations arrivent toujours avec un décalage par rapport aux demandes des métiers. Donnez-vous du temps, ainsi qu’à vos collaborateurs, afin de mener une veille technologique. N’hésitez pas à regarder comment d’autres secteurs que le vôtre utilisent les technologies émergentes, afin d’identifier des domaines de compétence à intégrer à votre DSI. Enfin, rencontrez plus régulièrement les métiers, afin de savoir à quels domaines ceux-ci s’intéressent.

Lorsque la situation est dans une zone à risques : renforcez le niveau de compétence de vos équipes

Le temps accordé aux formations est insuffisant et/ou les connaissances et savoir-faire ne circulent pas bien au sein de vos équipes. Est-ce par manque de temps ? Par manque d’outils et de supports adaptés ? Par manque de motivation ? Prenez le temps d’échanger avec vos collaborateurs pour comprendre leurs attentes, ainsi qu’avec la DRH pour identifier les actions à mener. Renforcez vos équipes en recrutant de jeunes diplômés.

Lorsque la situation est dans une zone de danger : lancez un plan d’actions sans attendre

Un décalage commence à apparaître entre les compétences dont dispose la DSI et les besoins de l’entreprise. Vous devez rapidement mettre en place des actions pour y remédier. Identifiez les compétences manquantes, et particulièrement celles à acquérir en priorité, puis lancez des recrutements ciblés, en visant dans un premier temps des profils expérimentés, capables d’être opérationnels rapidement. Dans le même temps, accompagnez la montée en compétence des équipes actuelles.

Lorsque la situation est critique : il vous faut l’appui de la direction générale

Compétences dépassées, pyramide des âges déséquilibrée, budgets RH et formation totalement inadaptés aux enjeux… La DSI a atteint un seuil critique qui met en péril l’accomplissement de ses missions. Si l’entreprise ne veut pas perdre la maîtrise de son système d’information et être en incapacité d’utiliser l’IT comme levier d’innovation, il faut agir. Quelles que soient les raisons de ce décalage entre les compétences et les besoins, il va être difficile d’inverser la tendance. La première action à entreprendre est de rencontrer la direction générale et de solliciter l’appui du conseil d’administration. Essayez d’identifier parmi ses membres les acteurs les mieux à même de comprendre les enjeux, afin de vous en faire des alliés. Avec leur aide, il faudra convaincre le management de la valeur que peuvent apporter des compétences IT bien choisies. Si vous y parvenez, il faudra ensuite repenser en profondeur le rôle et l’organisation de la DSI, afin de pouvoir accompagner l’entreprise dans sa transformation numérique.

Maturité de la politique de GRH de la DSI : principales préconisations selon l’existant
Degré de maturité Principal indice révélateur de la situation Principale préconisation
Situation maîtrisée Le Top management reconnait le rôle de la DSI dans la transformation numérique Mettre en avant les réalisations de la DSI, pour faire connaître ses compétences aux métiers ou pour attirer des talents
Situation inégale Manque de visibilité sur les futurs recrutements et/ou les actions de formation à mettre en place Renforcer la veille technologique et le dialogue avec les métiers
Situation à risques Le rythme des formations est faible, les connaissances sont cloisonnées Identifier les raisons sous-jacentes et mettre en place des actions correctives
Zone de danger Un décalage apparaît entre les demandes et les compétences dont dispose la DSI Lancer des recrutements ciblés
Situation critique La DSI peine à mener à bien ses missions et le moindre départ d’un collaborateur peut mettre en péril ses activités Convaincre le management de l’intérêt qu’il y a à disposer de bons profils IT
Source : Best Practices Systèmes d’Information.

 


Les compétences essentielles selon les professionnels de l’IT

Une étude, publiée par le cabinet Vanson Bourne (pour le compte de Brocade), a été réalisée auprès de 630 professionnels de l’IT, travaillant dans six pays différents (États-Unis, Royaume-Uni, France, Allemagne, Australie et Singapour). Ils ont été interrogés sur l’évolution des compétences dans leur domaine. Pour les répondants français, les compétences suivantes sont considérées comme prépondérantes, mais manquantes souvent dans leur DSI : la cybersécurité (39 %), le Software Defined Network (37 %), les réseaux (35 %), l’intelligence artificielle (30 %), le développement de logiciels (26 %). Pour conserver un emploi dans l’IT, les professionnels français du secteur estiment primordial d’avoir des compétences en intelligence artificielle, à 55 %. De même, 41 % citent des aptitudes autour de la transformation numérique. Selon une étude McKinsey intitulée « The new tech talent you need to succeed in digital », les métiers requis dans ce domaine concernent les ingénieurs en design d’expérience, les spécialistes Scrum, les coachs agiles, les product owners, les architectes full-stacks, les spécialistes du Machine Learning et les ingénieurs DevOps.