Autodiagnostic des pratiques budgétaires

La gestion budgétaire conditionne la performance et l’efficience de la DSI. Malgré l’existence de bonnes pratiques et un cadre comptable précis, le niveau de maturité des DSI reste très diversifié. L’enjeu est de réduire les risques pour éviter de perdre le contrôle. L’élaboration du budget et son pilotage au quotidien sont au cœur des missions des DSI.

Cette activité cristallise souvent des tensions, à la fois avec la direction financière, pour qui l’informatique coûte trop cher, les métiers, qui éprouvent des difficultés à identifier les retours sur investissements, et les équipes de la DSI, frustrées de ne pas avoir plus de ressources budgétaires pour accomplir toutes les tâches qu’on leur assigne. La démarche d’amélioration repose sur trois éléments : l’analyse de l’existant, les préconisations et la roadmap de mise en œuvre.

I – Autodiagnostic et points d’attention

L’analyse de la situation de la DSI sur le plan budgétaire peut être établie à partir d’une grille composée d’au moins 25 questions :

Grille d’autodiagnostic : le budget de la DSI
Questions à se poser Principaux risques
 Y a-t-il un suivi historique des postes budgétaires, avec une vision pluriannuelle du budget ? Aucune vision de l’évolution des budgets par rapport à la stratégie métier
 Le budget de la DSI n’a-t-il jamais fait l’objet de réductions arbitraires ?  Ne pas pouvoir sortir d’un processus cumulatif de baisse
Une analyse de la valeur a-t-elle été réalisée ?  Critiques récurrentes sur la non performance de la DSI
Les écarts budgétaires sont-ils analysés régulièrement et justifiés avec une recherche systématique des causes ?  Ne pas pouvoir identifier les raisons légitimes, exogènes ou de force majeure, par rapport à une mauvaise gestion budgétaire
 La DSI est-elle considérée, dans l’entreprise, comme un centre de profits/valeur ?  Marginalisation par rapport aux métiers, risque d’externalisation
 La distinction Opex/Capex est-elle clairement établie dans le budget ? Ne pas maîtriser la capacité d’investissement pour préparer le futur
Existe-t-il des mécanismes d’arbitrage budgétaires formalisés et collaboratifs avec les métiers ?  Consacrer trop de ressources à des projets non prioritaires
Les budgets prévisionnels font-ils l’objet d’un examen régulier, avec un relevé mensuel d’activités ? Pas de prise en compte des changements de contextes ou de périmètres
 Le budget IT non contrôlé par la DSI a-t-il été évalué, avec une analyse fine des coûts cachés ? Aucune visibilité sur le Shadow IT, risque de marginalisation de la DSI
 Les services sont-ils refacturés, avec des clés d’allocation claires et partagées avec les métiers ?  Critiques récurrentes des métiers sur les montants facturés
Grille d’autodiagnostic : le budget de la DSI
Questions à se poser Principaux risques
 Le benchmarking est-il utilisé, notamment pour fixer le prix des services refacturés et comparer les fournisseurs ?  Décalage par rapport aux prestataires externes
 Dispose-t-on d’indicateurs de pilotage budgétaire ?  Ne pas anticiper les dérives éventuelles
Y a-t-il une fonction contrôle de gestion dédiée à la DSI, avec une feuille de route liée au cycle budgétaire ?  Reprise en main par la direction financière
Les postes budgétaires sont-ils détaillés finement (sections, activités), au-delà de la segmentation fonctionnement/ investissement/personnel ?  Pas de vision précise des activités de la DSI
 Les méthodes ABC (Activity based costing) et BBZ (Budget base zéro) sont-elles utilisées ?  Pas de rapprochement entre les charges et les activités
 Les projets sont-ils associés systématiquement à un business case et à un TCO (incluant la maintenance), avec une définition stricte de la rentabilité d’un projet SI ?  Gaspillage de ressources pour des projets non créateurs de valeur
 Les budgets exploitation et projets sont-ils distincts ? Difficulté de refacturation alignée sur la réalité des projets
Dispose-t-on d’un référentiel d’unités d’œuvre techniques, applicatives et métiers ?  Imprécisions dans la refacturation aux métiers
 Le budget de la DSI est-il corrélé aux budgets des métiers avec une vision analytique orientée client ?  Pas de vision métier des activités de la DSI
 Existe-il une analyse des coûts par nature (complets/partiels, fixes/variables, directs/indirects…) ? Budget boîte noire
Les coûts de financement de la dette technique et de l’obsolescence des infrastructures/applications sont-ils correctement évalués, avec une vision prospective ? Aucune vision des contraintes budgétaires à moyen et long terme
Les questions budgétaires de la DSI sont-elles régulièrement abordées au plus haut niveau (comité de direction) ? Pas d’alignement de la stratégie IT avec la stratégie d’entreprise et avec celle des métiers
Sait-on évaluer la part du budget dédié à l’innovation ? Image de centre de coûts de la DSI
Les ratios budgétaires clés sont-ils suivis dans un tableau de bord ? Absence de pilotage des coûts
Le budget IT est-il centralisé pour les différentes entités/filiales/métiers ? Pas de vision des coûts cachés et du Shadow IT
Source : Digitalonomics.

II – Les préconisations

Par rapport aux vingt-cinq questions listées dans la grille d’autodiagnostic, l’évaluation de la maturité peut s’effectuer avec l’échelle suivante :

• Réponse « non » à moins de 5 questions : la situation est maîtrisée.
• Réponse « non » à 6 à 10 questions : la situation est difficile.
• Réponse « non » à 11 à 15 questions : la situation est à risques.
• Réponse « non » à 16 20 questions : la DSI est dans une zone de danger.
• Réponse « non » à plus de 20 questions : la situation est critique.

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En matière budgétaire, les préconisations sont liées aux thématiques de la grille d’autodiagnostic, de manière à réduire la proportion de réponses « non » aux questions. Mais il convient de différencier les actions du plan en fonction du niveau de risque.

Lorsque la situation est maîtrisée : privilégier l’amélioration continue

A priori, les aspects budgétaires sont sous contrôle. Les quelques points d’amélioration peuvent être traités mais sans urgence, sauf si l’un d’entre eux est susceptible de générer des difficultés supplémentaires, comme par exemple pour le suivi des indicateurs de pilotage. Il est préconisé de lister les points d’amélioration souhaitable et de les prioriser, voire de les budgéter s’ils nécessitent des ressources supplémentaires ou un outillage spécifique.

Lorsque la situation est difficile : définir un plan d’actions après analyse de l’existant

Le chantier budgétaire, s’il n’est pas forcément prioritaire, doit figurer, au même titre qu’un projet métier, dans les plannings et l’agenda du DSI, associé à un plan d’actions, à une définition des responsabilités et à des investissements, par exemple en consulting pour aller plus vite. Une analyse de l’existant, éventuellement réalisée par un prestataire ayant un regard neuf sur l’environnement et les pratiques, est utile pour prioriser les actions à engager.

Lorsque la situation est à risques : colmater les brèches

Dans ce cas, des actions à court terme s’imposent, essentiellement pour fiabiliser la connaissance des structures de coûts, améliorer la gouvernance et les modes de pilotage du budget. Cela doit s’accompagner d’une communication objective, surtout vers la direction financière et la direction générale. L’objectif est de mettre en avant les risques, mais surtout les économies possibles, réalisables à court terme : il y en a toujours, car un meilleur pilotage budgétaire permet d’identifier les marges de manœuvre, les surcoûts et les pistes d’optimisation des dépenses de fonctionnement et d’investissement.

Lorsque la DSI est en zone de danger : empêcher la perte de contrôle et la sortie de route budgétaire

La question des pratiques budgétaires devient cruciale, d’autant qu’elle conditionne tous les autres sujets, notamment les modes de collaboration avec les métiers, les processus d’investissement, les approches de gestion de projet, voire le management des équipes IT. Il faut, comme dans la configuration « à risques », agir à court terme, mais engager également une refonte en profondeur : la perte de contrôle est très probable et agir avant de passer en phase critique permettra, au moins à moyen et long terme, de redresser la situation.

Lorsque la situation est critique : envisager le pire

Le niveau de maturité est quasi nul et ce n’est pas seulement le budget qui est en phase critique, c’est aussi la place du DSI dans l’organisation et son avenir immédiat. C’est, hélas, souvent trop tard et il y a fort à parier que si les aspects budgétaires ne sont pas traités comme ils le devraient, d’autres éléments du système d’information sont dans le même cas, par exemple la relation avec les fournisseurs, les modes de collaboration avec les métiers et les utilisateurs. Il faut bien sûr établir les responsabilités : le DSI ne se trouvera pas dans la même posture selon qu’il vient de prendre son poste ou qu’il est dans la place depuis suffisamment de temps pour porter la responsabilité entière ou partielle de la situation. Il lui sera de toute façon toujours reproché de ne pas avoir réagi à temps. Dans une situation budgétaire critique, il y a vraiment urgence, car c’est une situation de crise.

Même si la crise n’est pas déclenchée ouvertement, il faut considérer que la situation puisse dégénérer en quelques heures, il suffit que la DG ou la DAF s’en mêlent pour que tout aille très vite et aboutisse à l’éviction du DSI. Comme dans toute situation de crise, la stratégie va consister à rassurer sur l’issue de la situation, à communiquer pour devenir transparent et à agir rapidement pour renverser la perception de la situation par les métiers (voir tableau ci-dessous).

III – La roadmap du budget de la DSI

La roadmap constitue un cadre de référence qui permet de fixer un cap, à l’image de ce que proposent les éditeurs de logiciels pour expliquer leur stratégie. Il ne s’agit pas d’un modèle prévisionnel, difficile à concevoir tant les environnements, les technologies, les périmètres et les usages évoluent. La roadmap est à la fois un cadre de pilotage, un outil de collaboration et de communication, notamment vers les métiers.

En matière budgétaire, la roadmap peut se concevoir en cinq étapes, qui peuvent elles-mêmes se subdiviser en sous-étapes, si nécessaire, par exemple en fonction des préconisations retenues.

La roadmap budgétaire peut ainsi prendre la forme suivante :

  1. Définir la stratégie budgétaire : choix du modèle de financement et du mode d’analyse de la valeur, répartition des responsabilités, principes de gouvernance budgétaire, positionnement de la DSI (et de son financement) face aux problématiques informatique/système d’information/numérique…
  2. Outiller et évaluer les pratiques budgétaires : élaboration d’un tableau de bord de pilotage, définition des indicateurs clés de pilotage, d’unités d’œuvre, des processus de refacturation, création d’une entité dédiée au contrôle de gestion de la DSI, analyse des coûts par nature, évaluation de la dette technique, analyse des écarts budgétaires…
  3. Implémenter les méthodologies standards : ABC (Activity based costing), BBZ (Budget base zéro), benchmarking…
  4. Solidifier les relations avec les métiers : processus d’arbitrage budgétaire, généralisation des business cases associés à des budgets prévisionnels précis, alignement des pratiques budgétaires de la DSI sur la stratégie des métiers, contrôle du Shadow IT, clarification des modes de refacturation.
  5. Sécuriser le futur : fiabiliser les budgets prévisionnels, dégager des marges de manœuvre budgétaires pour favoriser l’innovation, communiquer régulièrement au comité de direction…

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Budget de la DSI : principales préconisations selon l’existant
Degré de maturité Principal indice révélateur de la situation Principale préconisation
Situation maîtrisée Pas ou peu d’interférences de la DAF dans le processus budgétaire Amélioration continue des processus budgétaires et des outils de pilotage
Situation difficile Dérive des coûts non maîtrisée Création d’une fonction de contrôle de gestion
Situation à risques Accident industriel sur un projet stratégique Renforcement de la gouvernance et des outils de pilotage
Zone de danger Incapacité à justifier les coûts Implémentation des méthodes ABC et/ou BBZ
Situation critique Révolte des métiers Utilisation des techniques de gestion de crise pour reprendre le contrôle (communication, plan d’actions, restructuration…)
Source : Digitalonomics.