Big Data : le meilleur des mondes ?

Tout le monde le sait, désormais : les données sont partout ! On ne compte plus les études de marché, les analyses d’experts ou les retours d’expérience.

Dans son dernier ouvrage, Gille Babinet, qui représente la France auprès de la Commission européenne pour les enjeux du numérique, explique que le Big Data constitue « une rupture de paradigme », sous l’effet de deux tendances majeures : d’une part, la multiplication des sources de données, « bien plus qu’on ne l’avait imaginé » et, d’autre part, des capacités nouvelles d’analyse qui « pourraient nous en apprendre plus sur nous-mêmes et notre environnement que nous ne l’aurions cru possible. »

Résultat, selon Gilles Babinet : « Si la puissance des ordinateurs devait continuer à croître à cette vitesse durant quelques dizaines d’années, la capacité de projection issue de ces calculs se situerait tout simplement au-delà de nos capacités d’imagination. »

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Big Data, penser l’homme et le monde autrement, par Gilles Babinet, Le Passeur éditeur, 2015, 248 pages.

Au-delà des trois V (volume, vitesse, variété) et des deux autres qui y sont souvent associés (valeur, véracité) pour caractériser le Big Data, Gilles Babinet insiste sur trois autres composantes, sous forme de verbes : révéler, prédire, réagir.

D’abord, le Big Data permet de révéler des informations d’un type nouveau, par exemple pour identifier de nouvelles opportunités, détecter des signaux faibles, visualiser des corrélations et des tendances, même si, selon l’auteur, l’une des difficultés réside dans la relative inadéquation des systèmes d’information actuels : « Les fonctions informatiques de l’ensemble des grandes entreprises, les technologies actuellement déployées, ne sont absolument pas conçues pour administrer de façon efficace de telles quantités de données. »

Ensuite, prédire correspond à l’analyse brute de grandes quantités de données pour en dégager des évolutions pertinentes et anticiper. Enfin, réagir signifie que l’on devient capable de « décupler le potentiel de l’intelligence artificielle, dont les modèles étaient auparavant limités par la nécessité de traitements en temps réel, forcément réduits en quantité par le temps de calcul. »

L’auteur passe en revue les différents secteurs dans lesquels la révolution du Big Data est déjà à l’œuvre. Et ils sont nombreux, qu’il s’agisse de la santé, de l’agriculture, de l’environnement, des villes ou du marketing. Le Big Data pourrait ainsi apporter des réponses concrètes à plusieurs difficultés que l’on observe aujourd’hui, et que rappelle l’auteur : dans le secteur de la santé, 10 à 17 % des diagnostics médicaux seraient erronés, les données des patients gagneraient à être mieux gérées, de même que celles issues des études épidémiologiques. Selon McKinsey, le Big Data permettrait d’économiser de 300 à 450 milliards de dollars dans ce secteur. Dans l’agriculture, l’exploitation des données permet de développer « l’agriculture de précision », avec des rendements accrus de 10 à 20 %. Dans les villes, le Big Data s’applique à la régulation du trafic, à la sécurité, à la gestion des déchets, de l’eau, de l’énergie, de l’urbanisme… Le marketing, pour sa part, est probablement le secteur le plus bouleversé. « C’est la fonction la plus instable dans les organisations », rappelle l’auteur. Dans la mesure où le Big Data permet de traiter chaque client de façon unique, « il signera, d’ici une ou deux décennies, la mort du marketing traditionnel, des panels, des encarts publicitaires », affirme Gilles Babinet.

Bien sûr, une telle évolution comporte des risques, notamment si quelques acteurs sont capables de contrôler des écosystèmes entiers, de manipuler des APIs, d’investir en lobbying et de dénaturer les données personnelles.

L’auteur propose quelques idées fortes, telles que : le droit à l’expérimentation est essentiel, la certification des pratiques des acteurs privés peut être une source d’inspiration pour le droit, l’Open Source et les APIs pourraient être une façon de réguler et de contrôler la puissance des plateformes, les tiers de traitements des données personnelles pourraient être obligatoires dans certains cas.

Mais, pour Gilles Babinet, quatre questions restent fonda-mentales : la propriété sera-t-elle toujours une valeur phare de la société de demain, avec le succès de services tels que Uber ? L’espace géographique sera-t-il toujours le fondement sur lequel s’appliquera le droit, par exemple pour la fiscalité, le droit d’auteur, les règles commerciales, les données privées ?

Les lieux de savoirs vont-ils disparaître puisque n’importe qui peut accéder, depuis n’importe où, à des savoirs auparavant réservés à des universitaires ? Les systèmes politiques fondés sur la représentation auront-ils toujours un sens, à l’heure où les processus de débat public sont transformés ?

Développer une culture Big Data

1. omprendre et faire comprendre le potentiel des données dans l’organisation

2. dentifier les domaines d’application prioritaires

3. ouer avec les données

4. dministrer et faciliter l’usage de données partagées

5. onstruire une offre compréhensible pour les utilisateurs et l’écosystème