Big Data, RH et compétences : en recherche d’agilité

Comment rendre la gestion des ressources humaines plus agile ? La Société générale a lancé une expérimentation pour adapter ses métiers et ses compétences. Dans n’importe quelle organisation, le numérique se heurte, un jour ou l’autre, à l’inertie des compétences.

Surtout dans la banque, marquée par des effectifs importants, des processus lourds, réglementés et des pyramides des âges plutôt défavorables (15 à 20 % des salariés ont plus de 55 ans). « Nos métiers, très divers, sont très structurés, avec leur propre logique, mais la plupart doivent évoluer rapidement, avec les impacts du numérique sur les données et la relation client, ce qui n’est guère possible avec une approche traditionnelle », résume Pierre-Yves Demoures, DRH adjoint du groupe Société générale, qui est intervenu en juin 2017 lors d’une conférence organisée par le cabinet BearingPoint.

« Les DRH doivent être dans l’anticipation permanente, ce qui suppose de mettre en place davantage de parcours d’expérience que de parcours de carrière, d’autant que 60 % des métiers de 2030 n’existent pas encore », confirme Olivier Parent du Châtelet, associé chez BearingPoint. Tout comme les DSI doivent composer avec le BYOD, les DRH sont confrontés, de la part des métiers, au MYOR (Manage Your Own Resources). « Nous avons constaté des initiatives « sauvages » de la part de managers, mais nous sommes vite confrontés à l’interfaçage avec le SIRH, nous ne pouvons donc pas les laisser faire n’importe quoi avec les données sur les compétences des collaborateurs », déplore Pierre-Yves Demoures.

Révéler les compétences cachées

La Société générale a expérimenté une nouvelle approche de construction d’un référentiel de compétences, dont l’objectif est, selon le DRH adjoint, de « tester notre capacité d’élaboration dynamique d’un référentiel structuré des compétences et de tester également l’alignement entre les compétences déclarées par les collaborateurs et les postes à pourvoir. »

La direction des ressources humaines de la banque a retenu plusieurs principes : l’autodéclaration, notamment pour que les individus gardent la maîtrise des informations et pour intégrer les 10 % de collaborateurs qui ne sont pas présents sur LinkedIn, l’ouverture aux réseaux sociaux et l’autorégulation. L’enjeu est aussi de révéler les compétences cachées, que l’entreprise ne connaît pas, mais qui pourraient lui être utiles.

Un POC a été lancé en juin 2017 sur 1 200 salariés, selon une approche en mode test and learn, avec une solution en mode SaaS (365Talents). « Il s’agit de construire un référentiel de compétences pour se projeter vers les métiers de demain à partir de la cartographie des compétences actuelles », explique Pierre-Yves Demoures. La Société générale attend trois types de bénéfices.

D’abord, pour le collaborateur, « une valorisation des appétences, de ses compétences et de ses expériences, avec des suggestions de perspectives métiers », précise le DRH adjoint. Ensuite, pour le manager, l’accès à une cartographie globale des compétences de son équipe. Enfin, pour les équipes RH, la construction d’un référentiel qui s’autonourrit.

Selon Pierre-Yves Demoures, le succès d’une telle approche repose sur trois ingrédients : bien définir la finalité RH, multiplier les actions de communication pour l’expliquer et garantir que le service proposé tienne ses promesses. Pour l’instant, sur les 1 200 salariés concernés, 400 se sont montrés intéressés pour mettre en avant leurs compétences (1 500 ont été déclarées).

« Vendre une telle idée n’est pas facile, d’une part, parce que les collaborateurs éprouvent toujours des inquiétudes vis-à-vis de l’usage de leurs données personnelles et, d’autre part, parce que le SIRH reste perçu comme un outil lourd alors que l’on voudrait promouvoir l’agilité ! »

La Société générale a commencé son expérimentation avec les équipes RH, les plus sensibilisées à l’intérêt d’une telle démarche. Le projet sera ensuite étendu aux opérations de la banque d’investissement, entité très concernée par la globalisation, la transformation numérique et l’offshore. Une équipe travaille d’ores et déjà, dans le cadre de la refonte du SIRH, pour intégrer le référentiel de compétences, avant une généralisation. « Nous avons un réservoir de 30 à 40 000 demandeurs », assure Pierre-Yves Demoures.

Gestion des compétences : les deux approches
Approches traditionnelles Approches évolutives
Structure et modalités de gestion Des référentiels de compétences prédéfinis et peu évolutifs Des référentiels de compétences flexibles et enrichis par plusieurs sources
Méthodes d’évaluation Identification et évaluation annuelles par la hiérarchie Compétences autodéclarées par les collaborateurs et feedbacks réguliers
Temporalité Vision statique pour répondre à un besoin long terme Vision dynamique pour répondre à un besoin court terme
Source : BearingPoint.

Les six tendances qui reconfigurent les compétences

Selon le Boston Consulting Group (*), la demande de talents et de compétences sera influencée par six tendances lourdes : trois concernent les évolutions technologiques, trois autres sont liées à la manière de créer de la valeur (voir tableau). Transformation numérique ou pas, le fonctionnement des organisations (et des banques en particulier) va se trouver radicalement modifié, sous l’effet conjugué de transformations sociétales et technologiques. La cartographie actuelle des compétences va, de fait, devenir inadaptée. La performance et la productivité dépendront de plus en plus de la capacité à travailler en équipes, à prendre en compte l’expérience client, à être créatif et agile par rapport aux types de diplômes et au statut hiérarchique. Autant de compétences cachées ou implicites que les entreprises auraient intérêt à révéler, de manière transparente et éthique, dans un contexte marqué par la généralisation de l’usage de plateformes et de réduction du nombre d’emplois non ou semi-qualifiés, avec l’automatisation et l’intelligence artificielle.


(*) « Twelve forces that will radically change how organizations work », Boston Consulting Group. www.bcg.com

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