À l’occasion de l’édition 2012 du MicroStrategy World, qui s’est tenue à Amsterdam début juillet, Carsten Bange, directeur général du cabinet d’études BARC, a dégagé les grandes tendances de la business intelligence.
Quelle sont les tendances majeures que vous observez sur le marché de la BI ?
Carsten Bange La tendance majeure concerne aujourd’hui la consumérisation des technologies de l’information, qui revêt plusieurs aspects : changement dans les usages, amélioration des performances, évolution de l’ergonomie, développement du collaboratif… C’est une tendance qui affecte évidemment tous les domaines IT. Pour la BI, plus spécifiquement, outre une certaine consumérisation et une amélioration des performances, la tendance de fond concerne la mobilité, et la plupart des éditeurs se sont engagés dans cette voie. D’ailleurs, la nouvelle génération d’interfaces sera basée sur la mobilité.
Sur un plan plus conjoncturel, la crise actuelle a modifié les exigences à l’égard de la business intelligence, en particulier sur les indicateurs de court terme, des analyses davantage axées sur les processus, des besoins de simulation et des exigences de rapidité pour implémenter les solutions. Les utilisateurs veulent des données de plus en plus fraîches : les cycles de mises à jour se sont à la fois raccourcis, allant vers le temps réel, et sont devenus plus hétérogènes.
Comment vont évoluer les offres actuelles ?
Carsten Bange Dans la mesure où les cycles de vie des solutions de BI sont de l’ordre de trois à cinq ans, on ne devrait pas assister à une révolution dans les solutions proposées par le marché. En revanche, il est clair que l’on verra cet aspect mobilité prendre de plus en plus d’importance, avec une évolution des interfaces utilisateurs vers plus de simplicité et d’ergonomie, et un usage accru des solutions en mode SaaS, qui reste pour l’instant relativement limité, mais dont les entreprises percevront vite l’intérêt. De même, les fonctions de recherche prennent de plus en plus d’importance pour les utilisateurs. Pour ces derniers, la notion de BI en libre-service prend de l’importance.
L’importance de l’ergonomie et de la simplicité d’usage explique-t-elle le succès des éditeurs challengers ?
Carsten Bange Oui et l’on perçoit nettement une montée en puissance des éditeurs tels que QlikTech ou Tableau Software. Les grands éditeurs les ont au départ relativement ignorés, mais l’impact sur leurs parts de marché les a contraints à réagir, par exemple SAP avec Explorer, Microsoft avec PowerView ou encore MicroStrategy avec Visual Insight…
Quelles sont les principales difficultés que rencontrent les entreprises ?
Carsten Bange Depuis dix ans que nous menons des enquêtes auprès des entreprises utilisatrices de solutions de BI, nous retrouvons toujours les trois mêmes difficultés : la performance, la qualité des données et la problématique de gestion du changement. De plus en plus, les utilisateurs de solutions de BI veulent contrôler leur application, réaliser par eux-mêmes leur reporting, leurs modèles de données et personnaliser la restitution des informations. Ils veulent, en outre, charger leurs propres données, ce qui n’est pas sans poser des difficultés pour les DSI, car il faut faire évoluer les méthodes de collecte des données.
On notera (voir tableaux) que la vision des directions des systèmes d’information et celle des utilisateurs métiers ne sont pas tout à fait alignées : les DSI mettent en avant la qualité des données comme première difficulté pour la gestion d’un entrepôt de données, alors que les utilisateurs sont plus sensibles aux difficultés de réactions de la DSI face aux demandes d’évolution. Globalement, l’utilisation des solutions de business intelligence reste limitée : dans seulement 24 % des entreprises que nous avons interrogées plus d’un collaborateur sur cinq utilise une solution de décisionnel.
Dans le domaine du décisionnel, les directions métiers sont-elles en train de prendre le pouvoir sur les DSI ?
Carsten Bange Nous observons effectivement une évolution, au détriment des DSI et au profit des directions métiers et pour de usages plus opérationnels. Il y a seulement quelques années, le poids et l’influence des DSI étaient encore déterminants. Les DSI n’ont aucun intérêt à lutter contre cette tendance de fond. Il est au contraire préférable d’accompagner les directions métiers et de bien se positionner : la meilleure approche consiste à créer une organisation conjointe entre la DSI et les métiers, peu importe sa dénomination (centre de compétences, centre de services…).
Quelle que soit la configuration, il restera aux DSI deux responsabilités importantes : d’une part, la responsabilité du « provisionning » des données, que les directions métiers ne savent pas faire. D’autre part, la gouvernance, qui doit être conjointe entre les DSI et les métiers, il faut en effet privilégier une approche holistique.
Va-t-on assister à une concentration sur le marché ?
Carsten Bange Je ne le pense pas, les grands « deals » ont déjà eu lieu. Surtout, on observe que les nouveaux entrants sont plus nombreux que ceux qui disparaissent du marché, notamment par fusions-acquisitions. On voit arriver sur le marché de plus en plus d’éditeurs spécialistes et en 2011 le taux de croissance des grands acteurs de la BI a été inférieur à l’évolution du marché. Ce n’était jamais arrivé auparavant…
Et le poids des cinq plus grands éditeurs est stable depuis 2009, autour de 62 % du marché, alors qu’entre 2006 et 2009, cette part de marché globale des cinq premiers a augmenté de vingt points.
Entrepôt de données : pourquoi ça coince… Le point de vue des DSI | |
Problèmes de qualité des données | 55 % |
Problèmes de performance dans les temps de réponse | 54 % |
Intégration insuffisante entre les directions métiers | 39 % |
Complexité des développements | 26 % |
Difficulté de maintenance | 23 % |
Problèmes de performance pour l’alimentation en données | 22 % |
Coût élevé des logiciels | 14 % |
Coûts élevés de l’implémentation et du support | 14 % |
Autres | 9 % |
Source : BARC, 2011 |
Entrepôt de données : pourquoi ça coince… Le point de vue des métiers | |
Réaction trop lente de la DSI pour les demandes de changement | 63 % |
Qualité des données | 51 % |
Problèmes de performance dans les temps de réponse | 42 % |
Données non disponibles pour certains utilisateurs | 34 % |
Disponibilité des données | 22 % |
Coûts élevés | 14 % |
Autres | 9 % |
Source : BARC, 2011. |
Les dix premiers critères de choix d’une solution de business intelligence | |
Critères de choix | % d’entreprises qui classent le critère en 1re position |
1. Richesse des fonctionnalités | 17 % |
2. Facilité d’usage pour l’utilisateur | 15 % |
3. Intégration avec d’autres solutions | 9 % |
4. Performances | 9 % |
5. Facilité d’usage pour les développeurs | 7 % |
6. Meilleur « proof of concept » | 6 % |
7. Prix bas | 6 % |
8. Nombre élevé d’utilisateurs potentiels | 5 % |
9. Bundle avec d’autres produits | 4 % |
10. Capacité des volumes de données | 4 % |
Source : BARC, 2011, enquête sur 187 entreprises. |