Catalogues électroniques de fournisseurs : fédérer les achats des organisations décentralisées

Dans les grands groupes avec une organisation décentralisée, gérer les achats relève du casse-tête. A moins de recourir à un catalogue électronique de fournisseurs. Les exemples de Bouygues Construction et de Vinci Energies.

La gestion de la relation avec les fournisseurs ne peut plus s’effectuer de façon artisanale, autrement dit sur un tableur ou dans une base de données peu maniable. Dans le CPO Survey 2017 (*), publié par le cabinet Deloitte, la modernisation des outils utilisés par les directions achats arrivait en seconde position des priorités d’investissements dans les deux ans, derrière l’analytique. L’un des outils incontournables est le catalogue électronique des fournisseurs, logiciel qui combine l’ensemble des fonctionnalités dont ont besoin les directions achats (workflows de validation, vision des conditions contractuelles, historiques, espaces collaboratifs, description des produits, mises à jour en temps réel, usages en mobilité pour les commandes…).

Un catalogue électronique de fournisseurs est particulièrement adapté aux grandes organisations très décentralisées qui gèrent des centaines de millions ou des milliards d’euros d’achats chaque année. Chez Bouygues Construction, la filière achats concerne plus de trois milliards d’euros par an, avec 2 400 fournisseurs, plus de 500 contrats cadres, et elle occupe 350 collaborateurs dans 35 pays. Le groupe de BTP a identifié plusieurs enjeux pour simplifier l’accès et l’utilisation des catalogues électroniques : améliorer la quantité et la qualité des informations, disposer d’un outil ergonomique déployé sur les terminaux mobiles.

« Il faut s’inspirer des fonctionnalités standards des applications grand public afin de favoriser un usage plus intuitif, avec, par exemple, l’affichage rapide des informations essentielles, des photos, des indications sur « les articles les plus commandés », le modèle étant Amazon », note Paul Martin, responsable du SI Engagement de Bouygues Construction, qui a témoigné lors du dernier salon Solutions. D’autant, poursuit ce dernier, que « les problématiques de qualité et d’ergonomie se trouvent exacerbées sur un outil mobile. »

Plus de 7 000 collaborateurs sont ainsi susceptibles d’utiliser les outils d’e-procurement et passent plus de 600 000 commandes par an. « Il faut pouvoir commander le bon produit au bon moment avec le moins de clics possibles, en affichant le moins d’articles possible, mais uniquement ceux dont on a besoin », résume Paul Martin.

L’entreprise a déployé la solution d’Oxalys Technologies, en plusieurs étapes : déploiement des modules e-procurement et achat en 2007-2008, de la validation en usage mobile en 2013. Un plan d’action lancé en 2016, baptisé Pablo, avait pour ambition de simplifier l’accès et l’utilisation des catalogues électroniques, notamment avec l’enrichissement du catalogue fournisseurs, ainsi que la possibilité de passer des commandes depuis des smartphones et des tablettes. « Il faut régulièrement convaincre les utilisateurs qu’avec un catalogue électronique ils vont gagner du temps », assure Paul Martin.

Fédérer les décisions d’achats dans un outil unique

Chez Vinci Energies également, l’organisation achats est très décentralisée. Le groupe industriel gère, avec une équipe de 120 personnes, 2,5 milliards d’euros d’achats par an, ce qui représente environ l’équivalent de la moitié du chiffre d’affaires. Au total, 7 000 utilisateurs sont concernés pour deux millions d’articles, avec entre 1 500 et 3 000 commandes par jour.

« Le groupe représente un millier d’entreprises autonomes avec, dans chacune, au moins une dizaine de responsables d’affaires qui sont autant d’acheteurs potentiels à qui il faut faciliter la vie », détaille Didier Thoumsin, directeur des achats de Vinci Energies. La direction des achats a quatre missions principales : mettre à disposition des biens et services aux meilleures conditions du marché, garantir la qualité de ce qui est acheté, optimiser les processus achats et maîtriser les risques fournisseurs.

La mise en place des catalogues fournisseurs a été réalisée en plusieurs étapes. D’abord, en 2012, par une convergence des six ERP vers les processus achats, notamment avec la segmentation et la codification des articles. L’année suivante a été mis en place un outil d’analyse des dépenses et la définition des stratégies achats. En 2014 a été conçue la solution d’e-procurement (celle d’Ivalua) et les catalogues fournisseurs. Enfin, à partir de 2015, la solution d’e-procurement a été déployée, et un poste de Data Manager a été créé.

« Un tel poste est indispensable, sinon on va dans le mur. C’est évidemment un poste à temps plein et son rôle est de gérer les Smart Data, par opposition aux Big Data, afin d’identifier les priorités et de faire le lien entre nos quatre clubs achats et les catalogues fournisseurs, ainsi que de garantir la fiabilité du processus de mises à jour des catalogues, des prix et des conditions tarifaires négociées », précise Didier Thoumsin. Cet objectif est rempli avec une démarche Lean : « Nous avons réuni nos grands fournisseurs, tels que Schneider Electric, Legrand ou Rexel, les acheteurs et le Data Manager pour imaginer comment rendre le plus fluide possible le processus de mise à jour des tarifs. Depuis 2015, la mise à jour nécessite 24 heures, contre six mois auparavant, avec, à la clé, une diminution des litiges de 90 % », note Didier Thoumsin.

Convaincre les utilisateurs… et les fournisseurs

L’un des points clés de la mise en place de catalogues fournisseurs reste l’appropriation par les deux populations concernées : les acheteurs et les fournisseurs. « Pour les utilisateurs, qui souvent manquent de culture achats commune, il faut privilégier une stratégie de communication interne et la formation et intégrer des fonctionnalités qui favorisent l’appropriation, par exemple des comparateurs de prix ou la visualisation des dernières commandes », suggère Didier Thoumsin. Pour Paul Martin, de Bouygues Construction, « c’est hélas un challenge quotidien pour nos acheteurs. »

Chez Vinci Energies, le Data Manager a créé un groupe de formateurs pour former les DG des entités du groupe, dans lesquelles les responsables d’affaires ont été ensuite formés. Le taux d’adoption du catalogue électronique est de 65 %, calculé à partir du taux d’application des contrats cadres existants. Côté fournisseurs, s’ils sont généralement conscients de l’impact des catalogues, ils n’en sont pas moins inquiets, en particulier parce que tous les utilisateurs voient tous les prix et que cela laisse moins de marge de manœuvre pour des « petits arrangements » au niveau local : « Les premières étapes sont complexes, puis les bénéfices deviennent évidents, grâce à une démarche de formation et de communication pour leur expliquer l’intérêt et notre stratégie », résume le directeur des achats. Aujourd’hui, 80 % des fournisseurs de Vinci Energies utilisent le catalogue électronique.

Côté ROI, il s’exprime à trois niveaux. D’abord, dans les économies réalisées. « Pour les catalogues déployés sur les achats directs, qui pèsent un milliard d’euros, 600 millions ont été réalisés à travers les catalogues et les contrats cadres négociés, ce qui représente environ 4 % d’économies chaque année, soit 24 millions d’euros », calcule Didier Thoumsin.

Ensuite, un catalogue fournisseur améliore la conformité contractuelle, la qualité et réduit les risques fournisseurs. « Les achats des opérationnels sont automatiquement orientés vers nos accords-cadres et nos tarifs négociés », explique Didier Thoumsin. Enfin, la performance des équipes achats et opérationnelles se trouve renforcée : « L’intégralité du cycle achats est géré de façon plus efficace », assure le directeur des chats de Vinci Energies.


(*) Growth : the cost and digital imperative, Deloitte Global Chief Procurement Officer Survey 2017.


Les facteurs clés de succès d’un catalogue électronique de fournisseurs

  • Prévoir un large panel de produits et de fournisseurs pour répondre à la majorité des besoins.
  • Veiller à la qualité des contenus (photos, fiches techniques…).
  • Normaliser les images et les fiches produits.
  • Personnaliser par zones de chalandise, articles et fournisseurs favoris.
  • Proposer un moteur de recherche performant.
  • Enrichir régulièrement le catalogue fournisseurs.
  • Communiquer vers les utilisateurs ET les fournisseurs.
  • Prévoir des sessions de formation dédiées pour démontrer les avantages d’un catalogue électronique de fournisseurs.
  • Simplifier au maximum les processus et les workflows de validation.
  • Travailler l’ergonomie des interfaces et le « parcours client » pour se rapprocher d’applications grand public.
  • Créer un poste de Data Manager pour veiller à la cohérence, la qualité et l’alimentation du catalogue électronique.

Source : Bouygues Construction, Vinci Energies, Best Practices.