Comment bien négocier avec les grands fournisseurs

Face à de grands éditeurs qui ont tendance à imposer leurs conditions commerciales de plus en plus restrictives, quels sont les leviers les plus efficaces pour rétablir l’équilibre ?

La négociation avec les grands éditeurs est toujours délicate : entre ceux-ci et leurs clients, il subsiste toujours un écart : « La négociation, pour les clients, n’est qu’une activité à temps partiel et éparpillée entre différents fournisseurs, alors que les éditeurs disposent d’équipes dédiées, y compris sur le plan juridique », rappelle Jo Ann Rosenberger, analyste chez Gartner, pour qui « il n’existe pas une seule stratégie de négociation qui s’applique à tous les grands éditeurs. »

Gartner suggère plusieurs tactiques applicables, afin que la balance ne soit pas déséquilibrée entre un grand éditeur et ses clients :

  • Collaborer et échanger des informations avec toutes les entités concernées, qu’il s’agisse de la direction financière, juridique, des achats, des gestionnaires de contrats, voire de cabinets de conseil spécialisés dans les relations clients-fournisseurs. Le partage de l’information permet d’éviter que ne se déploie une tactique utilisée systématiquement dans les situations de négociation : diviser pour mieux régner. Cette approche consiste notamment à engager la discussion avec plusieurs interlocuteurs, de manière à brouiller le discours et à mettre à jour d’éventuelles divergences qui peuvent être mises à profit par les fournisseurs.
  • Identifier systématiquement les alternatives, les concurrents et calculer les coûts de migration vers un autre éditeur. Par exemple, dans le domaine des mainframes, d’IBM vers CA Technologies, BMC, Compuware ou Software AG ; pour la bureautique, de Microsoft vers Google ou l’Open Source ; pour les bases de données, d’Oracle vers Teradata, SAP Hana, Microsoft ou Enterprise DB ; pour les ERP, de SAP vers Oracle, Microsoft Dynamics, IFS, Infor, ou Salesforce (pour le CRM) et Workday (pour les RH).
  • Identifier les solutions que les commerciaux des éditeurs sont contraints de mettre en avant. « Cela permet de savoir sur quels produits les commerciaux perçoivent le plus de commissions », souligne Jo Ann Rosenberger. Ainsi, les commerciaux d’IBM mettront plus facilement en avant le cloud, Business Analytics, PureSystems ou IBM Watson. Microsoft poussera Office 365, Azure, SharePoint ou Dynamics. De leur côté, les commerciaux d’Oracle préconiseront en priorité des solutions telles que Oracle Cloud ou Exadata, ceux de SAP mettront davantage l’emphase sur Hana, le cloud et les plateformes mobiles. Le fait de savoir ce qui doit être vendu constitue un levier de négociation financière, surtout si l’objectif est de « vendre à tout prix » telle ou telle solution plutôt qu’une autre.
  • Élaborer une check-list de questions à poser systématiquement. On pourra, par exemple, exiger d’obtenir des réponses à des questions concernant les mécanismes de delivery des solutions (On Premise, cloud, hébergement…), les modèles de licences, les métriques associées, les principes et les niveaux de maintenance ou les modèles de contrats, avec leurs différentes options (facturation forfaitaire, à la demande…). « Chaque éditeur utilise ses propres métriques, qu’il faut connaître, et les définitions précises doivent figurer dans les contrats, de manière à limiter les risques lors des audits », conseille Jo Ann Rosenberger. De même, il est utile de s’intéresser aux procédures d’audit, aux impacts des changements d’infrastructures matérielles, aux conditions de « bundling », aux pénalités liées aux engagements de service ou aux conditions de sortie et de réversibilité, notamment pour les offres cloud.
  • Effectuer une veille régulière sur les changements de stratégie dans le domaine des licences, des prix et des conditions générales. Souvent, les éditeurs modifient leurs conditions commerciales sans nécessairement en informer tous leurs clients. Une analyse des changements s’impose, notamment lorsque, dans les contrats, les conditions générales sont précisées par un renvoi sur un site Web…
  • Jouer sur le temps pour mieux négocier. Deux leviers peuvent être utilisés : d’une part, les échéances liées aux fins de trimestres, périodes durant lesquelles les commerciaux sont plus enclins à « lâcher du lest » sur les conditions financières. « Il est utile de constituer une base de données regroupant les dates de fin d’exercice fiscal des fournisseurs et de leurs concurrents », recommande Jo Ann Rosenberger. Ces informations sont facilement accessibles sur les sites Web des éditeurs. Les fins d’années fiscales sont différentes selon les éditeurs : janvier pour Salesforce, mai pour Orale, juin pour Microsoft, novembre pour Adobe, décembre pour SAP, VMWare et IBM… D’autre part, le temps de négociation est, lui aussi, une variable importante. Et il ne faut jamais aller trop vite : « Avant la mise en œuvre et le paiement, tous les contrats et documents liés doivent être validés et signés », rappelle Jo Ann Rosenberger, qui suggère également de « toujours susciter la concurrence pendant le processus de négociation, avec deux éditeurs qui, chacun, auront jusqu’au bout l’espoir de gagner. » En effet, si l’on n’en conserve qu’un, il fera moins de concessions, aura tendance à négliger certains aspects importants du contrat pour entretenir le flou, qui sera exploité plus tard.

Une matrice de positionnement des fournisseurs

Pour une compréhension optimale des différentes approches relatives à la gestion de ces fournisseurs, un diagramme matriciel peut s’avérer très utile, avec le risque de résultat/d’impact (faible à élevé) sur un axe, et la valeur relative (faible à élevée) sur l’autre. Une étude de Jaggaer estime que « les fournisseurs qui nécessitent une attention et une gestion plus minutieuses sont ceux qui sont à la fois à valeur élevée et stratégiques. »

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Un exemple de matrice d’évaluation des fournisseurs

Selon Jaggaer, une gestion holistique des fournisseurs
répond aux principes suivants, outre les aspects opérationnels et transactionnels :

  • Identifier de nouveaux fournisseurs.
  • Intégrer les fournisseurs dans un écosystème auquel ils participeront pleinement.
  • Évaluer le risque des fournisseurs et prendre des décisions en fonction de ce risque.
  • Fournir les données sur lesquelles baser des stratégies de sourcing et de gestion des catégories.
  • Répondre aux besoins de plusieurs services et parties prenantes qui dépendent des achats.
  • Assurer la conformité avec les cadres réglementaires internes et externes.
  • Faciliter la prise de décisions judicieuses en matière de gestion des fournisseurs : découvrir de nouveaux fournisseurs, pour remplacer rapidement, le cas échéant, ceux qui ne sont pas performants.

Source : Gestion holistique des fournisseurs, orchestrer la fonction de réalisation des achats pour en tirer le meilleur parti, Jaggaer.


Lock-in des fournisseurs : le cloud, le Saas et les services managés en première ligne

Selon le 2020 CIO priorities report survey publié par Flexera, les DSI craignent le plus les pratiques de lock-in des fournisseurs de cloud ou de logiciels en mode SaaS, c’es-à-dire l’enfermement dans un modèle dont il est difficile de sortir. On le trouve également dans le domaine des services managés, des réseaux et des outils de développement.

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Source : 2020 CIO priorities report, Flexera.