Comment réduire la consommation d’eau des systèmes de refroidissement des datacenters 

Avec l’énergie, la réduction de la consommation d’eau représente un autre défi que doivent relever les exploitants de datacenters. Les deux sujets sont intimement liés, et il parait essentiel d’étudier les conséquences sur l’un avant d’agir sur l’autre. Chaque datacenter est unique et son rapport usages, coûts d’exploitation et empreinte environnementale doit faire l’objet d’une étude spécifique.

De l’usage de l’eau dans les datacenters 

Dans les datacenters, la consommation d’eau est quasi exclusivement dédiée au besoin de refroidissement des salles informatiques. La plupart des datacenters utilisent une boucle d’eau glacée pour absorber la chaleur générée par les équipements informatiques. L’eau est refroidie par des groupes froid alimentés électriquement ou, parfois, par de l’air frais extérieur grâce à un système de free chilling. L’eau froide, qui sert à souffler de l’air refroidi sur les équipements IT, se réchauffe en sortie des salles informatiques, retourne vers les groupes froids et ainsi de suite. Le circuit d’eau glacée fonctionne en boucle fermée. Il n’y a donc une  consommation d’eau initiale que lors de la mise en service du datacenter.

Des systèmes comme le free cooling permettent de refroidir les datacenters sans utiliser d’eau. Ils captent directement l’air frais extérieur pour le souffler dans les salles informatiques.

La consommation d’eau n’augmente dans les datacenters que lorsque les températures extérieures montent au-dessus d’un certain seuil et que le besoin de refroidissement devient plus important : dans ces conditions, en complément des installations de refroidissement existantes (groupes froids, free chilling ou free cooling), un système de pulvérisation de gouttelettes d’eau (appelé refroidissement adiabatique) permet de refroidir l’air de quelques degrés supplémentaires.

Avec cette méthode qui permet d’éviter un surdimensionnement des installations et une consommation électrique supérieure, une partie de l’eau s’évapore. Et les chiffres peuvent être considérables : dans son rapport environnemental 2022, Microsoft annonce par exemple avoir consommé 6,4 millions de m³ d’eau pour l’ensemble de ses datacenters dans le monde, soit l’équivalent de 2 500 piscines olympiques d’une profondeur de 2 mètres. Google a de son côté révélé que l’ensemble de ses datacenters auraient consommé 15 milliards de litres d’eau en 2021. L’intensification des usages numériques et la densification des serveurs au sein des salles informatiques (avec le développement de l’IA par exemple) entrainent des besoins de refroidissement toujours plus importants.

Il y a encore quelques années, l’eau n’était pas une ressource considérée comme précieuse, notamment dans les régions tempérées du monde. Les exploitants de datacenter privilégiaient donc l’augmentation des consommations d’eau plutôt que des consommations électriques, pour refroidir les salles informatiques. Or le dérèglement climatique en cours a fait de l’eau une ressource plus rare, et ses usages concurrentiels de plus en plus nombreux, notamment dans les zones à forte densité : eau de consommation humaine, eau pour l’hygiène, eaux pour l’agriculture, eaux industrielles, etc.

Refroidissement adiabatique des datacenters : quelles alternatives ?

Afin de réduire les consommations d’eau liées au refroidissement adiabatique, nombreuses sont aujourd’hui les alternatives, ou les solutions de contournement.

Afin de réduire le besoin de refroidissement, les exploitants de datacenter travaillent notamment sur :

  • L’augmentation des températures de fonctionnement des salles IT, avec des matériels capables de supporter des températures de fonctionnement plus élevées qu’auparavant ;
  • L’amélioration de la gestion des flux d’air froid et chaud dans les salles informatiques ;
  • L’urbanisation des salles afin de rationaliser les espaces et limiter les volumes à refroidir.

Mais ces solutions ne résolvent pas tout : le refroidissement reste nécessaire. Le secteur du datacenter est donc en recherche d’innovations permanentes pour générer le moins d’impact environnemental possible et limiter la consommation d’eau :

  • Augmentation de la production de froid par les groupes frigorifiques :cette solution augmente considérablement les consommations électriques des groupes froids mais permet d’assurer la capacité de refroidissement requise sans consommer d’eau.
  • River cooling :selon l’emplacement géographique du datacenter, il est possible d’utiliser les eaux de surface pour son refroidissement. L’eau prélevée est rejetée sans être stockée. Il n’y a donc pas de phénomène d’appauvrissement des nappes ou des rivières. Il est toutefois nécessaire que l’eau rejetée, plus chaude, ne perturbe pas les écosystèmes naturels et une autorisation est nécessaire.
  • Direct Liquid Cooling : une boucle d’eau passe directement au cœur des serveurs pour les refroidir. Ce système est très efficace car au plus près des équipements producteurs de chaleur, la consommation d’eau est nulle car il s’agit d’une boucle fermée mais ce système nécessite des équipements IT spécifiques.
  • Immersion cooling : les équipements IT sont immergés dans des bacs d’eau ou d’huile qui permettent d’évacuer efficacement la chaleur produite. Cette méthode de refroidissement ne consomme pas d’eau (circuit fermé) mais nécessite des adaptations matérielles et organisationnelles, et de nouvelles compétences.

En outre, les datacenters, au même titre que d’autres types de bâtiments peuvent aussi, avec des traitements et filtrations adéquates, mettre en œuvre la réutilisation de certaines eaux, voire la récupération de l’eau de pluie. Avec le risque, dans ce dernier cas, d’essuyer des critiques liées à la captation d’eau qui ne ruisselle plus vers les nappes phréatiques.

Datacenters : un équilibre géographique, économique et environnemental à trouver

On ne peut plus se passer des services numériques. Au contraire, les usages ont tendance à s’intensifier et les équipements IT à se densifier. Notamment avec le développement de l’intelligence artificielle qui nécessitent des puissances de calcul considérables. Cela implique toujours plus de serveurs, de datacenters et donc des besoins accrus de refroidissement.

S’il existe des alternatives au refroidissement adiabatique, qu’il est d’ailleurs possible de combiner, toutes ces alternatives ne sont pas forcément possibles ou pertinentes en fonction de l’implantation du datacenter (emplacement géographique, bâtiment dédié ou non…), de son voisinage (présence d’eaux de surface, utilisation de la chaleur fatale pour du chauffage, etc.).

Plus globalement, il est nécessaire de réaliser des études en amont des nouveaux projets de construction et de rénovation afin de les dimensionner au plus juste et de déterminer les solutions qui permettent de réduire l’empreinte environnementale. Il convient également d’évaluer les transferts d’impacts environnementaux lors de la sélection d’une solution alternative de refroidissement. Par exemple, réduire les consommations d’eau en augmentant les consommations d’électricité dans un pays où l’électricité est produite par la combustion de matières fossiles qui entraine l’émission supplémentaire de gaz à effet de serre n’est pas vertueux.

Cet article a été écrit par Jessica Le Goff, chef de projet Numérique Responsable, APL Data Center.