Comment se débarrasser des consultants qui s’incrustent ?

Des consultants externes présents dans l’entreprise depuis plusieurs années, voire plus d’une décennie ? Le cas n’est pas si rare et c’est probablement le résultat de l’application de techniques particulières qui aboutissent à pérenniser des situations qui, en principe, n’ont pas lieu de s’éterniser.

Revue des principaux stratagèmes utilisés par les prestataires pour « durer à tout prix » chez leurs clients… et des moyens de s’en sortir.

Les dix techniques principales préférées des consultants pour s’incruster dans les DSI

L’effet Tarzan. Comme le personnage d’Edgar Rice Burroughs, le consultant va sécuriser sa présence dans l’entreprise en « surfant de liane en liane », autrement dit en identifiant dans l’entreprise, qu’il connaît bien pour y être incrusté depuis (trop) longtemps, toutes les poches de business potentiel. Et, il faut bien le dire, dans la plupart des organisations, les besoins d’optimisation sont colossaux, tant les silos ont perduré, tant les baronnies ont exercé leur pouvoir de paralysie, tant les utilisateurs réclament de nouveaux projets…
Telle direction métier a émis le souhait, au détour d’un couloir ou à la cantine, de moderniser son application de CRM ? Telle autre verrait bien quelques développements spécifiques pour être plus efficace ? Qu’à cela ne tienne : notre « consultant Tarzan » délaissera sa liane actuelle, qui l’a déjà porté bien loin, pour en saisir une autre au vol, histoire de rester actif. Avec, bien sûr, le cri de ralliement caractéristique du consultant Tarzan : « BingOOooooOO ! »

L’effet coffre-fort. Un système d’information correctement documenté ne sert à rien. Du moins pour le consultant, car pour une DSI c’est évidemment l’inverse. L’effet coffre-fort consiste, pour un prestataire, à conserver pour lui, « en lieu sûr », donc dans son cerveau, les éléments essentiels qui devraient logiquement, car c’est ce pourquoi le consultant est payé, se trouver écrits noir sur blanc dans un référentiel documentaire à jour et exhaustif. On s’en doute, on est loin de cet objectif et, bien souvent, la documentation se trouve enfermée à double tour dans le cerveau d’un consultant. Un coffre-fort dont la DSI n’a évidemment pas le code. Pourquoi pas ? Il faut juste éviter que ce consultant ne quitte l’entreprise trop vite. Et ça tombe bien, car il n’en a pas envie…

L’effet Majax. Comme tout bon magicien qui se respecte, un consultant sait faire apparaître des choses qu’il a su prendre à d’autres endroits sans que personne ne se rende compte de la substitution. Un livrable est posé sur le bureau d’un DSI ? Le lendemain, ou le mois suivant, il se retrouve sur le bureau d’un autre DSI dans une autre entreprise.

L’effet d’escalade. Un DSI devient subitement sourd aux demandes d’avenants ou aux suggestions appuyées du consultant pour faire évoluer le système d’information ou étoffer les équipes de prestataires externes, arguant, l’effronté, que cela n’est peut-être pas nécessaire ? Le consultant se doit alors de monter d’un cran, autrement dit de passer directement par le supérieur hiérarchique pour vérifier si celui-ci est plus compréhensif. Ou par le supérieur dudit supérieur, histoire de sécuriser le nombre de jours facturables.

L’effet flou artistique. Dans bien des entreprises, on ne sait plus reconnaître qui est salarié et qui est prestataire externe. Certains consultants font, pour ainsi dire, partie des meubles (à défaut d’être partis des meubles…). La technique, pour durer, va consister à savamment entretenir cette confusion. Rien de pire que l’étiquette « consultant externe » pour fragiliser la pérennité de la mission. Rien de mieux que d’être identifié comme un collaborateur à part entière de l’entreprise.

L’effet épicier. « Il y a un peu plus, je vous le laisse ? » Cette question, souvent posée par les commerçants de quartier et dont ils connaissent pertinemment la réponse, montre qu’en matière d’optimisation des ventes et des prix au kilo, la technique est vieille comme le monde. Pour le consultant, il s’agit de pousser, sans exagérer bien sûr, à la consommation, surtout s’il intervient sur des missions où l’entreprise est très dépendante de son expertise ou de son savoir-faire.

L’effet jeux du cirque. Le DSI qui croit que, pour mieux gérer ses prestataires de services, il convient de diviser pour mieux régner, autrement dit de faire appel à de multiples cabinets concurrents pour une même mission, et à les installer dans le même open space pour stimuler leur soif d’être encore plus performants que leurs confrères, risque d’avoir des déconvenues. Car souvent, un des cabinets va tout faire pour évincer les autres et placer ses propres consultants pour les remplacer. Tout cela bien sûr au détriment de l’intérêt de l’entreprise qui a fait appel à ces forces vives pour l’accompagner dans des chantiers délicats. Dans tous les cas, le plus affamé (en clair celui qui a un taux d’intercontrats le plus élevé) finira par dévorer l’autre ! Et le DSI ne lèvera certainement pas le pouce pour féliciter les participants au jeu de massacre…

L’effet TMR ou « Take the money and run ». Il ne s’agit pas là, à proprement parler, d’une technique qui permet de s’incruster, car l’objectif est de partir au plus vite. Mais c’est quand même une forme d’incrustation, dans la mesure où cela est très consommateur de ressources et de temps pour le DSI. Surtout si les conseils prodigués en amont se révèlent être d’une utilité discutable dès lors que d’autres interviennent pour les mettre en œuvre.

L’effet anorexie. Il se traduit par une maigreur des livrables, qui n’arrivent que très lentement sur le bureau du DSI ou des chefs de projets. C’est évidemment volontaire et c’est lié à « l’effet coffre-fort » mentionné plus haut. Moins la connaissance est partagée, plus longtemps durera la mission, puisqu’il s’agit, le plus longtemps possible, de faire en sorte que le niveau de dépendance soit tel qu’il devienne difficile de mettre fin à la mission sans compromettre le fonctionnement opérationnel d’une ou plusieurs applications. Ce qui rendra immanquablement furieux les utilisateurs desdites applications.

L’effet « Ami qui vous veut du bien ». C’est la forme la plus raffinée de l’incrustation des consultants : se rendre vraiment indispensable pour les utilisateurs qui se souviendront toujours du moment où le consultant s’est montré très serviable un vendredi soir pour bricoler une applicatif victime d’un bogue, développer un petit bout de code pour faciliter la vie d’un utilisateur… La décision de se séparer d’un tel élément est donc particulièrement difficile à prendre pour un DSI, sous peine créer un flux de récriminations qui, finalement, n’en valent peut-être pas la peine. Après tout, la satisfaction des utilisateurs n’est-elle pas une priorité ?

Les dix techniques pour éliminer les consultants qui s’incrustent

Exiger systématiquement la formalisation et l’écriture des documentations. Le consultant est missionné pour des actions très précises qui doivent donner lieu à la production de documentations, notamment pour le développement d’appli-cations. Ce principe de base est trop souvent « oublié ».

Renégocier le taux journalier moyen. Une renégociation périodique des montants et des conditions de facturation rend moins rentable la mission pour le prestataire de services. Il ne s’agit pas de s’engager dans une guerre des prix, au risque d’altérer la qualité, mais d’optimiser les coûts en fonction de la valeur créée par le consultant. Une telle négociation doit s’appuyer sur des éléments objectifs. Cela suppose de tracer l’activité réelle du consultant, de manière à engager la discussion sur des aspects les moins contestables possibles. Autre piste : faire jouer la concurrence, même si cela reste du domaine des intentions.

Éviter de créer des situations de dépendance. La création de dépendances de l’entreprise à l’égard de ses consultants externes n’est jamais une bonne solution. Le risque est en effet trop important, qu’il s’agisse d’un accident, d’une démission, d’une réorganisation chez le prestataire, ou tout simplement de la mauvaise volonté du consultant à collaborer.

Autonomiser le plus rapidement possible les utilisateurs. C’est le corollaire du principe précédent, de manière à réduire le degré de dépendance. Dans le cas de développement d’une application, plus les utilisateurs sont rapidement autonomes, moins la mission du prestataire de services sera longue.

Fixer clairement les critères de fin de mission. Une mission de conseil ou d’accompagnement a, par définition, un début et une fin. Si le début de la mission est relativement facile à déterminer, sa fin est, en revanche, souvent mal définie et ce n’est pas dans l’intérêt de la plupart des prestataires de services d’être très clairs sur ce sujet. Ceux-ci ont, au contraire, intérêt à entretenir le flou sur ce point. Il convient de déterminer très en amont les critères qui permettent de déterminer lorsque la mission est terminée, avec par exemple des objectifs précis qui, lorsqu’ils sont atteints, mettent fin à la mission.

Dégrader les conditions de travail. Des environnements de travail trop favorables, surtout s’ils sont meilleurs pour les consultants que pour les collaborateurs de l’entreprise, n’incitent pas les prestataires de services à terminer leur mission au plus vite. D’où l’idée de réaménager les conditions d’exercice de la mission, sans aller toutefois jusqu’à installer les prestataires dans un sous-sol, dans un bureau sans fenêtre ou au milieu d’un open space bruyant. Un tel réaménagement ne doit bien sûr pas dégrader la productivité des consultants.

Surveiller les livrables. Une tendance à la dégradation de la qualité et de la quantité des livrables n’est pas toujours perceptible. Il convient donc d’être particulièrement attentif aux « signaux faibles » qui montrent un relâchement des prestataires.

Établir des to do list au moins une fois par mois. C’est un des moyens d’optimiser la productivité des consultants que de fixer, chaque mois ou même chaque semaine, des objectifs précis qui doivent être atteints. Et s’ils ne le sont pas, d’en analyser les raisons, en prenant le soin de vérifier le bien-fondé des justifications avancées par les prestataires pour expliquer la non-atteinte des objectifs.

Identifier les principales techniques qui favorisent la création artificielle de besoins. La connaissance des principaux stratagèmes utilisés par un prestataire pour demeurer le plus longtemps possible chez son client est utile pour anticiper les dérives.

Surveiller les comportements. Un changement de comportement des consultants doit toujours alerter. Cela peut bien sûr être favorable à la DSI, si le prestataire devient plus motivé et plus productif, mais cela peut aussi être un signe que le consultant commence à développer une stratégie d’incrustation. Une telle attention doit être renforcée par exemple à l’approche des fins probables de mission, lorsque les consultants demandent à participer à des réunions auxquelles ils n’avaient pas l’habitude d’assister, ou commencent à démarcher directement les directions métiers pour créer artificiellement des besoins.

Incrustation des consultants dans la DSI : comment réagir ?
Stratagème utilisé Principe Contre-mesure Exemple
L’effet Tarzan Identifier tous les dysfonctionnements dans une organisation pour vendre plus de missions et de jours-hommes Valider en amont la pertinence de faire intervenir des prestataires externes, en fonction de la stratégie SI, des besoins métiers et des budgets Systématiser l’élaboration de business cases pour tout projet, même pour des périmètres restreints et des budgets faibles
L’effet coffre-fort Ne pas produire suffisamment de documentations  Exiger la production régulière de livrables et de documentations. Intégrer ces éléments dès la négociation contractuelle  Fixer un planning de production avec des réunions régulières de pilotage/validation de la quantité et de la qualité des documentations produites
L’effet Majax Revendre à un client de l’expertise et des livrables payés par d’autres clients, sans que ces derniers le sachent  Vérifier que les dЋveloppements applicatifs n’ont pas été déjà réalisés dans d’autres DSI Participer aux clubs d’utilisateurs et de DSI pour partager les expériences
L’effet d’escalade Influencer les n+1, n+2 ou n+3 de son client pour mieux lui forcer la main  Développer le réseau relationnel interne et échanger régulièrement avec la DG et les directions mЋtiers  Participer aux comités de direction pour anticiper les besoins métiers le plus en amont possible
L’effet flou artistique Entretenir la confusion dans les statuts des collaborateurs  Clarifier les responsabilités et les périmètres d’intervention des prestataires  Créer des adresses e-mails spécifiques pour les prestataires externes (exemple : xxx@externe.societe.fr)
L’effet épicier Faire tourner la  » machine à avenants «   Vérifier systématiquement la pertinence et l’utilité des prestations supplémentaires  Instaurer un processus de validation et d’arbitrage, sous contrôle du DSI, avec présentation d’un business case cohérent
L’effet jeux du cirque Diviser pour mieux régner  S’assurer que les différents prestataires collaborent dans l’intérêt de leur client Ne pas confier la responsabilité de la direction de projet à un prestataire externe, du moins pas de façon pérenne
L’effet TMR ou  » Take the money and run «  Éviter d’endosser des responsabilités opérationnelles et de mise en œuvre Formaliser les objectifs des missions et clarifier les engagements de moyens et/ou de résultats  S’assurer le plus en amont possible que la durée des missions est adaptée aux besoins
L’effet anorexie  Diminuer la quantité et la qualité des livrables  Identifier le plus en amont possible les baisses de productivité  Instaurer un systéme de  » to do lis  » avec une vérification régulière du travail effectué
L’effet  » Ami qui vous veut du bien « . Se rendre indispensable  Fixer et appliquer des  » règles du jeu  » claires avec les directions métiers et les prestataires  Centraliser à la DSI la gestion des projets et programmes SI avec des principes d’arbitrage transparents et objectifs
Source : Digitalonomics.