Communiquer sur les échecs pour mieux en expliquer les causes

L’objectif est de passer de la communication au marketing. Mais le niveau de maturité des DSI dans ce domaine est encore loin de l’optimum, comme le montre une enquête de Talisker Consulting.

Vous avez mené fin 2007 une enquête (*) auprès d’une trentaine de DSI d’entreprises françaises afin d’analyser leurs pratiques en matière de marketing : quelles conclusions en avez-vous tirées et vos constats sont-ils toujours valables ?

Pascal Potié Notre enquête est née du désir de connaitre le degré de maturité des DSI concernant le marketing. Il s’agissait ainsi de savoir si les DSI ressentaient le besoin de promouvoir leurs activités en interne, auprès des clients, mais également auprès des utilisateurs.

Nous avons également voulu savoir, lorsque ce besoin était présent, dans quelle mesure il se traduisait en actions. Les résultats de notre enquête, qui me semblent toujours pertinents aujourd’hui, mettent au jour une situation en demi-teinte. Les DSI des entreprises françaises perçoivent la plupart du temps un intérêt marqué à communiquer : 83 % des DSI déclarent avoir déjà entrepris des actions de communication-marketing. Il est pour autant extrêmement rare d’observer une DSI disposant d’une stratégie marketing ou d’un plan d’action à long terme.

Ainsi, malgré cette prise de conscience, le sujet reste relativement ignoré, principalement pour des raisons budgétaires : la mise en place d’une démarche marketing demande du temps et des ressources, l’un des enjeux étant de trouver des financements.

S’il est fréquent pour la DSI d’une entreprise anglo-saxonne de disposer d’une équipe dédiée à ce sujet, les DSI des entreprises françaises sont peu nombreuses à y consacrer du temps et de l’argent : deux DSI sur trois (62 %) ne disposent pas de responsable marketing et communication. Et lorsque c’est le cas, il s’agit près d’une fois sur deux (44 %) d’une fonction qui représente à peine un quart d’équivalent temps plein.

Quels sujets sont abordés, et quelle forme revêtent les actions de communication et marketing entreprises par les DSI ?

Pascal Potié La plupart des DSI ont basculé d’une orientation produits vers une orientation services, reconnaissant ainsi la nécessité de satisfaire les besoins des utilisateurs. Cette transformation culturelle a favorisé l’instauration d’une communication ciblée entre la DSI et ses clients.

Ainsi, la grande majorité des DSI communiquent régulièrement sur les nouveaux services qu’elles proposent. Par ailleurs, la communication des succès de la DSI est une évidence, mais la non-communication sur les échecs l’est également. Cette réticence s’explique par la crainte de ternir l’image de la DSI en interne.

Pourtant, communiquer sur ses échecs permet d’en expliquer les raisons et de devancer les rumeurs moins fondées et parfois malintentionnées. C’est une bonne pratique qui peut s’avérer payante en termes de crédibilité.

L’enquête montre en outre que les actions et supports de communication issus de la DSI ne font pas l’objet d’une réflexion transverse et globale.

Les modes et canaux de communication utilisés pourraient être plus variés pour toucher le maximum de collaborateurs de l’entreprise, et plus innovants pour appuyer l’image technologique et novatrice de la DSI (Web conference, journée « portes ouvertes », …)

Les DSI passent-elles facilement de la communication au marketing ?

Pascal Potié Si les DSI fonctionnement largement dans une orientation marché (market-in), cela n’implique pas qu’elles aient véritablement adopté une orientation marketing, qui suppose la mise en place d’une relation forte et solide sur le long terme entre la DSI et ses clients.

Souvent amenées à justifier ou à réduire leur budget, nombre DSI ont mis en place des outils de pilotage de leurs activités et se comparent régulièrement avec d’autres DSI d’entreprises concurrentes ou analogues. Au-delà de la légitimation des coûts, les outils mis en place peuvent difficilement être utilisés comme outils marketing efficaces.

En effet, la simple présence d’indicateurs de performance ou de comparaisons quantitatives n’est pas suffisante pour permettre aux utilisateurs et clients d’évaluer l’utilité et performance des actions de la DSI. Cette faiblesse dénote la trop faible orientation métier des DSI.

Établir une relation forte et efficiente entre la DSI et ses clients passe également par la mise en place d’un catalogue regroupant l’ensemble des services que peut fournir la DSI, en décrivant pour chaque service délivré les attendus et engagements de la part de toutes les parties prenantes.

L’enquête montre qu’une majorité de DSI ne disposent pas d’un tel catalogue (80 %) et que ces contrats de service sont encore peu utilisés, 63% des DSI ne contractualisant jamais au travers d’un SLA.

Outre leurs apports intrinsèques, ces outils permettent d’instaurer plus facilement une transparence dans la facturation des services proposés (facturation unitaire des services, explication/choix du mode de facturation suivant les services, …), prérequis majeur à l’établissement d’une confiance partagée.

Vous suggérez aux DSI d’utiliser « l’effet miroir » : de quoi s’agit-il ?

Pascal Potié Les enquêtes de satisfaction auprès des utilisateurs sont toujours très utiles. Les deux tiers des DSI interrogées les utilisent.

Cependant, l’exploitation de leurs résultats est souvent incomplète. Le meilleur moyen de traiter les résultats d’une enquête de satisfaction utilisateur est de les rapprocher avec les résultats d’une seconde enquête, menée parallèlement au sein de la DSI. Cette seconde enquête consiste à questionner les collaborateurs de la DSI sur la manière dont ils pensent être perçus par les utilisateurs.

C’est la réalisation de ces deux enquêtes et la comparaison de leurs résultats que l’on appelle le « miroir utilisateur ».

Les décalages mis au jour par cette méthode entre la réalité des reproches formulés par les utilisateurs et la perception de la DSI sont réels et souvent inattendus. Travailler à la réduction de ces décalages peut constituer le premier pas vers la mise en place d’une réelle stratégie marketing de la DSI.

En effet, les actions décidées à l’issue de ces enquêtes ne seront pas axées uniquement sur la communication externe, elles porteront également sur l’amélioration de la connaissance des utilisateurs, en se fondant sur les décalages de perception observés. C’est également un moyen efficace de poser les bases d’un dialogue plus serein, car moins personnalisé. Malheureusement, à peine 34 % des DSI ont déjà réalisé un miroir utilisateur.

(*) Le Marketing de la DSI : un sujet encore ignoré par les entreprises françaises, Talisker Consulting, octobre 2007.


Les best practices de Pascal Potié

  1. Mettre en place un catalogue de services pour présenter au mieux ses produits.
  2. Systématiser l’estimation des résultats attendus d’un projet, mais également la confrontation des résultats obtenus.
  3. Valoriser le SI en tant qu’actif pour légitimer le budget de la DSI auprès des utilisateurs et faciliter les arbitrages budgétaires.
  4. Mettre en place des SLA (Service Level Agreements) de manière à donner une visibilité réciproque en matière de services et de coûts.
  5. Lancer les enquêtes de satisfaction. Réaliser une enquête auprès des clients pour confirmer ou infirmer le ressenti des DSI.
  6. Envisager le recours au miroir utilisateur, pour les DSI réalisant déjà des enquêtes de satisfaction.
  7. S’assurer que la segmentation et les actions qui en découlent n’entrainent pas un délaissement de certaines clientèles.
  8. Développer les activités de marketing ou de communication permettant d’améliorer l’image de la DSI sur les aspects pour lesquels son action est jugée insuffisante.
  9. Adopter un point de vue 4P : Produit, Prix, Place, Promotion.
  10. Aider les équipes de la DSI à développer leur fibre « IT marketing ». Nommer un responsable marketing, même à temps partiel, au sein de l’équipe de la DSI.