De Itil au Lean

Malcolm Fry, Executive Advisor de l’éditeur CA, expert Itil, auteur et conférencier, propose une démarche pragmatique pour recadrer les services informatiques avec une bonne dose de professionnalisation et de bonnes pratiques.

« Le problème de la plupart des entreprises est de réduire les coûts et gérer leurs ressources non pas pour survivre mais pour être davantage compétitives dans la perspective d’une sortie de crise. Nombre d’organisations ont « attaché leurs ceintures », et les systèmes d’information sont évidemment concernés. Mais de simples ajustements ne sont pas suffisants.

Prenons une analogie : la différence entre les pauvres et les riches est que les premiers ne jettent jamais la nourriture ; les DSI se situent bien sûr du côté de riches et dépensent beaucoup pour ce qui n’a pas de valeur. Ce n’est plus possible. Il ne s’agit pas de faire « plus avec moins », mais, déjà, de « faire plus avec ce que l’on a ».

Au-delà des postes d’économies, il s’agit d’éliminer les processus, les étapes et les applications qui n’apportent pas ou plus de valeur. Je propose vingt questions simples (voir page 9) et si vous répondez « non » (ou « je ne sais pas ») à seulement l’une d’entre elles, il faut agir. Pour cela, je suggère quinze principes qui permettent de progresser, avec, pour chacun les meilleures pratiques. »

1. Changer uniquement ce qui doit l’être
Le changement constitue l’énergie de tout système d’information, mais tous les changements sont-ils pour autant nécessaires ? D’ailleurs, les DSI savent-ils vraiment, pour une période donnée, le volume de changements effectués par les équipes informatiques ? Les changements coûtent lorsqu’il faut les mettre en œuvre, en assurer le suivi et lorsqu’ils échouent.

2. Les changements doivent délivrer toutes leurs promesses ?
Il est important de disposer de processus de gestion post-changements, qui montrent notamment que ceux-ci répondent, en termes d’économies et de gains (financiers, ressources humaines, agilité des processus) à ce qui a été prévu. Dans la mesure où la plupart des DSI ne disposent pas d’évaluations post-changements, les gains potentiels se révèlent souvent hypothétiques. De fait, en modifiant la façon dont on quantifie les gains et les coûts, on aboutit à une diminution de changements infondés.

3. Éliminez les problèmes
Itil V3 définit un problème de la manière suivante : « Cause d’un ou plusieurs incidents. La cause n’est généralement pas connue au moment où le problème est détecté. » Le plus souvent, la gestion des problèmes est vue seulement sous l’angle de la restauration du service pour l’utilisateur.

Ainsi, la plupart des incidents sont « clos » dès que l’utilisateur retrouve un fonctionnement normal du système, mais ne sont pas suffisamment étudiés pour éviter qu’ils se reproduisent. Résultat : les service desks travaillent à résoudre des incidents qui auraient pu être déjà éliminés, et, ce faisant, ne consacrent pas leurs ressources à d’autres tâches.

4. Le paradoxe de l’outsourcing
Beaucoup d’entreprises considèrent l’outsourcing comme un moyen idéal de réduction des coûts sans impacter les niveaux de services et la productivité. Si, dans la plupart des cas, cette approche est pertinente pour le business de l’entreprise, faut-il pour autant payer un prestataire pour gérer des tâches inutiles ?

5. Vérifier les actifs
La question n’est pas de se demander de combien d’actifs une entreprise dispose mais plutôt : sont-ils tous nécessaires ? Les utilise-t-on tous ? Combien sont redondants ? N’avons-nous pas trop de licences ? Ne peut-on renégocier les contrats ? Nos contrats d’infogérance génèrent-ils toujours un ROI positif ? La plupart des entreprises ne mènent pas d’analyses régulières pour répondre à ces questions pourtant élémentaires.

6. Manager les configurations
Beaucoup d’entreprises gaspillent des ressources et du temps faute d’une gestion des configurations, notamment pour assurer le support aux utilisateurs (et localiser les configurations). Un management des configuration réduit les coûts et accroît le service aux utilisateurs.

7. Maximiser l’utilisation des matériels
Les entreprises ont toujours eu tendance à acquérir des nouveaux serveurs pour gérer des nouveaux services ou applicatifs. Par exemple, j’ai vu une entreprise qui n’utilisait en moyenne que 12 % des capacités de ses serveurs, avec un maximum de 27 % pour un serveur. Un tel niveau de gaspillage n’est plus acceptable, surtout si c’est juste pour être certain que des capacités seront toujours disponibles, au cas où…

8. Gérer le portefeuille de services
La gestion du portefeuille de services est fondamentale dans la mesure où il s’agit d’un outil de référence de la DSI. C’est d’autant plus important en temps de crise, tandis que, lorsque les conditions économiques sont plus favorables, on peut, dans une certaine mesure, faire l’impasse sur « qui fait quoi et quand » si les impacts financiers sont marginaux.

Le portefeuille de services est utilisé pour gérer le cycle de vie entier de l’ensemble des services, ce qui comprend trois catégories : le « pipeline » de services (en projet ou en cours de développement), la catalogue de services et les services arrêtés (avec, à la clé, des économies liées à la réutilisation de matériels redondants, à la réduction des nombre de licences nécessaires, de logiciels superflus, ou l’annulation de contrats de maintenance devenus obsolètes).

Il est important que les équipes IT sachent quels nouveaux services figurent dans le « pipeline », dans la mesure où elles devront dégager des ressources pour les gérer et assurer le support. Cela évite la gestion de « dernière minute », source d’erreurs et de surcoûts. On ne voit pas, en effet, comment il est possible de planifier l’intégration de nouveaux services dans le système d’information à un coût maîtrisé et de manière cohérente sans un management d’un portefeuille de services !

9. Créer un catalogue de services
Un catalogue de services est une base de données ou un document structuré concernant tous les services IT, y compris ceux en cours de déploiement.

Le catalogue de services est l’un des outils du management du portefeuille de services, communiqué aux utilisateurs et contient des informations telles, entre autres, que les caractéristiques d’un service, son prix, les différents points de contacts et les processus pour les mettre en œuvre.

Toutes ces informations ne peuvent raisonnablement pas tenir dans la tête d’un DSI : sans catalogue de services, les utilisateurs ne peuvent savoir quels services sont disponibles pour eux, ni comment la DSI peut transformer les besoins des utilisateurs en réalité.

10. Déterminez des engagements de services (SLA)
Si vous n’avez pas de SLA (Service Level Agreements, engagements de services), vos utilisateurs vont créer leur PSL (Psychological Service Level). De fait, l’absence de SLA entraîne des conflits avec les utilisateurs.

L’un des avantages des engagements de services est qu’ils réduisent la confusion qui peut s’installer entre les équipes informatiques et les utilisateurs. Les SLA sont les meilleurs amis des managers de systèmes d’information.

11. Traquer les redondances logicielles
Lorsque les entreprises mettent en place une gestion de portefeuille de services, elles s’aperçoivent souvent qu’elles disposent de plusieurs outils qui présentent les mêmes fonctionnalités, par exemple pour la gestion des actifs. De fait, éliminer ces doublons réduit rapidement les coûts.

12. Partager avec les métiers
Les directions métiers peuvent bénéficier des outils que la DSI utilise. Par exemple, un outil pour gérer leurs propres actifs immatériels, un autre pour le management d’incidents ou encore pour gérer les configurations.

13. Privilégier l’amélioration continue des services
L’ensemble des éléments mentionnés plus haut font partie intégrante d’un plan d’amélioration continue, au sens de la description faite dans Itil V3, avec la « roue de Deming », avec un cycle en quatre actions : planifier, mettre en place, contrôler, agir.

Un plan d’amélioration continue constitue l’ingrédient de base de toute stratégie de management de services. Il ne nécessite pas forcément d’investissements significatifs si les bons processus sont mis en œuvre selon le principe qu’ils sont toujours moins coûteux. à chaque fois qu’un taux de disponibilité est en dessous de 100 %, il faut se demander pourquoi.

14. Mesurer les coûts de revient
Le retour sur investissement constitue l’un des points-clés du management des systèmes d’information, mais il peut être complètement occulté. Si un nouveau service a un retour sur investissement d’un million d’euros mais qu’il faut dépenser 150 000 euros chaque année pour la maintenance, en sept ans, le retour sur investissement initial s’est évaporé !

Si l’on connaît les coûts, il devient possible de valider la valeur des retours sur investissement, d’exiger que les coûts de revient (incluant la maintenance) fassent partie intégrante des calculs de ROI, d’identifier les services les plus coûteux et de faciliter les audits pour réduire les coûts.

15. Automatiser
Les DSI passent tellement de temps pour se préoccuper des besoins métiers qu’ils en oublient parfois leurs propres processus et procédures. C’est d’ailleurs surprenant de constater combien de DSI gèrent une grande partie de leurs activités avec des procédures manuelles. éliminer ces dernières ou, au moins, les réduire, permet d’alléger les effectifs, de « faire plus avec moins » et de redéployer une partie des équipes vers la gestion de projets, plus valorisante.

Questions OUI NON
Connaissez-vous le nombre de changements (officiels ou non) effectués par la DSI au cours du dernier mois ?
Savez-vous combien de changements ont échoué ?
Suivez-vous de manière régulière le coût de revient de l’ensemble des services proposés aux utilisateurs ?
La taille de votre service desk diminue-t-elle ?
Connaissez-vous les capacités requises prévisionnelles pour tous les nouveaux services en cours de développement ?
Disposez-vous d’un gestion de portefeuille de services ?
Pouvez-vous rapidement, et de manière graphique, visualiser tous les composantes des configurations de chacun des services ?
Avez-vous mis en place un programme d’amélioration des services ?
Avez-vous mis en place un plan de retrait d’activité pour les services redondants ?
êtes-vous certains que tous vos actifs sont utilisés ?
Vous assurez-vous que tous les changements demandés ou effectués sont nécessaires ?
Exigez-vous aux demandeurs des changements qu’ils prouvent la pertinence de ces changements ?
Réalisez-vous des analyses régulières de vos contrats d’infogérance ?
Réalisez-vous des inventaires réguliers pour identifier les licences logicielles et matériels redondants ?
Vos matériels sont-ils utilisés à pleine capacité (stockage, mémoire…) ?
Avez-vous un catalogue de services de référence qui recense l’ensemble des services que les utilisateurs peuvent consommer ?
Disposez-vous d’engagements de niveaux de services qui reflètent réellement les niveaux définis avec les utilisateurs ?
Avez-vous vérifié que les différentes entités de la DSI n’utilisent pas des outils différents qui proposent des fonctionnalités similaires ?
Vous êtes-vous assuré que les outils utilisés par vos équipes ne peuvent être aussi utiles aux directions métiers ?
êtes-vous certain que la DSI ne gère pas manuellement des activités qui pourraient être automatisées ?
Thématiques Best practices Processus Itil associés
Changez uniquement ce qui doit l’être
  • Réduisez le nombre de changements en accentuant la pression sur les demandeurs : qu’ils prouvent que les changements sont essentiels !
  • Éliminez les changements « cosmétiques ».
  • Limitez les changements de version au strict nécessaire.
  • Gestion des changements.
  • Gestion des mises en production.
 Les changements délivrent-ils toutes leurs promesses ?  • Adoptez une politique adaptée à la gestion des
post-changements avec une exigence de ROI plus réaliste et
une respon­sabilité du demandeur du changement pour
prouver le ROI.
• Interdisez les « changements sauvages ».
  • Gestion des changements.
  • Gestion des incidents.
  • Gestion des événements.
  • Gestion des problèmes.
  • Gestion des mises en production.
Éliminez les problèmes
  • Élaborez un plan d’identification et d’élimination des incidents (en commençant pas les plus répétitifs et les plus coûteux).
  • Incitez le service desk à étudier de près les incidents qu’il traite et qui pourraient être facilement éliminés.
  • Gestion des changements.
  • Gestion des incidents.
  • Gestion des événements.
  • Gestion des problèmes.
  • Gestion des mises en production.
  • Gestion des demandes.
L’énigme de l’outsourcing
  • Ne recourez à l’outsourcing que pour des activités pertinentes.
  • Pour réduire les coûts a posteriori, il est souvent préférable d’investir a priori pour s’assurer que les composants du système d’information infogérés sont aussi performants après l’opération qu’avant.
  • Gestion du portefeuille des
  • services.
  • Gestion des niveaux de service
  • Gestion des prestataires
  • Catalogue de services.
Gérez le portefeuille de services
  • Conduisez un exercice d’inventaire en vous focalisant sur les éléments suivants :
  • Un nombre trop important de licences pour une application.
  • Les logiciels qui ne sont plus utilisés.
  • Des contrats de maintenance qui n’ont plus lieu d’être payés.
  • Le remplacement de matériels qui ne devraient pas l’être.
  • Les matériels redondants ou obsolètes.
  • Gestion des actifs de services et des configurations.
  • Gestion des incidents.
  • Gestion financière.
Gérez les configurations
  •  Mettez en œuvre un système de gestion des configurations.
  • Gestion des configurations.
  • Gestion du portefeuille des
  • services.
  • Gestion des niveaux de service.
  • Gestion du catalogue de services.
Maximisez l’utilisation de vos matériels
  • Revoyez votre politique de gestion des postes de travail (par exemple : devez-vous remplacer un matériel ou seulement le processeur ? Combien de postes de travail ne sont plus utilisés et pourraient l’être à un autre endroit ?).
  • Vérifiez l’adéquation entre les capacités et les usages.
  • Appliquez la règle selon laquelle aucun nouveau matériel ne doit être installé tant qu’il n’est pas démontré qu’un autre matériel déjà disponible ne dispose pas de la capacité nécessaire.
  • Á l’occasion du lancement de nouveaux services ou applications, imposez un calcul strict des ressources matérielles nécessaires, avec une anticipation raisonnable de l’évolution dans le temps.
  • Considérez que le management des actifs matériels s’apparente beaucoup à des « tâches ménagères » : le ménage doit être fait régulièrement.
  • Gestion des capacités.
  • Gestion de la disponibilité.
  • Gestion des actifs de services et des configurations.
Gérez le portefeuille de services
  • Mettez en œuvre un portefeuille de services.
  • Gestion du portefeuille, des niveaux et du catalogue de
    services.
Créez un catalogue de services
  • Vérifiez que votre catalogue de services correspond à sa définition initiale.
  • Si vous ne disposez pas d’un catalogue de services, demandez-vous où sont stockées les informations utiles pour en élaborer un : caractéristiques d’un service, son prix, diffé­­rents points de contacts et processus pour les mettre en œuvre.
  • Un catalogue de services ne nécessite pas d’énormes investissements : méthodologie et ressources existent dans Itil V3.
  • Gestion du portefeuille de services.
  • Gestion des niveaux de services.
  • Gestion du catalogue de services.
Déterminez des engagements de services (SLA)
  • Si vous disposez déjà de SLA, revoyez-les en détail avant de les renouveler en collaboration avec les utilisateurs.
  • Si vous ne disposez pas de SLA, n’oubliez pas de commencer par spécifier les exigences des utilisateurs de manière à ne pas gaspiller votre temps et vos ressources.
Traquez les redondances logicielles
  • Si vous créez un système de gestion de portefeuille de services, assurez-vous que les outils ne sont pas redondants. Et si vous n’avez pas de procédures de gestion de portefeuilles de services, faites-le quand même !
  • Gestion du portefeuille de
  • services.
  • Gestion des actifs de services et des configurations.
Partagez avec les métiers
  • Identifiez parmi vos outils de gestion de services ceux qui pourraient présenter des opportunités pour les directions métiers.
  • Vérifiez la compatibilité de vos outils.
Privilégiez l’amélioration continue des services
  • Appliquez l’approche Itil V3 sur l’amélioration continue des services, ou, au moins, utilisez les principes de la roue de Deming.
  • Gestion du portefeuille de services.
  • Gestion des niveaux de services.
  • Gestion du portefeuille de
  • services.
  • Gestion du catalogue de services.
  • Gestion des actifs de services et
  • des configurations.
  • Management de la disponibilité.
 Mesurez les coûts de revient
  • Généralisez les calculs des coûts de revient.
  • Exigez l’intégration du coût de revient dans le calcul du ROI, même si les chiffres sont des évaluations.
  • Sélectionnez l’un des services et pratiquez un audit simplifié pour identifier comment sont dépensés les budgets.
  • Gestion financière.
  • Gestion des applications.
  • Gestion des changements.
 Automatisez
  • Chargez vos managers ou collaborateurs d’identifier les procédures manuelles et de suggérer des voies d’automatisation financièrement intéressantes.
  • Faites cet exercice de manière régulière (deux fois par an).
  • Gestion de la validation et des tests de service.
  • Gestion technique.
  • Gestion des opérations.
Source : Malcolm Fry : Going the Extra Step, Lean IT, CA, 44 pages, 2009.