Design d’application : créer l’effet « cupcake »

Design, empathie et expérience client : tels sont les principaux ingrédients qui permettent une meilleure performance, pour augmenter les ventes sur un site Web ou mieux satisfaire les utilisateurs du SI. Une application bien conçue est comme un cupcake : le consommateur accepte de payer plus.

C’est ce qu’assure Cynthia Savard Saucier, ergonome et designer d’expérience utilisateur, qui est intervenue lors de l’université du système d’information, organisée fin juin 2013 par Octo Technology. « En réalité, cela ne dérange pas le consommateur si fabriquer un cupcake prend plus de temps qu’un muffin, s’il coûte plus cher et si c’est plus difficile à avaler, tant et aussi longtemps que l’expérience crée une connexion émotionnelle », explique Cynthia Savard Saucier. Cette dernière effectue une analogie entre cette spécialité culinaire et la conception des sites Web. Un cupcake se compose de trois éléments : une base, une préparation et un saupoudrage. « Pour un site Web, la base c’est le contenu, la préparation, c’est le design et le saupoudrage, c’est « l’effet Waou » », résume Cynthia Savard Saucier.

Le design, parent pauvre des sites Web et des applications

Souvent, le design est quelconque, voire très pauvre. Le design quelconque s’apparente au « design poli ». Cynthia Savard Saucier précise : « Avec cette approche, le designer d’un site Web croit savoir ce que vous voulez faire, le site surveille vos actions mais ne se souvient jamais de vos préférences et lorsque l’on ferme une fenêtre que l’on ne souhaite pas, elle revient la fois suivante, l’exemple caricatural étant le « Clippy » de Microsoft, l’assistant de Office 97. » Une initiative qui est entrée dans le top 50 des pires inventions publié par le magazine américain Time en 2010.

Cynthia Savard Saucier donne des chiffres : « 81 % des entreprises pensent que leurs newsletters sont incontournables et les envoient à tous leurs clients même s’ils n’ont rien demandé, 24 % des entreprises obligent leurs internautes à créer un compte. Imaginez le même principe à chaque fois que vous allez dans un magasin ! » Et l’ergonome voit la persistance d’un design contre-productif pour plusieurs raisons : il est difficile et coûteux de faire évoluer en profondeur les sites Web, et cela remet en cause le travail passé des concepteurs de sites, ce qui n’empêche pourtant pas les internautes de consulter les sites. « Il y a même des fonctionnalités qui irritent ou pénalisent l’internaute, mais qui arrangent l’entreprise. Ce sont des « dark patterns » faits pour piéger le consommateur, comme par exemple lui faire acheter des assurances quand il utilise une compagnie aérienne low cost. »

Un design plus pertinent repose sur quatre principes : demander la permission à l’internaute, offrir des choix, expliquer les options et respecter le choix final. « Cela semble évident, mais peu d’entreprises comprennent ces principes et les appliquent », observe Cynthia Savard Saucier. Une des approches consiste à privilégier le « responsive design » pour faciliter la lecture et la navigation, sur tous types d’écrans, par une nouvelle conception des parcours de l’internaute, de manière également à renforcer l’interactivité. Une tendance poussée par les usages du Web mobile. « Si l’on utilise une nouvelle technologie, le résultat doit rester désirable, utile, accessible, crédible et pertinent : utilise-t-on une nouvelle technologie pour renforcer le message ou simplement parce qu’elle existe ? Utiliser une tendance simplement pour se vanter de l’avoir utilisée, c’est dangereux et coûteux », ajoute Cynthia Savard Saucier, qui plaide pour un « design émotionnel intelligent, qui crée une connexion émotionnelle avec l’utilisateur pour s’assurer de sa loyauté, avec davantage d’images, de scénarios, de possibilités de navigation ».

De la loyauté à l’empathie

On peut aller plus loin : pour Whitney Hess, spécialiste en expérience utilisateur et consultante en management, qui est également intervenue lors de la dernière édition de l’université du système d’information, tout est affaire d’empathie entre celui qui conçoit un produit ou un service et celui qui le consomme.

Comment développer l’empathie pour être plus réceptif aux autres et à leurs points de vue ? Pour Whitney Hess, l’approche se décompose en quatre étapes : la préparation, phase au cours de laquelle il faut être très présent, prendre son temps et rester optimiste ; l’interaction, lorsque l’on exprime un jugement objectif et privilégie l’interaction spontanée ; la communication empathique qui consiste à paraphraser ce que l’on entend, à démontrer une réceptivité et à se positionner comme un miroir ; l’action, qui consiste à continuer à être conscient et à ne pas relâcher l’effort. « Le plus difficile reste d’écouter, d’autant que le bon sens n’est pas commun, et ce n’est pas parce qu un principe est évident que tout le monde y pense spontanément », précise Whitney Hess.

Un individu empathique « sait détecter les signaux émotionnels y compris les non-dits, perçoit les émotions des autres et a la volonté de les aider en comprenant leurs besoins et leurs expériences », explique Whitney Hess, qui ajoute : « au contraire, ceux qui n’ont pas d’empathie utilisent des stéréotypes, sont surpris par les réactions des autres, agissent sans considérer les conséquences et sont souvent en conflit ». Hélas, les profils empathiques ne semblent pas si répandus. « Les relations tendues entre les individus sont à l’origine de 65 % des problèmes de performance. Les managers passent un quart de leur temps à gérer des conflits entre leurs collaborateurs. Cela représente environ douze semaines par an. Améliorer le design produit est vain si l’on n’a pas auparavant adapté l’organisation. »

Le design fait partie des cinq éléments de rupture identifiés par les consultants de Deloitte dans leur étude « Tech Trends 2013 ». Il doit être appréhendé « comme une discipline à part entière, transverse à toute l’organisation », expliquent les consultants de Deloitte, qui détaillent : « L’intuition et la simplicité des applications ne sont plus seulement des exigences pour l’IT, la réflexion autour de l’expérience utilisateur n’est plus réservée à la phase de conception, le design et l’ergonomie dépassent le « look and feel » et vont au-delà des interfaces utilisateurs. »

 Ne pas confondre qualité de l’expérience utilisateur et qualité de service
 Qualité de l’expérience utilisateur  Qualité de service
 Perspective Orientée utilisateur et analysée du point de vue de celui-ci Orientée réseau et analysée du point de vue du fournisseur
 Principe de mesure Un concept subjectif qui reflète la perception de l’utilisateur de la qualité de service Un concept technique
 Indicateurs privilégiés Enquête, par exemple le MOS (Mean Opinion Score) Paramètres techniques qui, souvent, ont peu de signification pour l’utilisateur
 Facteurs déterminants Espérances de l’utilisateur face à l’outil, expérience passée de l’utilisateur, degré de satisfaction des besoins… Couverture réseau, qualité des infrastructures, niveau de support…

 

Expérience utilisateur, expérience client : les six disciplines à maîtriser 
 Discipline  Nécessaire pour…
Compréhension du client Créer et maintenir une vision claire, cohérente et précise des clients cibles et des expériences client attendues, y compris lorsque ces attentes changent.
 Mesure Mesure la qualité de l’expérience client à intervalles réguliers à travers l’entreprise tout entière et utiliser ces données pour mettre en place des améliorations continues.
 Gouverance  Surveiller et gérer la qualité de l’expérience client de manière proactive au sein de la politique générale de gouvernance d’entreprise.
 Stratégie  Définir clairement le type d’expérience client que l’organisation souhaite fournir et lier cette vision à l’image de marque.
Design  Déterminer les caractéristiques précises des intéractions qui seront à la hauteur ou dépassent les attentes vis-à-vis de la marque.
 Culture  Créer et entretenir une culture dans laquelle la fourniture d’une expérience client de qualité est ancrée dans l’ADN de l’entreprise.
Source : Forrester Research.