Deux DSI d’hôpitaux confrontent leurs expériences

Un métier : le management des systèmes d’information. Un secteur : l’hôpital où les enjeux technologiques sont cruciaux. Deux visions : celle de Dominique Bayle, DSI de l’hôpital Saint-Joseph, à Paris, et celle d’Alain Petter, responsable de la gouvernance informatique au Centre hospitalier universitaire vaudois, à Lausanne (Suisse).

L’organisation de l’hôpital

Dominique Bayle J’ai effectué l’essentiel de ma carrière dans le secteur privé et dans le monde du conseil.

La première différence est que, dans le secteur de la santé, nous sortons tout juste d’un type d’économie fonctionnant sur le principe des dotations fournies par les pouvoirs publics et cet argent doit aller à chaque grande fonction de l’hôpital : les soins, le personnel, l’investissement…

Depuis décembre 2006, nous passons progressivement dans un système de financement basé sur la tarification à l’activité (T2A). Nous sortons donc du système historique des dotations budgétaires. En 2009, l’hôpital disposera d’un budget correspondant strictement à l’activité qu’il réalise. C’est un changement profond, insuffisamment évalué, dont l’impact fragilise gravement aujourd’hui les finances de tous les hôpitaux.

Alain Petter J’ai travaillé dix ans dans le privé (secteur de la téléphonie, société de développement, société de conseil) avant de rejoindre l’hôpital. Notre hôpital (le CHUV) a un fonctionnement issu du new public management des années 1990.

Nous faisons partie de l’administration, mais nous disposons d’une grande autonomie de financement et de fonctionnement. Cette ambivalence se reporte de haut en bas de l’organigramme. Par exemple, chaque service médical a l’obligation de respecter son budget de fonctionnement et s’il fait du bénéfice, il pourra en conserver une partie l’année suivante.

Nous avons également mis en place un système de marché interne. Les prestations médico-techniques sont « achetées » par les services cliniques. La tarification à l’activité est déjà utilisée depuis plusieurs années. Parallèlement, il faut bien reconnaître que le comportement des collaborateurs ressemble souvent plus à celui de fonctionnaires que d’entrepreneurs …

Dominique Bayle Une autre différence concerne le mode de fonctionnement de l’hôpital : la diversité des spécialités, des modes de prise en charge des patients et leur interdépendance entraîne de nombreuses tâches administratives destinées à assurer le suivi des différents processus comme par exemple tout ce qui touche la sécurité des patients.

Cet aspect est beaucoup plus lourd à l’hôpital qu’il n’est dans le monde du conseil ou des jeux vidéo d’où je viens.

Alain Petter Le SI, et son organisation, reflète, comme à son habitude, la culture d’entreprise. La nôtre reproduit cette ambivalence.

Nous cherchons à construire un SI performant, le plus proche possible des besoins métiers et le plus vaste possible. Nous avons également une grande autonomie dans le financement de la construction du SI. L’efficacité a toujours fait partie de nos valeurs de base, ainsi que la volonté « entrepreneuriale » de construire un SI performant.

En même temps, la gestion des collaborateurs, leur motivation, l’état d’esprit général, les trajectoires de carrière ressemblent bien à ceux d’une administration.

Le management de la DSI

Alain Petter La DSI comprend 120 collaborateurs. Elle est composée de cinq groupes : Gouvernance, Projets, Applications, Services et Infrastructure. Depuis un an, nous avons engagé une réorganisation pour spécialiser les métiers de l’informatique.

Auparavant, un collaborateur pouvait jouer d’abord le rôle de chef de projet, puis celui de responsable de l’application. Problème : on fait un peu de tout, mais rien en professionnel. Et à terme, chaque chef de projet a de moins en moins de temps à consacrer aux nouveaux projets.

Dominique Bayle Au sein de la DSI (17 personnes), j’ai constitué deux équipes. La première pour l’intégration des applications, qui ont des cycles de vie différents, pour envoyer les bonnes informations au bon moment vers les professionnels de santé, si possible en temps réel.

Notre autre métier concerne les études, les applications et le pilotage de projet, qui intègre une mission de conduite du changement. Ces deux équipes, bien évidemment, dialoguent au quotidien.

Alain Petter Aujourd’hui, la gestion de projet, y compris l’accompagnement du changement, nécessite un professionnalisme impeccable.

Il en est de même pour la gestion des applications en production. Nous en avons 250. En réalité, nous occupons plus de 85 % des ressources du service à assurer la maintenance de l’existant, notamment nos 6 500 PC. En parallèle, nous sommes convaincus qu’il faut organiser nos processus selon Itil.

La gestion des incidents et des problèmes est en place. Nous sommes aussi en train de travailler sur le traitement des demandes de projets, l’account management, le change management, les mises en production.

L’appropriation du SI par les utilisateurs

Dominique Bayle Nous avons une population de médecins, d’infirmiers et d’aides-soignants, c’est un monde qui soigne sans ordinateur, 24 heures sur 24 et dans lequel les connaissances en gestion sont hétérogènes. Leur métier est de soigner, pas de remplir des formulaires, seraient-ils informatisés.

De fait, les notions de performance économique, de retour sur investissement et de TCO, que tous les DSI connaissent bien, ne sont pas familières à tous.

Alain Petter Depuis les années 1980, les soignants (essentiellement les infirmières) ont l’habitude de saisir leurs activités, dans un but de facturation, mais aussi les mouvements de patients en direct.

Plusieurs dizaines d’applications reçoivent quasi immédiatement les mouvements de patients grâce à un EAI. En 1997, nous avons commencé à scanner tous les dossiers médicaux à la fin des séjours patients. Les dossiers papier sont ensuite détruits. Par conséquent, l’ensemble des soignants a pris l’habitude de consulter les dossiers patients sur un PC.

Les infirmières utilisent régulièrement six ou sept applications différentes chaque jour (par exemple, consulter les résultats de laboratoire, consulter les dossiers patients, saisir les repas, etc.). L’informatique fait donc partie de leur travail quotidien. Leur activité en est-elle facilitée pour autant ? Cela dépend des professions.

Les plus grands gagnants sont probablement les médecins qui peuvent accéder à beaucoup d’informations en ayant relativement peu de contraintes de saisie. D’autres professions doivent beaucoup plus contribuer, mais sans en retirer tous les avantages.

Dominique Bayle Le métier des professionnels de santé ne changera pas, mais le fait de passer à une tarification à l’activité va contraindre ces professionnels à mieux mesurer ce qu’ils font au quotidien. Le système d’information peut les y aider.

Alain Petter Les informations saisies concernent souvent l’activité : il faut bien facturer si l’on ne veut pas être en déficit ! Nous comptons énormément sur l’arrivée d’un dossier clinique informatisé pour que toutes les professions de soignants deviennent bénéficiaires du système d’information.

Les professions de la logistique et des finances sont fortement informatisées. Il est vrai que leurs métiers s’y prêtent bien et ressemblent à ce qui se passe dans toutes les entreprises.

Le système d’information face au papier

Dominique Bayle L’arrivée d’un patient à l’hôpital déclen­che une multitude de fax et de photocopies. Nous sommes dans un monde qui produit énormément de papier dans le but de partager l’information entre les différents services de l’établissement. Cela, pour l’instant, repose essentiellement sur des processus manuels.

Dans le mesure où l’hôpital doit assurer des tâches administratives assez lourdes, il nous faut davantage automatiser et mieux informatiser. Nous allons donc entrer dans une ère de recherche de gisements de productivité. On devrait d’ailleurs mesurer régulièrement, parmi les indicateurs d’efficacité d’un hôpital, la réduction de consommation de papier, de toner d’imprimante et de papier pour le fax !

Ainsi, le premier objectif qu’un DSI d’établissement hospitalier doit viser, c’est le zéro-papier. Même si c’est illusoire !

Cependant, l’une des voies privilégiées est le dossier informatisé du patient, mais son déploiement reste freiné par les questions non encore résolues de la confidentialité des données concernant l’état de santé et les diagnostics médicaux de la personne.

Ce n’est pas le volume d’informations qui est en cause car le moindre outil de gestion de relation client ou de cartes de fidélité sait rassembler de très nombreuses données, mais plutôt la notion de secret médical.

Alain Petter Le papier est-il mort ? C’est une question difficile. Je n’en suis personnellement pas convaincu. D’abord, savez-vous que nous perdons 25 % de performances de lecture en passant du papier à l’écran ? Cela nous pousse (inconsciemment) à imprimer en permanence tous les documents d’une certaine taille.

D’autre part, les soignants ont l’habitude d’avoir un dossier ou des documents dans les mains. Pour collecter des informations spécifiques (par exemple un incident qualité) un formulaire papier, scanné par la suite, reste une méthode performante. Par contre, le défaut premier des informations sur papier, c’est leur non-disponibilité pour les autres soignants.

Le zéro-papier, voire l’hôpital numérique (y compris les images de radiologie, par exemple) reste donc bien un objectif à moyen terme.

Dominique Bayle Une fois que le problème du papier est réglé, le second combat du DSI consiste à traquer les doublons. L’informatique permet de le faire, avec des algorithmes spécifiques.

Aujourd’hui, nous affectons des ressources humaines à la traque des doublons, notamment dans les logiciels d’administration des patients, car une erreur d’identité ou de localisation peut avoir des conséquences dramatiques lors de la prise en charge médicale. En réalité, c’est l’ensemble du parcours de soins qui est informatisable.

Le système idéal serait que les données du patient soient accessibles à travers un portail patient, selon des autorisations d’accès spécifiques et non plus stockées dans des archives papier.

Alain Petter Aujourd’hui, il existe des dossiers patients informatisés performants. Ce n’est donc plus la question (pour autant que les moyens financiers permettent leur acquisition).

Le vrai problème vient de la nécessaire réorganisation des services médicaux en vue de s’adapter à cette nouvelle manière de traiter les informations et d’alimenter le système d’information.

Le changement est profond, d’autant plus que les professionnels cherchent parallèlement à s’organiser en filières (ou itinéraires cliniques) centrées sur le patient.

La stratégie système d’information

Dominique Bayle Notre approche, au groupe hospitalier Paris Saint-Joseph, privilégie une démarche de convergence vers un portail patient intégré au le portail de l’établissement, avec les protocoles de soins, les corrélateurs d’identité, les dossiers numérisés… et la notion de « panier » que l’on retrouve sur les sites de commerce électronique et que l’on remplit au fur et à mesure des transactions.

Nous avons besoin d’un système d’information qui soit « patient centric », avec à la fois une vision soin et une vision économique. Il faut, là encore, bien positionner le curseur. Pour être « patient centric », il ne manque plus que la phase de numérisation.

Alain Petter A ce jour, à l’exception du dossier clinique et de soins, les grandes fonctions du système d’information de l’hôpital sont relativement bien couvertes.

Mais la stratégie était basée sur la verticalisation des applicatifs. Cela avait l’avantage de faciliter les projets (périmètre plus restreint, solution technique plus simple), d’autant plus que cela correspond finalement assez bien au fonctionnement de l’hôpital.

Par contre, le corollaire est une circulation bien moindre de l’information, le manque de référentiels communs et une plus grande difficulté à calculer des indicateurs de gestion.

Dominique Bayle Certains hôpitaux sont très en avance sur le dossier du patient mais la partie économique n’est pas toujours au rendez-vous.

Je préfère, compte tenu des modifications importantes des règles de gestion et de la complexité des aspects de la confidentialité, que notre hôpital ne soit pas « premier de cordée » sur ce sujet. En revanche, nous sommes parmi les premiers, dans le secteur sanitaire, à développer l’usage de l’Open Source.

La plupart des hôpitaux sont partis sur des solutions propriétaires généralement proposées par des grands éditeurs avec, on s’en doute, des coûts élevés en maintenance et une prise en compte insuffisante des coûts de revient. En outre, les applications sont encore trop nombreuses et souvent organisées en silos, avec des technologies différentes, des cycles de vie différents et une intégration plus ou moins bien maîtrisée qu’il faut remettre à plat.

Beaucoup d’hôpitaux se sont payé de l’Oracle. Mais il y a une disproportion entre la performance d’une base de données dont l’utilisation coûte une fortune et nos besoins, alors que le moindre projet T2A peut être réalisé avec des outils Open Source. Cela n’empêche pas, bien sûr, de proposer des logiciels métiers, à condition d’impliquer les utilisateurs dans le choix des solutions, même si les choix sont orientés par la DSI.

Nous avons installé trois produits totalement standards : pour les blocs opératoires, pour la gestion des repas et la gestion de l’institut de formation en soins infirmiers (IFSI). Dans les trois cas, nous n’avons eu quasiment aucun dépassement de délais et les budgets ont été respectés.

Alain Petter Aujourd’hui, l’hôpital est en mutation. Pour continuer à améliorer la qualité des soins et la sécurité des patients et surtout dans un contexte prévisible de restriction des ressources (moins de budgets, mais aussi une difficulté croissante à trouver des professionnels, notamment des médecins), la voie royale consiste à s’organiser en filières de soins, où les soignants travailleront selon des protocoles pré-établis.

Mais pour que cela fonctionne, nous devrons d’abord installer un dossier patient informatisé. Le produit Soarian de Siemens a été retenu, notamment parce qu’il nous permettra d’aller jusqu’au niveau 4 et 5 de la classification Gartner. Nous estimons que son déploiement complet prendra cinq ans.

Et cela ne suffira pas. Nous devrons aussi faire évoluer le système d’information actuel. L’information devra être disponible en tout temps et partout où cela sera nécessaire, en circulant de manière fluide. Cela n’a l’air de rien, mais nous avons par exemple des centaines de modalités (imagerie, soins intensifs, blocs opératoires) à connecter.

Dominique Bayle Les choix technologiques qui étaient encore possibles hier ne correspondent plus aux moyens économiques actuels des hôpitaux et aux fonctionnalités attendues.

Il faut sortir de ce contexte de maintenance onéreuse pour privilégier une approche de type « informatique durable » qui ne soit pas remise en cause du fait de contrats de maintenance trop coûteux. La montagne est dure à gravir ! Mais nous avons les ingrédients, la recette et le savoir-faire. Nous devrions pouvoir y arriver, même si nos utilisateurs ne baignent pas dans l’informatique.

Aux Etats-Unis, les hôpitaux ont mis quinze ans pour y arriver, c’est donc un processus très long.

Alain Petter De plus en plus de professionnels de soins souhaitent accéder à des informations qui proviennent d’autres professionnels. Par exemple, les médecins de laboratoire veulent parfois accéder au dossier médical du patient pour interpréter correctement les résultats. Il en est de même pour les radiologues. Une grande difficulté viendra aussi de la création de référentiels de données.

A nouveau, c’est l’organisation côté métier qui est difficile à mettre en place. Un exemple : qui va gérer le référentiel des collaborateurs, pour savoir quelles informations ils auront le droit de visualiser et de modifier ? Le département RH ? Il ne se considère pas comme propriétaire des données. Une des directions métiers ? Oui, mais pas pour toutes les informations.

Bref, personne ne veut le faire, mais le système informatique ne fonctionnera pas si ces informations ne sont pas disponibles. Au passage, c’est une question qui est ouverte depuis plus de quinze ans …

Dominique Bayle Tous les établissements de santé ont la même problématique de système d’information mais elle peut être abordée de façons différentes. Et comme en informatique on peut faire tout et son contraire, et que le mieux est l’ennemi du bien, on parvient à des situations très diverses.

Tout le monde a raison et et peut justifier ses choix.! Il y a toutefois des choix technologiques émergents, par exemple le client léger.

Alain Petter En plus du dossier médical, les nouveaux sujets métiers qui vont nous occuper les prochaines années sont la confidentialité des données, la traçabilité des actions, du matériel implanté, la gestion de la vigilance, …

Dominique Bayle  J’observe que le poste de travail « microsoftisé et oraclisé » coûte trop cher. On ne peut plus se le payer. D’où notre stratégie vers le client léger, qui concerne 1 000 postes de travail sur nos 1 400 postes. J’ai également mutualisé les imprimantes, ce qui n’est pas sans créer des résistances de la part des utilisateurs, même si la direction générale a approuvé cette stratégie (beaucoup impriment leurs e-mails, et considèrent leur imprimante comme vraiment personnelle…).

Alain Petter Du point de vue de la technologie, nous convergeons vers des serveurs basés soit sur Linux, soit sur Windows.

D’ailleurs, nos serveurs Windows sont généralement virtualisés sur des plates-formes Linux. Comme nous cherchons avant tout à acquérir des produits du marché, nous sommes obligés de suivre les tendances et dans le domaine des bases de données, pour l’instant, c’est Oracle et SQL Server. Des produits basés sur PHP/MySQL sont encore rares dans notre domaine.

De plus, nous avons eu une très mauvaise expérience avec un produit de messagerie Open Source. Nous sommes devenus très prudents sur ce sujet…

Un plan de continuité des activités va être mis en place. En plus des procédures organisationnelles, cela nécessitera l’installation d’une seconde salle machine pour faire fonctionner les applications critiques, en cas de défaillance de la salle principale. Les postes de travail vont rester sur Windows avec Ms-Office.

Nous restons attentifs aux tentatives de passage vers OpenOffice. Les expériences vécues dans des administrations près de chez nous n’ont pas encore abouti à des résultats concluants.

L’externalisation

Dominique Bayle  La politique d’externalisation existait déjà avant mon arrivée. Mais dans un environnement caractérisé plutôt par le fait que des consultants produisaient du PowerPoint et que des pousseurs de chariots installaient les PC. J’ai conservé cette externalisation mais en augmentant la qualité. L’avantage essentiel de l’externalisation réside dans la gestion du data center, mutualisable et partageable.

Alain Petter Chez nous, l’externalisation totale ou partielle des infrastructures n’est pas à l’ordre du jour.

Je pense que les directions générales ont recours à cette solution lorsque des difficultés jugées insurmontables (perte de maîtrise du système d’information, coûts excessifs) sont constatées.

Dominique Bayle  Lorsque j’ai pris mes fonctions, une fuite d’eau a endommagé notre salle de serveurs et nous en avons profité pour externaliser nos 53 serveurs.

Auparavant, nous avons fait un test que je conseille à tous les DSI qui prévoient un déménagement de leurs serveurs : débrancher puis rebrancher les machines et voir ce qui ne fonctionne pas.

Alain Petter C’est à nous de maîtriser les risques, notamment en travaillant en permanence sur les questions de retour sur investissement des projets. Au-delà d’une externalisation simple des infrastructures, je pense qu’une voie possible est le regroupement de plusieurs centres.

La gouvernance du système d’information

Dominique Bayle  La gouvernance consiste d’abord à identifier ce que l’on dépense et ce que l’on possède. Lorsque j’ai pris mes fonctions, j’ai demandé un contrôleur de gestion, parce que nous avions beaucoup de contrats de maintenance, mais je ne l’ai pas obtenu. Pour la gouvernance économique de la DSI, je note tout ce que nous achetons.

En ce qui concerne la gouvernance du système d’information, il est essentiel de cartographier toutes les applications, les serveurs et les interfaces. Ce chantier nous a demandé six mois de travail. Nous avons affiché le résultat sur un mur, avec un système d’étiquettes de couleur à chaque fois que mes équipes découvrent une interface oubliée…

Nous n’avons pas de consultants en organisation mais des chefs de projet de bon niveau capables de faire accepter le côté structurant de nos applications standards, missionnés pour s’assurer qu’elles collent du mieux possible à l’organisation de façon à ce qu’elles ne soient pas remises en cause.

Alain Petter On voit qu’une autre révolution se prépare : la mutation du service informatique lui-même, qui doit prendre en charge, en particulier, des problèmes d’organisation métier, parce que, fondamentalement, l’informatique n’a de sens que si elle intimement liée à ses utilisateurs.

C’est le sens de la gouvernance IT : s’assurer que les activités du service informatique servent au mieux les intérêts et les besoins de l’entreprise. Nous y croyons tellement que nous avons créé un groupe dédié à ces activités. C’est déjà un bon début, mais où veut-on aller et comment ?

Par rapport à la situation actuelle, nous cherchons d’abord à impliquer fortement les directions métiers dans la définition des priorités de réalisation. Nous recevons, comme tous les services informatiques, beaucoup trop de demandes de projets par rapport à ce que nous pouvons réaliser. Nous reportons maintenant les décisions de priorité sur les directions.

Ensuite, nous avons centralisé plusieurs fonctions du service informatique : méthodologie de gestion de projet, gestion d’un portefeuille de projets, architecture. Cela permettra de faciliter les prises de décisions et d’améliorer la qualité de nos prestations. Enfin, nous allons produire un ensemble d’indicateurs sur le fonctionnement du service, à destination de la direction générale.

Bien entendu, cet ensemble d’objectifs est propre à notre fonctionnement et à notre situation actuelle. En complément à ces mesures, nous avons conçu le schéma directeur du SI, 2008-2013. La gouvernance sera un acteur essentiel du pilotage de la réalisation de cette opération.

C’est une première étape, qui prendra probablement plusieurs années ! Nous constatons tous les jours que nous avons beaucoup à apprendre en termes de conduite du changement. De nombreux freins, parfois très subtils, créent une prodigieuse résistance au changement, y compris parmi ceux qui en sont les promoteurs.

La première tâche de la gouvernance consiste donc à changer la culture d’entreprise. C’est une position particulièrement ingrate dans un milieu d’ingénieurs…

Dominique Bayle  Les échecs que j’ai pu voir sont souvent liés à la conduite du changement, qui est rarement pris en compte à sa juste mesure. Les utilisateurs tendent à subir l’informatique (on trouve encore des ordinateurs rangés dans des armoires) alors qu’il suffit souvent d’une explication.

Ils sont capables de changer dès lors qu’ils sont accompagnés dans une logique de bon sens ! Il faut obtenir leur adhésion et, sur ce terrain, je suis persuadé que les grandes entreprises sont dans la même situation que l’hôpital. Je ne suis pas partisan de mener les projets dans l’urgence, ce qui peut entrer en contradiction avec les exigences de l’hôpital : si je n’ai pas les ressources pour réaliser un projet, je le décale dans le temps. Sur ce terrain, l’hôpital ne gagne rien à agir à la hussarde !

Alain Petter Quoi qu’il en soit, le but final de la gouvernance est probablement de transformer la DSI en partenaire stratégique de la direction générale, de telle sorte qu’elle participe à toutes les décisions stratégiques de l’hôpital. C’est un défi passionnant !