La direction des systèmes d’information de l’Apec (Association pour l’emploi des cadres) a élaboré un tableau de bord indispensable pour piloter l’activité, la qualité de service… et déterminer le montant des primes des informaticiens.
A quoi sert un tableau de bord de la DSI ?
Dominique Jaquet On ne peut gouverner un système d’information que si l’on dispose d’outils de mesure. L’objectif est de trouver des indicateurs pour évaluer la productivité de la DSI. Il y en a beaucoup, surtout du côté de la production. Mais trop d’information nuit à l’information utile, car on est vite noyé sous les données.
L’idée est donc de construire un tableau de bord pour disposer d’une vision synthétique de tous les services du système d’information. Il s’agit de mesurer à la fois la productivité interne de la DSI et la productivité de celle-ci vis-à-vis des autres directions de l’entreprise. Pour l’Apec, la question est simple : pour gérer une offre d’emploi, la part de l’informatique diminue-t-elle ou augmente-t-elle chaque mois ?
Pour créer un tableau de bord, il faut d’abord se poser la question suivante : « Quels services la DSI rend-elle et comment peut-on les mesurer ? » Et, bien évidemment, avoir envie de mettre en œuvre cet outil qui contribue à la transparence des activités de la DSI et à l’explication des dysfonctionnements, ce que ne permet pas l’opacité.
Comment doit-on s’y prendre ?
Dominique Jaquet Nous demandons à chaque métier de caractériser ses activités. Par exemple, pour la direction financière, il peut s’agir du nombre d’écritures comptables, pour la direction des ressources humaines du nombre de bulletins de paie, ou, pour les consultants, du nombre d’offres d’emploi traitées.
En début d’année, la DSI s’engage sur ces éléments, par exemple le prix de traitement d’une offre d’emploi ou le coût d’une écriture comptable. Au préalable, nous vérifions que nos ressources sont suffisantes et identifions le budget qui tient compte de la stratégie du métier. L’objectif est bien sûr de montrer que les coûts unitaires diminuent.
Il est bien évidemment facile de diminuer les coûts si, en parallèle, on diminue la qualité. Mais il ne faut pas s’engager dans cette voie.
Qu’avez-vous intégré à votre tableau de bord ?
Dominique Jaquet Nous avons deux types d’utilisateurs : les internautes et les collaborateurs internes de l’Apec. En interne, pour la DSI, nous disposons d’indicateurs pour la micro-informatique (coût du poste de travail, réactivité pour la résolution des incidents), pour les développeurs (respect des délais), pour la maintenance (temps nécessaire pour traiter une demande) et pour la production (qualité de service aux utilisateurs, disponibilité des applications…). La qualité de service mesure la performance des équipes systèmes (fonctionnement des serveurs) et bases de données (qualité du SGBD).
Tous ces indicateurs sont consolidés dans un tableau de bord. Toutefois, cet outil doit être synthétique et tenir sur une page. Nous avons retenu six axes : l’audience du site et son évolution, la qualité de service aux utilisateurs, les ressources humaines, la finance, les aspects techniques et l’innovation.
Depuis la création de ce tableau de bord, nous avons enlevé la composante audience, car nous ne la maîtrisons pas. Pour les ressources humaines, nous mesurons le taux de recours aux prestataires externes. S’il est trop élevé, c’est risqué. De même, nous évaluons l’adaptation des compétences aux postes occupés.
Pour les aspects techniques, nous mesurons la réactivité aux incidents, car la DSI a des engagements quant à la résolution des problèmes (80 % doivent l’être dans la journée). Côté finance, nous évaluons le respect du budget, en unités de services métiers. L’ensemble du budget est décomposé par processus métiers.
Si l’on souhaite indexer les primes, qui représentent jusqu’à un mois de salaire, sur la performance de la DSI, le tableau de bord le permet. Pour les primes annuelles, nous nous basons sur des objectifs quantitatifs et qualitatifs.
Le qualitatif compte pour 15 % dans la prime des managers, en particulier sur leurs capacités à transmettre l’information et à faire remonter les problèmes. Les premiers sont à la fois collectifs et individuels, l’idée étant de créer un esprit d’équipe.
Faut-il privilégier la mesure des grandes masses budgétaires ou se focaliser sur les coûts unitaires ?
Dominique Jaquet Le tableau de bord est un outil pour défendre la DSI et, plutôt que de se focaliser sur les masses budgétaires brutes, il est préférable de privilégier les coûts unitaires pour tenir compte de l’évolution des volumes, surtout si le DSI dépend directement de la direction financière.
Il ne faut pas oublier d’intégrer tous les coûts. En réalité, ce n’est pas facile, dans la mesure où la gestion d’une offre d’emploi évolue dans le temps, les utilisateurs demandent des applications nouvelles et nous devons apporter le meilleur service aux recruteurs et alléger le travail de nos consultants.
Donc, pour mesurer le coût de gestion d’une offre d’emploi, il faut intégrer le coût de tous les projets. Par exemple, en 2007, nous avons géré le projet Pagode, pour améliorer la gestion des offres d’emploi en raccourcissant les délais entre le moment où un recruteur envoie son offre et le moment où elle est mise en ligne sur le site de l’Apec.
Cela a nécessité la modification du site Web ainsi que l’adaptation du back-office. Le délai a ainsi été fortement réduit. Nous avons également amélioré la gestion des CV, en simplifiant le processus de publication sur notre site Web. Les coûts de ces projets sont donc intégrés dans les coûts unitaires.
Comment bien choisir ses indicateurs ?
Dominique Jaquet Le tableau de bord doit être sensible aux faibles variations. Une note ne veut pas dire grand-chose, c’est, en réalité, l’évolution des indicateurs qui importe. Et la capacité du DSI à expliquer les écarts. Il faut donc une transparence dans la construction des notes : pas question d’inventer ou de faire dans l’approximatif !
Les indicateurs doivent être sensibles aux variations : affirmer que l’on est bon à 99,5 % n’est guère motivant. Nous avons retenu le principe suivant : la DSI s’engage, si on atteint l’objectif, nous avons un, sinon, c’est zéro, il n’y pas de cran intermédiaire pour évaluer si on a été « presque bon » ou « pas trop mauvais ».
Notre tableau de bord (voir graphique ci-contre, en haut) est mensuel et les résultats sont publiquement affichés. Les objectifs doivent être correctement mesurés et transparents. Les critères sont issus d’un brainstorming et les indicateurs ne doivent toutefois pas être trop figés.
Nous avons enlevé l’audience pour ne conserver que les indicateurs dont la DSI est responsable. Notre outil est basé sur la logique floue et les six axes de mesure que nous privilégions, avec la mesure de la qualité interne et externe. Chaque branche a un poids et quatre niveaux de qualité : bon, moyen, mauvais, très mauvais. Nous complétons le tableau de bord avec des enquêtes de satisfaction auprès des utilisateurs, mais il nous faut davantage les systématiser.
Par ailleurs, nous effectuons des benchmarks avec les autres grands sites de recherche d’emploi. La note, trimestrielle, que nous obtenons, est intégrée à la mesure de la qualité. Nous utilisons pour cela un robot (conçu par la société 2Be-fficient) qui simule à intervalles réguliers des transactions.
Les best practices de Dominique Jaquet
- Intégrez les résultats du tableau de bord aux primes d’objectifs.
- Choisissez des indicateurs dont la variation est significative.
- Ne multipliez pas les indicateurs dans le tableau de bord synthétique, qui doit rester lisible.
- Fixez des objectifs précis avec les directions métiers, en fonction de leurs propres unités d’œuvre.
- Affichez et diffusez largement le tableau de bord.
- Complétez la production du tableau de bord avec des enquêtes de satisfaction.
- Mixez des objectifs individuels et collectifs.
- Définissez des indicateurs pour les différentes entités de la DSI (maintenance, help-desk, systèmes, exploitation, études…).
- Intégrez des objectifs à la fois quantitatifs et qualitatifs.
- Intégrez le coûts des projets aux coûts unitaires mesurés.
- Le choix des indicateurs doit faire l’objet d’un consensus.