DSI ou directions marketing : qui sera le maître des données

Le fossé se creuse entre DSI et entités marketing. Soumises à des contraintes fortes d’investissement en solutions et confrontées à la nécessité de gérer le multicanal, ces dernières sont tentées d’aller vite. Plus vite que les DSI…

On se souvient que le cabinet Gartner a prédit qu’en 2017 les directions marketing investiront davantage en systèmes d’information que les DSI. En particulier parce que le métier des directeurs marketing s’est « numérisé ». D’ores et déjà, si l’on en croit Gartner, 30 % des investissements IT des directions marketing sont réalisés directement, sans passer par la case DSI.

Doit-on y voir les prémices d’une guerre au sommet entre les DSI et les directions marketing ? Une analyse menée aux États-Unis auprès de 237 DSI et 140 directeurs marketing (CIO/CMO Partnership Survey) révèle que ces deux populations considèrent globalement leurs relations plutôt bonnes, voire excellentes : quatre DSI sur dix estiment que les relations avec leurs directeurs marketing sont excellentes. Une proportion équivalente à celle des directeurs marketing jugeant leurs DSI… Cela dit, à l’opposé, il en reste deux sur dix pour estimer que les relations ne sont pas bonnes, surtout dans les grandes entreprises.

Autre enseignement de cette étude : les DSI voient davantage les directions marketing comme des « acteurs malhonnêtes » (« rogue players »), qui n’en font qu’à leur tête en matière d’investissement. Quant aux directeurs marketing, ils sont prompts à percevoir les DSI comme des obstacles qui bloquent les projets (voir tableau), surtout lorsqu’il s’agit d’investir dans la mobilité et le big data, sujets qui font davantage polémique que le cloud computing (plutôt piloté par la DSI) ou le CRM (plutôt piloté par les directions marketing). L’étude « State of Marketing » réalisée par IBM auprès de 500 directeurs marketing au niveau mondial révèle que trois sur dix placent « la gestion, la collecte et l’utilisation des données externes et internes » parmi leurs challenges prioritaires. Cela promet des débats pour savoir qui sera, à terme, le « maître des données » dans les entreprises.

D’autant que l’enjeu est significatif : selon une analyse menée par Aberdeen Research, quasiment toutes les grandes entreprises (98 %) vont augmenter leurs investissements cette année en marketing analytique, mais leurs directeurs marketing pointent le manque d’intégration des sources de données, la diversité des formats de données et la difficulté d’accéder aux données comme principaux obstacles. Les consultants d’Aberdeen montrent également que les entreprises les plus performantes sont aussi celles dans lesquelles l’alignement entre la DSI et le marketing est le plus mature (voir graphique). Globalement, comme l’affirme une étude d’Accenture Interactive, « les turbulences font partie du quotidien des directeurs marketing », dont les principales difficultés sont l’inefficacité des processus, le manque d’outils technologiques adaptés pour faire face à la diversité des canaux et la prolifération des partenaires avec qui travaillent les directions marketing pour développer « l’ADN numérique » de l’entreprise.

On risque, comme le montre une étude réalisée par Eurogroup Consulting, de perpétuer un « dialogue de sourds » : « Non seulement la performance économique du système d’information est reconnue comme centrale dans le dialogue qui lie métiers et DSI, mais elle semble de plus revêtir une complexité source, si ce n’est de tension, tout au moins de forte incompréhension. » Autrement dit, résume l’étude d’Eurogroup Consulting : « Sur le build, la DSI est une experte non reconnue, et sur le run, les métiers ne cherchent même pas à ouvrir la boîte noire. » Plusieurs raisons expliquent cette situation relativement difficile : un partage déficient de la vision stratégique, l’influence de l’informatique personnelle dans l’entreprise, des inducteurs de coûts difficiles à faire accepter, des coûts cachés ou encore le poids de l’histoire.

Comment sortir de l’impasse ? Selon les consultants d’Eurogroup, il convient d’agir dans plusieurs directions : mettre en place un langage commun (avec des « piqûres de rappel, sinon le nouvel état d’esprit se dissipe vite »), anticiper les craintes des donneurs d’ordres (le SI trop cher…), clarifier les responsabilités autour du ROI, asseoir le modèle économique de la DSI, maîtriser les comparaisons (le benchmark est toujours tentant…) et « challenger » les usages.

 

Comment les DSI voient les directeurs marketing… et inversement 
 Comment les DSI voient les directeurs marketing  Comment les directeurs marketing voient les DSI
 Une force de proposition  36 % 30 %
 Un acteur malhonnête (« rogue player »)  26 %  6 %
 Un rôle de conseil stratégique  24 %  31 %
 Un sensibilisateur sur les risques  8 %  19 %
 Un obstacle pour les projets  6 %  14 %
Source : CIO/CMO Partnership Survey, 2013.

 

 Quelques convictions des directions métiers…  … et les bonnes questions des DSI
 « Tant que ça marche… ça marche »  Oui mais… qu’en est-il du coût du plan de reprise d’activité en cas de panne de l’application ?
 « Elle marche très bien cette vieille version, c’est le principal »  Oui, mais… avez-vous calculé le coût d’une montée de version par rapport au coût de maintenance d’une version obsolète ?
 « Dans le doute, partons sur du 24/7 »  Oui, mais… avez-vous calculé le coût d’un service « premium » par rapport à un contrat de service plus adapté aux réels besoins ?
Source : Eurogroup Consulting.