E-transformation : les défis du B.I.O. pour s’imposer

Agilité, performance, innovation… le contexte actuel pousse les organisations à penser et agir autrement. C’est d’autant plus vrai pour les directions des systèmes d’information actuelles, qui se transforment à l’ère du tout numérique, de la modernisation des usages et de l’importance stratégique du capital immatériel où les métiers sont parties prenantes.

C’est par cette nouvelle fonction, que le Business Information Officer (B.I.O.) participe activement à la mutation de la DSI, génératrice de valeur. Mais qui est-il ?

Outre-Atlantique, le terme de B.I.O. a fait son apparition dans quelques grands groupes, indiquant de manière significative l’implication du DSI vers les opérationnels et l’écoute du marché : « Comprendre les enjeux business pour mieux y répondre », nous indique l’un d’entre eux.

Trois lettres de noblesse qu’il faudra acquérir pour donner un plus grand rayonnement et trouver sa place dans l’entreprise numérique de demain. Déjà en marche, celle-ci ne vise pas seulement à venir en support des processus actuels, mais bien à faire évoluer les usages ou à substituer des services produits en s’appuyant sur le potentiel offert par les nouvelles solutions (smartphones, tablettes, cloud computing…).

Bien que la tendance actuelle soit au « green IT » et au développement durable, le terme B.I.O. ici utilisé ne signifie pas que le DSI devient biologique ou écologique, mais plutôt qu’il évolue avec son temps. Plusieurs DSI témoignent en faveur de cette évolution : « Le DSI ne va pas disparaître, les systèmes d’information étant de plus en plus présents dans les processus des organisations, il va devenir un acteur du changement et de la transformation. » Ce phénomène, observé depuis déjà quelques années par le Cigref, implique la promotion de l’entreprise numérique.

Être au plus près des problématiques des directions métiers, refuser de s’inscrire comme un centre de coûts, capter les innovations pour créer des leviers de compétitivité, comprendre et être compris par les autres directions (de manière permanente, et pas seulement dans les alertes et les urgences), tels sont les défis relevés par ces pionniers d’une ère nouvelle.

Ce nouveau poste (B.I.O.) pourrait bien séduire les dirigeants de nos grandes organisations européennes permettant ainsi d’animer une communauté de métiers à l’écoute des opportunités numériques pour l’avenir.

2012-2015, un nouveau virage

Ayant largement dépassé le stade de l’automatisation des tâches, depuis plus de soixante ans d’existence, l’informatique est devenue, grâce à sa transversalité, un véritable « moteur d’entreprise », mais également un facteur de positionnement concurrentiel et stratégique pour ceux qui veulent bien le comprendre. La fiche de poste d’un responsable informatique a bien évolué et s’étend bien au-delà de l’ingénierie technique.

L’entreprise numérique ne doit pas être réduite à une circulation accélérée et structurée de l’information, mais doit créer de nouveaux modes d’échanges et de coopération collective entre les collaborateurs et le client.

Cependant, en fonction des organisations, les leviers de modernisation des SI sont plus ou moins matures. Ils dépendent souvent du dynamisme du secteur d’activité, de facteurs exogènes (marché, clients, concurrence et partenaires) et de facteurs endogènes (les ressources au sens large), mais aussi de l’héritage d’informations et de technologies de l’entreprise (le patrimoine culturel et le patrimoine informatique).

De grandes disparités sont observées notamment entre le secteur privé et secteur public. Un constat majeur reste sans équivoque : « Toutes les organisations ne sont pas en mesure d’installer un dialogue d’égal à égal entre le DSI et leurs homologues des directions métiers. »

Pour des organisations matures, les décideurs informatiques cherchent à contractualiser, voire à facturer, leurs prestations informatiques dans le respect des exigences formulées par les opérationnels. Cette « mise sous tension » permanente oblige les équipes et les processus informatiques à intégrer la notion de service et de valeur ajoutée tant dans les projets que dans les activités courantes. Les bénéfices de ces engagements permettent de part et d’autre de progresser pour exprimer clairement une demande et la réaliser.

Des facteurs d’accélération

Une étude publiée récemment par Forrester Research révèle que le DSI élargit son périmètre d’intervention. Demain, le DSI va être doté de nouvelles capacités de décision (on parle d’empowered CIO). L’accumulation de ses responsabilités le conduit à piloter avec plus de performance ses activités (services, architectures, standards…), à mettre en place un modèle d’organisation et de gouvernance adapté (sourcing, innovation…) démontrant la création de valeur.

Dans un contexte économique troublé, les cartes sont rebattues et trois d’entre elles peuvent devenir des facteurs clés d’accélération de la performance pour la DSI. Le Business Information Officer saura y contribuer pour y trouver sa place :

  • Carte n°1 : développer sa capacité d’inno­vation,
  • Carte n°2 : anticiper et maîtriser tous ses risques,
  • Carte n°3 : accroître sa performance grâce à des processus efficients.

Quelques-uns de ces éléments sont illustrés dans l’étude Forrester indiquant que les dirigeants métiers attendent un développement des compétences de la DSI en matière d’analyse des processus métiers (59 %), de gestion des risques et de la sécurité (57 %), de gestion de projets métiers (53 %).
Innover, penser autrement
et s’organiser

La première carte sur laquelle les entreprises doivent investir à bon escient est l’innovation. Les systèmes d’information peuvent représenter un levier d’action majeur pour soutenir la stratégie de l’entreprise, mais leur financement est critique : « Faire toujours plus avec des ressources restreintes sans déprécier la qualité ». Le DSI est au cœur de l’innovation et devient moteur en proposant d’adopter des techniques agiles (Scrum, XP…), de suggérer de nouveaux usages collaboratifs, de renforcer la proximité dans l’émission des demandes pour servir au plus juste les utilisateurs.

De nouveaux modèles d’organisation se dessinent, les cycles de développement se raccourcissent et le time to market rythme l’innovation. Le B.I.O. saura s’impliquer notamment dans la sélection des idées novatrices, créatrices de réelle valeur ajoutée pour le business et démonstratives au regard des attentes de la direction générale.

Maîtriser les risques

La notion de risques est permanente dans l’entreprise et se décline notamment à la DSI, qu’elle soit exposée aux critères technologiques et sécuritaires, aux ruptures brutales de services (PRA, PCA), aux exigences réglementaires et juridiques ou encore à la dégradation de la pérennité de l’information face aux risques des marchés.

Cette deuxième carte illustre un axe de travail sur lequel toute DSI est engagée fortement vis-à-vis de ses clients internes : « Anticiper pour couvrir le risque et rétablir dans les meilleurs délais le service rendu ». Les directions d’audit et du contrôle interne challengent les DSI sur les points clés à surveiller et demandent la mise en place de plans de contrôle approfondis et fortement personnalisés aux métiers.

La montée en puissance des différentes formes d’externalisation (multisourcing, centres de services partagés, offshore) et l’accélération des progrès technologiques (cloud computing, IaaS-SaaS, progicialisation) sont des paramètres de la variabilité des risques à laquelle la DSI choisit ou non de s’exposer.

Ces expériences renforcent la nécessité d’attribuer des ressources dédiées au pilotage de la relation « client-fournisseur » et d’éviter de sous-traiter une activité non maîtrisée. Dans un dialogue permanent avec les clients internes, le B.I.O. pourra être partie prenante dans le suivi de la performance et de la satisfaction par rapport aux engagements initiaux de la relation.

Viser l’excellence opérationnelle

Troisième carte indissociable des attentes de la modernisation de la DSI : l’excellence opérationnelle. Véritable leitmotiv des dirigeants, c’est la réponse quotidienne de la performance de la DSI pour garantir le maintien en condition des systèmes, des applications et des données et permettre à l’entreprise d’être compétitive. Avec les nouvelles règles imposées dans l’entreprise numérique, le périmètre de responsabilité de la DSI s’est démultiplié non sans rencontrer quelques difficultés.

L’architecture des systèmes d’information est confrontée aux évolutions réglementaires (droit d’accès et sécurité, données personnelles, publications légales..), aux demandes des métiers et à l’obsolescence technologique. De plus, l’ambiguïté qui règne dans le quotidien des projets perdure : des attentes métiers mal exprimées, trop d’utilisateurs souvent insatisfaits, des informaticiens démunis face à la démobilisation d’un sponsor métier, des maîtrises d’ouvrage s’octroyant la décision « de faire » à la place des métiers, etc.

Au final, les attentes des directions générales restent encore mal satisfaites de l’apport des systèmes d’information, comme le confirme Gartner dans son étude publiée début 2011 et titrée : « Les PDG ont le blues, les DSI sont aux aguets ». Elles aspirent à rentabiliser au maximum leurs investissements en R&D et à encourager la mise sur le marché de leurs produits et services dans un mode multi-canal (e-commerce, smartphones, e-services, réseaux sociaux, etc.). L’émergence d’une fonction moins technophile comme le Business Information Officer devrait permettre de s’inviter à la transformation de l’entreprise.

À la recherche du B.I.O.

Récente, et plutôt déployée dans le secteur tertiaire, cette fonction participe efficacement aux actions de transformation de la DSI pour s’inscrire dans l’entreprise numérique de demain et démontrer la valeur apportée aux métiers par les systèmes d’information. Où le B.I.O. peut-il exercer ? Vous pourrez trouver ce poste plutôt dans les grandes organisations ayant un niveau de maturité avancé. Il n’existe pas de modèle d’organisation idéale des DSI mais des facteurs favorisent son évolution et lui permettent de sortir de sa coquille « technophile » pour se faire une place.

Mais qu’est-ce qui le différencie du DSI actuel ? En 1996, on chassait « le DSI technicien, organisateur, stratège ». En 2005 on scrutait des profils polyvalents de type « gestionnaire ambitieux ». Aujourd’hui, une nouvelle vague d’évolution se prépare. Le profil attendu du B.I.O. devra répondre à une liste impressionnante de qualificatifs : communicant, leader, fédérateur, porteur d’idées nouvelles, passionné, technophile, stratège, charismatique, visionnaire, opérationnel, gestionnaire…

Quelle est concrètement sa mission ? Axé princi­palement sur le patrimoine informationnel de l’organisation, ce Business Information Officer agit au plus près des métiers en toute objectivité et accompagne les projets hautement stratégiques (performance opérationnelle, préparation amont de fusions ou d’acquisitions, etc.).

Il s’entoure en général d’une équipe de Business Process Owner (responsables de processus) qui ont la responsabilité de moderniser et fiabiliser les processus clés de l’entreprise. Les priorités sont données au front-office avec les processus de vente (sell & sell-on) et de conquête de marchés-clients-partenaires (par exemple un programme de Yield management, ou un projet d’optimisation de la performance de ses commandes clients en mode multicanal).

Comment savoir si l’organisation a besoin d’un Business Information Officer ? Les organisations pouvant prétendre à créer ce poste sont d’un niveau de maturité déjà suffisamment avancé et se préocuppant fortement à servir/soutenir la stratégie des directions opérationnelles. En 2010, 38 % des DSI étaient rattachés à la direction générale (contre 55 % prévus en 2012), il est raisonnable de supposer que ce poste B.I.O. participera aux évolutions de la DSI, à son positionnement dans l’organigramme auprès des instances dirigeantes.

Adhérent aux valeurs de l’entreprise, le Business Information Officer est décrit comme un manager énergique au sein de la DSI. Il imposera le respect et la reconnaissance de ses pairs. Fin stratège, il a une excellente connaissance du secteur d’activité sur lequel il intervient et est en recherche de nouveaux leviers de compétitivité pour son organisation.

Ayant à cœur de démontrer des résultats mesurables, il mettra en action les trois facteurs décrits permettant d’accélérer la transformation vers une entreprise numérique : innovation, risques et excellence opérationnelle. Pour garantir le succès, il conduira une politique de communication structurée accompagnant ce changement. Si ce profil, décrit comme « la perle rare », est trouvé, il faudra des arguments de chocs aux dirigeants pour le retenir.

Cet article a été écrit par Sandrine Allard et Frédéric Doche (DPC).