Innovation : les dix prérequis pour les DSI

Le cabinet de conseil en recrutement par approche directe Arrowman Executive Search et Best Practices SI ont organisé un petit déjeuner sur le thème de l’innovation. Objectif : identifier les dix prérequis et bonnes pratiques pour les DSI.

Comment concilier innovation et réduction des coûts ? Quelles approches faut-il privilégier ? Avec quelles compétences ? Comment convaincre les DG de la nécessité d’innover ? L’externalisation est-elle l’ennemie de l’innovation ? Telles étaient les questions abordées lors d’un récent petit déjeuner d’échanges organisé par Arrowman et Best Practices Systèmes d’Information. Les participants ont, à partir de leurs propres expériences, identifié les dix principes clés d’une approche d’innovation.

1. Un soutien actif de la DG. Pas d’innovation sans que celle-ci soit impulsée par la direction générale : cela paraît évident mais l’innovation, si elle émerge, trouve vite ses limites si les dirigeants, au mieux, s’en désintéressent, au pire, la freinent. « Souvent, les comités de direction parlent finance et réductions de coûts avant de discuter d’innovation », déplore Bruno Annic, vice-président Systèmes d’information d’Arkadin.

Si la direction générale n’apporte pas de soutien suffisant, « cela devient très compliqué dans la mesure où c’est quand même elle qui contrôle les budgets, les équipes, les modes de gouvernance et qui décide », remarque le DSI d’un groupe bancaire (*). Il faut alors parier sur une appropriation de l’innovation par la direction générale : « Nous avions été les premiers à créer une application mobile pour identifier nos clients, la direction générale en a fait un sujet de communication externe qui a eu des répercussions médiatiques importantes », se souvient-il.

2. Une structure d’expérimentation. La concrétisation de l’innovation passe par le fait de montrer/démontrer comment elle se décline pour ceux qui en bénéficient. Par exemple, le groupe Bouygues a mis en place un e-lab (http://e-lab.bouygues.com/), structure légère directement rattaché à Alain Pouyat, directeur général Informatique et Technologies nouvelles et définie comme « l’équipe de R&D de Bouygues au service des projets d’innovation et d’optimisation des métiers du Groupe. »

À la Saur, ex-filiale de Bouygues spécialiste de la gestion déléguée des services à l’environnement, la DSI a été force de proposition : « Nos 4 000 techniciens parcourent plus de 80 millions de kilomètres par an et si l’on économise ne serait-ce que 5 % de ces kilomètres, on imagine l’enjeu financier et en termes de productivité, rappelle Jean-Pierre Oudin. Nous avons présenté une maquette de dématérialisation de documents et d’optimisation des tournées des techniciens, dans le cadre du programme Everest relatif à l’optimisation des opérations d’interventions sur les réseaux, ainsi qu’un système d’étiquettes RFID pour mieux identifier les « points d’apport volontaire » et leur niveau de remplissage afin d’optimiser la fréquence de passage pour les vider. »

3. Un modèle économique propice à l’innovation. Toutes les entreprises ne sont pas logées à la même enseigne. On peut distinguer quatre catégories d’innovation, selon les stratégies commerciales, les modèles économiques et le positionnement sur le marché (voir schéma page 3). « Il est difficile d’investir lorsque le modèle économique de l’entreprise ne permet plus de générer suffisamment de marge et que la priorité est donnée à la réduction des coûts et des Opex », estime Bruno Annic, vice-président Systèmes d’information d’Arkadin et qui a été auparavant DSI dans des entreprises représentatives de cette situation.

4. Du temps et des ressources. L’innovation nécessite d’y consacrer des ressources notamment en temps, ne serait que pour la susciter dans ses équipes, la piloter et évaluer ses effets. « Un contexte de restriction budgétaire n’est pas nécessairement un inconvénient si l’on parvient à identifier quelques idées clés pour l’entreprise, à en faire des projets pilotes et à en démontrer le retour sur investissement dans les trois à six mois », souligne le DSI d’un groupe bancaire, qui estime consacrer entre 5 % et 10 % de son temps à trois missions essentielles : « Le sourcing et la veille, en lien avec les métiers, la gouvernance de l’innovation et le pilotage de la contribution des projets. »

5. Une vision globale des apports de l’innovation pour l’entreprise. La vision transversale est ici indispensable, et hors du monde des technologies de l’information. Souvent, une innovation développée dans une direction métiers ou un pays peut être très profitable à d’autres, même si en apparence ce n’est pas le cas. « L’innovation ne se résume pas à une technologie, c’est avant tout une idée ou un processus qui apporte de la valeur, par exemple en permettant d’accroître les parts de marché, d’améliorer le service client, d’augmenter la productivité ou de diminuer les coûts », résume le DSI d’un groupe bancaire.

Dans ce groupe, la DSI a pris des initiatives : « Nous avons identifié une dizaine de thématiques susceptibles d’intéresser les métiers pour des besoins non couverts, raconte-t-il, par exemple, des accès universels au système d’information pour les commerciaux afin d’éviter de se reconnecter le soir, des puces RFID pour gérer plus efficacement nos parcs de véhicules ou encore des outils collaboratifs pour faire mieux travailler ensemble des collaborateurs de plusieurs filiales. »

Chaque initiative fait l’objet d’une « All-in-one page » qui résume la problématique, les enjeux et le retour sur investissement. « Le plus difficile a été de trouver des « sponsors »… », soutient le DSI d’un groupe bancaire. Il existe désormais dans ce groupe une direction de l’innovation, qui travaille en étroite collaboration avec la DSI. « Nous observons des démarches d’innovation en dehors de l’IT, avec des applications très concrètes et des résultats impressionnants », ajoute Jean-Pierre Scandella, associé-gérant d’Arrowman Executive Search.

6. Une prise en compte des besoins et exigences des métiers. C’est le travers de l’innovation strictement technologique: ne pas coller aux besoins des métiers et privilégier la diversité des fonctionnalités sur l’usage. Mais l’inverse est aussi vrai. « Pour certains DG, l’innovation ne peut venir que des métiers, mais c’est une approche qui me semble réductrice, car l’innovation vient aussi des utilisateurs internes et de la DSI », assure le DSI d’un groupe bancaire.

7. Un pilotage et une gouvernance. Ces deux éléments constituent un effet de levier pour capitaliser sur l’innovation. « La gouvernance de l’innovation doit se décliner à la fois dans la DSI et dans le reste de l’organisation », conseille le DSI d’un groupe bancaire.

8. Une culture et une sensibilisation de tous les collaborateurs. « L’innovation est avant tout une question de maturité et de volonté, surtout pour les directions générales », assure Jean-Pierre Oudin. Pour Bruno Annic, le DSI a un rôle de vulgarisation : « Cela suppose de travailler sur deux types de populations : les managers et les utilisateurs », même si, reconnaît Jean-Luc Lapon, « il est inutile de vouloir ramer contre le courant… »

Il s’agit aussi de prendre en compte les évolutions sociologiques liées à l’arrivée de nouvelles générations : « Le challenge sera de réussir à intégrer les jeunes qui ont des repères très différents de ceux de leurs aînés, et je ne suis pas certain que les DRH soient tous conscients de cet aspect pourtant fondamental », déplore Jean-Pierre Scandella.

9. Un processus collaboratif et des relais en interne. « Les collaborateurs notent les idées des autres et le projet de celui qui a le plus de « I like » est soumis au comité innovation qui décide si le projet mérite d’être transformé en prototype », explique le DSI d’un groupe bancaire.

10. Une ouverture hors de l’entreprise. L’innovation ouverte (ou Open Innovation) consiste à intégrer les clients, les partenaires, les fournisseurs, voire les concurrents dans le processus d’innovation. L’idée sous-jacente est une ouverture vers l’écosystème. Un groupe financier a, par exemple, lancé un challenge auprès d’écoles de commerce (dix équipes sur une période de trois mois) afin d’imaginer des applications mobiles mettant l’entreprise en avant. « On externalise, certes, mais on conserve le contrôle, on ne peut en effet déporter le pilotage de l’innovation en dehors de l’entreprise », nuance le DSI d’un groupe bancaire.

(*) La direction de la communication de ce groupe bancaire ayant interdit à ce DSI de témoigner publiquement, nous avons rendu anonymes ses propos.


Les dix prérequis

  1. Un soutien de la DG
  2. Une structure d’expérimentation
  3. Un modèle économique propice à l’innovation
  4. Du temps et des ressources
  5. Une vision globale des apports de l’innovation pour l’entreprise
  6. Une prise en compte des besoins et exigences des métiers
  7. Un pilotage et une gouvernance
  8. Une culture et une sensibilisation de tous les collaborateurs
  9. Un processus collaboratif et des relais en interne
  10. Une ouverture (Open Innovation) hors de l’entreprise

Source: Best Practices.