Intégrer le multicanal dans le CRM

Caceis Corporate Trust reconsidère sa démarche de référentiels en étendant les fonctionnalités du CRM, pour intégrer différents canaux d’interaction avec les clients. Le témoignage de Philippe Boisvieux, responsable des systèmes d’information de Caceis Corporate Trust. Filiale de Caceis (détenu à 85 % par Crédit Agricole SA et à 15 % par Natixis), Caceis Corporate Trust propose des services aux sociétés émettrices d’actions tels que la gestion de leurs services titres et financiers, celle de leur plan d’actionnariat salarié, et la prise en charge des échanges avec leurs actionnaires/salariés.

« Ces activités ont un caractère sensible et requièrent une gestion précise », rappelle Philippe Boisvieux, responsable des systèmes d’information de Caceis Corporate Trust. En 2006, des outils disparates et un manque d’interconnexion encouragent la direction des systèmes d’information de Caceis Corporate Trust à réfléchir à une nouvelle approche afin de faciliter le pilotage de l’activité de traitement des demandes. « Nous cherchions à fiabiliser les processus opérationnels, les sécuriser, et garantir un meilleur service aux actionnaires », explique Philippe Boisvieux.

Se pose alors la question de l’outil adapté. Faut-il utiliser une solution de marché ou réaliser un développement interne ? D’emblée, le sur mesure s’impose de lui-même car il faut répondre rapidement aux enjeux du groupe. « Le sur mesure s’avérait indispensable pour mettre en place des services interapplicatifs sur un back office très spécifique », précise Philippe Boisvieux. Baptisé « poste relation investisseur », cet outil interne permet, dès 2008, d’automatiser les processus opérationnels, c’est-à-dire les flux, les ventes, les levées de stock-options, les achats, et d’éviter ainsi tout risque opérationnel dû à une défaillance des procédures de l’établissement (erreur, malveillance) ou des systèmes internes (panne informatique).

« Nous n’avions pas détecté de solution de marché capable d’être intégrée sur les pages Web et facilement interfaçable avec notre système d’information », se souvient Philippe Boisvieux. « Le niveau de complexité du projet nous a donc obligé à développer une solution sur mesure permettant une meilleure maîtrise ». Mi-2008, le responsable des systèmes d’information entame une réflexion sur la centralisation des informations et l’automatisation des traitements back office.

Et c’est en 2009 que ce projet sera déployé, avant une nouvelle évolution vers un vrai projet CRM. Car Caceis Corporate Trust veut gérer les interfaces avec les e-mails, les fax, les courriers scannés entrants des actionnaires. Faut-il dès lors poursuivre le développement de l’outil en interne ?

« Dès le départ, la solution envisagée devait permettre de positionner un outil externe sur notre solution interne de gestion des flux. La notion de workflow était primordiale ! L’outil devait être capable d’automatiser un certain nombre de tâches en tenant compte de multiples paramètres », explique Philippe Boisvieux. Cette notion de workflow aura finalement guidé le choix d’une solution de marché qui semble plus simple dans la mesure où elle dispose de fonctionnalités d’interfaçage avec les e-mails et le scan des courriers. Une étude approfondie décrivant les réels besoins en matière de demande d’informations, de gestion des réclamations et des processus opérationnels est lancée.

Puis Philippe Boisvieux établit le cahier des charges, avec la collaboration de Logica (devenu CGI depuis 2012) qui intervient dans le choix de l’outil CRM et gère également l’appel d’offres. Trois candidats sont retenus : Microsoft, Salesforce et Oracle. « Ce qui prévalait dans le choix de l’outil était la capacité à modéliser l’organisation de l’entreprise et à gérer des cas complexes d’adressage d’une demande d’un service à un autre », indique Philippe Boisvieux. « Les nouveaux processus organisationnels de l’entreprise devaient nous permettre de gagner du temps ».

Si Oracle n’apparaît pas suffisamment souple pour la gestion des processus, Salesforce présente, pour sa part, un inconvénient majeur : celui d’imposer l’hébergement du « référentiel actionnaires » de Caceis Corporate Trust aux Etats-Unis. « Non seulement cette approche était techniquement complexe, puisque notre base de données représentait 300 000 actionnaires actifs, mais elle engendrait aussi des problèmes de confidentialité », souligne Philippe Boisvieux.

La préférence ira finalement à Microsoft et sa solution Dynamics CRM. « Nous avions déjà des serveurs Microsoft, d’où une facilité d’exploitation entre les différentes solutions, et l’interfaçage avec Outlook était facilité. »

Mais le lancement du projet de CRM va être retardé en raison d’un changement de direction et d’une réorganisation du back office. La direction informatique prend alors le projet en main et fait appel à Avanade pour assurer l’intégration. « En fait, nous avions déjà fait appel à cet intégrateur lors de la refonte d’un de nos outils de back office de gestion des assemblées générales. Satisfaits de leur prestation, nous avons décidé de retravailler avec eux, d’autant plus qu’ils maîtrisent les technologies Microsoft », justifie Philippe Boisvieux. Le responsable des systèmes d’information forme une équipe projet d’une vingtaine de personnes dont des membres du service juridique et du back office, des contrôleurs et des managers de la direction des opérations.

Privilégier la méthode agile

Le déploiement de Microsoft Dynamics CRM s’organise en deux temps. En septembre 2008, l’entreprise passe en mode prototypage itératif, via une méthode agile qui implique les utilisateurs finaux dans les groupes de travail. Cette approche va rapidement révéler à Caceis Corporate Trust la complexité d’analyse des processus, comme par exemple le fait qu’un investisseur puisse avoir plusieurs clients et donc des demandes différentes.

Dans ce cas, l’établissement financier doit être capable de qualifier l’interlocuteur, d’attribuer sa demande au bon service et de définir la typologie de la demande (flux, levée de fonds, achat d’actions, fiscalité, gestion du compte).

« Un investisseur peut avoir des comptes chez plusieurs de nos clients. Il faut donc que nous puissions identifier en amont le client auquel renvoie la sollicitation », explique Philippe Boisvieux. Le workflow en place va pouvoir décrire le circuit de validation, les tâches à accomplir des différents acteurs, les délais et les modes de validation. « Une fois l’actionnaire identifié, la typologie établie, la demande est adressée au bon service, qui peut alors la traiter correctement. »

La seconde étape, initiée en janvier 2011, se concentre sur l’ergonomie. Et pour s’assurer de l’adhésion à l’outil, Caceis Corporate Trust va encore privilégier une approche itérative et agile. Il s’agit d’affiner le dialogue homme-machine notamment avec l’amélioration de l’identification de l’appelant (téléphone, e-mail, fax, etc.).

L’optimisation des processus opérationnels dans le CRM se traduit notamment par l’intégration de davantage de services, comme les demandes ou les réclamations, la prise en compte des normes et des délais réglementaires…

En septembre 2012, Caceis Corporate Trust achève une évolution de l’outil : dans cette version, des informations telles que la date de la demande ou l’historique des échanges sont affichées. L’accès aux documents est également facilité, et l’intégralité des documents indexés à la demande est visible sur un même écran.

« Cette seconde version est centrée sur l’ergonomie, la vision, la précision, avec une vision à 360° des informations, précise Philippe Boisvieux. C’est à ce moment que l’essentiel des demandes des utilisateurs en matière d’ergonomie, de fonctionnalités et de facilité d’usage ont été intégrées. »

Emporter l’adhésion des utilisateurs

Pour mieux faciliter la prise en main de l’outil et de la nouvelle organisation, plusieurs ateliers sont organisés avec les utilisateurs de la direction des opérations, mais aussi des autres services concernés. Ces ateliers s’étaleront sur près d’un an, de juillet 2008 à juin 2009. « De façon à ce que chaque utilisateur puisse formuler ses besoins, il faut essayer l’outil et obtenir les spécificités qu’il souhaite. Notre objectif était d’emporter une totale adhésion », confirme le responsable des systèmes d’information. Car les freins aux changements restent nombreux.

« Nous changions d’outil et donc d’environnement et d’habitudes de travail », insiste Philippe Boisvieux qui précise que « l’évolution de l’outil n’aurait pas été rendue possible sans l’implication des salariés concernés. » Ces derniers avaient d’ailleurs spécifié leurs exigences : un outil ergonomique, une gestion automatisée à son maximum et un workflow supprimant certaines tâches ou demandes.

Un autre point évoqué par les utilisateurs était la capacité à suivre, dans l’outil, l’évolution des tâches réalisées afin de démontrer une réelle progression.

« Automatiser au maximum les demandes d’informations, disposer d’un catalogue de réponses préétablies notamment lors de déclarations fiscales, faisait partie de la liste des requêtes mentionnées par les utilisateurs », poursuit Philippe Boisvieux qui devait aussi tenir compte des spécificités propres à chaque service. « La présence des différents métiers dans le groupe de travail nous a permis d’intégrer leurs demandes et de leur apporter les fonctionnalités adéquates », se souvient Philippe Boisvieux.

Côté bénéfices, l’outil CRM rend plus facile l’interfaçage avec les fax et les e-mails. Le workflow, intégré dans la solution, favorise la transmission des demandes dans les différents services identifiés dans l’organisation. Les tableaux de bord sont également plus compréhensibles. « De nombreuses fonctions très utiles ont été améliorées, telles que les indicateurs clés (KPI), l’identification des clients ; ou ajoutées, comme l’indexation/classification automatisée des fax, e-mails et courriers numérisés, via un logiciel de reconnaissance de caractères… », précise Valérie Martin, chef du projet chez Caceis Corporate Trust.

D’après Philippe Boisvieux, un outil centralisé et un traitement rapide des demandes présentent un réel avantage compétitif : « Ce CRM nous permet aussi d’étendre notre plage horaire de service vers nos clients, en leur apportant 18 heures d’ouverture de service, avec notre filiale de Toronto, au Canada. » Caceis Corporate Trust a d’ailleurs prévu une accessibilité en plusieurs langues, 24 heures sur 24.

« Tous les services opérationnels utilisent aujourd’hui l’outil, devenu indispensable : mieux gérer les demandes, mieux les centraliser, nous fait gagner du temps et améliore la qualité des prestations que nous rendons », estime Philippe Boisvieux. La seconde version de la solution a été opérationnelle en septembre 2012. Elle permet notamment d’obtenir une vision complète du client et de l’investisseur. Depuis, les tableaux de bord ont été adoptés en interne et sont désormais largement utilisés. En outre, le suivi des échanges permet de parcourir l’arborescence des discussions entre Caceis Corporate Trust et les investisseurs.

CRM et gestion du changement : une grille d’analyse
Phases du projet Phases psychologiques Comment réagir ?
Annonce Déni Expliquer et rester ferme
Confirmation Colère Communiquer, écouter, encadrer
Compréhension Marchandage Définir ce qui peut être modifié
Acceptation Démotivation Accompagner le changement
Installation Adaptation Valoriser des premier pas, fêter les premières victoires
Déploiement Appropriation Élaborer un plan d’amélioration continue
Source : Sage – Table-ronde  » Bonnes pratiques autour du CRM « , Salon Solutions 2013.

Caceis Corporate Trust, dans son approche de transformation de son CRM, a mis en œuvre plusieurs bonnes pratiques dont il convient de s’inspirer :

  • Étudier l’option du développement interne par rapport à l’acquisition d’un progiciel, en particulier pour tenir compte de la complexité des données à traiter.
  • Bien étudier les workflows et leurs spécificités.
  • Vérifier le lieu de stockage des données, surtout pour les informations confidentielles.
  • Privilégier une approche de développement agile pour faciliter les itérations avec les utilisateurs, de manière à anticiper leurs réticences éventuelles.
  • Commencer systématiquement par un projet pilote.
  • Automatiser le maximum de tâches, c’est un élément clé de la satisfaction des utilisateurs.
  • Conduire le projet avec l’appui d’un sponsor, issu de préférence de la direction générale de l’entreprise, qui a une réelle vision à long terme.
  • Inciter le sponsor à s’impliquer fortement dans les comités de projet et de pilotage
  • Initier une conduite du changement avant même le choix de la solution.
  • Se faire accompagner par un prestataire spécialisé (par exemple pour le choix de la solution), à condition qu’il soit impliqué et présent tout au long du projet.