La roadmap de la transformation digitale

Plusieurs enquêtes mettent en exergue le fait que la crise sanitaire va contribuer à accélérer la transformation digitale des entreprises. « Face à la disruption causée par le numérique, la transformation digitale est devenue un sujet majeur de préoccupation et un enjeu stratégique pour toutes les organisations quelle que soit leur taille : business, marketing, ressources humaines, processus de production, système d’informations, datas… », soulignent les auteurs de cet ouvrage, Vincent Ducrey et Emmanuel Vivier, dirigeants du Hub Institute, un think tank dédié au décryptage des problématiques et stratégies numériques.

Les auteurs proposent une démarche de mise en œuvre de la transformation digitale. Cela suppose, tout d’abord de comprendre les causes de la disruption liée au digital. Les autres mettent en exergue quatre ruptures, associées à quatorze tendances technologiques (voir tableau) : des capacités informatiques exponentielles à prix décroissant, une connexion Internet permanente et plus rapide, une expression et une collaboration facilitées, et la fusion du réel et du virtuel. Avec une concurrence des start-up face aux grands groupes : « Un tsunami de start-up innovantes et ultra dynamiques réinvente les industries. Si les grands groupes sont lents à s’emparer des nouvelles technologies ou à répondre aux nouvelles attentes des clients, les start-up, elles, se sont lancées dans un sprint pour transformer chaque insatisfaction en une idée de nouveau business », résument les auteurs. Quant aux Gafa, « leur rentabilité survitaminée décuple leur compétitivité et ils ont une capacité incroyable à innover », ajoutent-ils.

Les six chantiers prioritaires

Réussir la transformation digitale suppose de travailler six chantiers dans lesquels on retrouve cinq actions incontournables (auditer, planifier, tester, déployer et optimiser) :

  • Le leadership et le management : c’est la première priorité car ce chantier conditionne la transformation. Mais, soulignent les auteurs, « les profils du top management sont souvent plus un handicap qu’un élément moteur. Les succès passés n’offrent aucune garantie pour le futur. Au contraire, la personne qui a été la star de l’ère précédente est souvent la dernière à s’adapter au changement, la dernière à embrasser la logique d’un point de transition et tend à chuter plus durement que la plupart. D’où la nécessité de développer une compréhension et une vision stratégique, surtout si certains leaders ont abandonné l’idée de leadership, de faire preuve de curiosité pour améliorer et itérer. » Pour les auteurs, « une fois les pistes et stratégies gagnantes identifiées, le management devra définir un plan très concret en terme de déploiement : quels objectifs, quelles actions, quels moyens (humains et financiers), quelles responsabilités, quels délais ? » Toutefois, avertissent Vincent Ducrey et Emmanuel Vivier, « les premières victoires et initiatives lancées ne doivent pas en devenir pour autart de nouvelles traditions, il faudra constamment affiner et remettre à jour sa stratégie et son plan de déploiement. »

Un besoin de nouvelles compétences

  • La culture et l’organisation : c’est un gage de cohérence stratégique et de pérennité, en plus d’être une source d’attractivité et de profitabilité. Les auteurs caractérisent la culture digitale et de l’innovation par plusieurs éléments : l’alignement, l’ambition, la scalabilité, la prise de risques, la centricité client/utilisateur et l’agilité. Alors que la culture classique est basée, entre autres, sur la verticalité, la maîtrise, la planification, l’ordre, le statut, le formalisme, la validation, la propriété et l’ambition de faire mieux, la culture digitale repose sur l’horizontalité, le lâcher-prise, l’expérimentation, l’agilité, le partage, le nomadisme, l’autonomie, l’open source et l’idée de faire bien (et pas de faire mieux). Il importe donc de revoir les compétences dans l’organisation, pour développer les aptitudes numériques, une culture de collaboration et les fameuses soft skills.
  • La technologie : dans ce domaine, pour les auteurs, « la DSI va devenir un facteur clé de succès ou d’échec pour les entreprises. Son rôle devrait moins consister à produire des lignes de code qu’à proposer une vision et à piloter une feuille de route pour accompagner la transformation digitale. » Les approches technologiques combinent le cloud, les API, l’intelligence artificielle, l’interopérabilité, les objets connectés et l’innovation ouverte. Dans ce contexte, « la DSI ne doit pas être une forteresse, inaccessible aux non-experts. Elle ne doit plus chercher à tout contrôler, mais bel et bien à piloter intelligemment de manière visionnaire ce qui doit être internalisé ou au contraire externalisé, en capitalisant sur les nouvelles opportunités du cloud, des API, de l’IA et des logiciels en mode SaaS », soutiennent les auteurs.

Valoriser les données

  • Les données : sur ce terrain, le ménage s’impose, à travers un « data check-up », afin de limiter les risques d’infobésité, tant les volumes de données explosent et continueront sur cette lancée. Outre cette nécessité de nettoyage, il importe d’élaborer la bonne stratégie, qui peut se traduire par la création de la fonction de Chief Data Officer et par la capitalisation sur les nouveaux outils de la donnée, qui facilitent le stockage, le Big Data, l’analyse prédictive, les analyses en temps réel, les capacités de calcul… « Pour stocker, piloter et exploiter efficacement les nombreuses données, les entreprises doivent de toute urgence identifier, nettoyer, unifier et intégrer les différents types de données grâce à une remise à jour complète des systèmes existants souvent hétérogènes, dépassés. Sans socle solide, les entreprises ne pourront pas gérer les défis à venir et s’interfacer avec les outils et partenaires externes », suggèrent les auteurs, pour qui « l’usage de la donnée doit donc s’accompagner d’un effort pédagogique pour informer, expliquer et former, ainsi que d’outils simples pour rendre la donnée utilisable et accessible par le plus grand nombre. »
  • Le marketing et l’expérience client : il s’agit « de réapprendre à écouter le client, car l’ère numérique rime avec interactivité en temps réel et données ». Les auteurs recommandent cinq approches : faire évoluer la production de contenus, passer du marketing au serviciel, fusionner données et créativité, passer du marketing à l’expérience client et développer le microciblage multiple, grâce notamment à l’analyse des comportements, des historiques, des profils, des centres d’intérêts et à la géolocalisation.
  • La mesure de la performance : selon le principe qui pose que « ce qui ne se mesure pas n’existe pas », la plupart des actions et des initiatives en matière de transformation digitale doivent être évaluées. Hélas, déplorent les auteurs, « les actions menées dans les organisations sans réelle mesure sont légion. Que ce soit par habitude, paresse, manque d’outils, de compétences ou de temps, le management s’en remet encore souvent à des intuitions ou à des avis subjectifs. » Même s’il n’est pas toujours pertinent de vouloir tout mesurer, on peut s’inspirer des pratiques des start-up et des géants du numérique, qui « excellent dans cette exploitation de la donnée pour optimiser leur productivité ou leur performance. » Les auteurs proposent plusieurs préceptes applicables pour optimiser la mesure : ne pas mesurer, c’est piloter sans indicateurs, trop de mesure tue la mesure, commencer simple avant de complexifier, une mesure n’est qu’une représentation de la réalité, les outils sans humains ne servent à rien et mesurer sans faire de changement est inutile.

Le guide de la transformation digitale, par Vincent Ducrey et Emmanuel Vivier, Eyrolles, 2019, 337 pages.


Les quatorze tendance technologiques

  • Plus de vitesse de calcul.
  • Plus d’autonomie.
  • Plus de données.
  • Plus d’automatisation.
  • Un accès ATAWAD (any time, any where, any device).
  • Le « every where commerce ».
  • Le Web social.
  • La dématérialisation.
  • L’économie collaborative et la désintermédiation.
  • L’entreprise 4.0 et les écosystèmes industriels.
  • La réalité virtuelle et augmentée.
  • L’impression 3D.
  • Les biotechs, neurotechs, gentechs et nanotechs.
  • La robotique, l’intelligence artificielle, les voitures autonomes et les drones
Un exemple de roadmap de la transformation digitale
Étapes Temps Exemples de bonnes pratiques
Se préparer 1 à 3 mois • Se mettre à jour sur le digital
• Comprendre le business de l’entreprise
Auditer 1 à 3 mois • Sonder les salariés et le management
• Auditer les performances/concurrence, les compétences, les technologies, les fournisseurs…
Planifier et cadrer 1 à 3 mois • Définir la stratégie et la partager
• Anticiper les risques
Tester 3 à 9 mois • Communiquer sur la stratégie en interne et en externe
• Former au digital
• Recruter les bonnes compétences
• Transformer la culture et créer un sentiment d’urgence
Déployer 12 à 36 mois • Communiquer et célébrer les quick wins
• Mesurer la performance et le ROI
• Industrialiser ce qui marche et chercher des innovations