Lean IT : un levier de création de valeur pour les DSI

L’approche Lean, basée sur l’élimination des gaspillages et l’optimisation des coûts, se décline aux systèmes d’information. Le Lean IT est ainsi l’un des leviers d’amélioration de la performance.

Les entreprises sont de plus en plus nombreuses à porter un intérêt marqué à la démarche Lean IT. Mieux, elles seraient en voie « d’adoption massive », si l’on en croit une étude mondiale intitulée « Se préparer au retour de la croissance avec la stratégie Lean IT » et réalisée fin 2009 par l’éditeur de logiciels CA auprès de 562 managers de systèmes d’information dans quatorze pays.

Cette étude montre que les investissements logiciels en 2010 serviront à maximiser la création de valeur et à réduire les coûts, des impératifs au cœur de la stratégie Lean IT. Rappelons que le Lean consiste à maximiser la création de valeur et minimiser les coûts pour se focaliser sur l’analyse et l’optimisation des « flux de valeur » (c’est-à-dire la séquence d’activités qui va de la conception et de la production à la livraison des biens ou services) en supprimant toute opération sans véritable valeur ajoutée.

Le Lean est, en fait, étroitement lié à l’approche Six Sigma, on parle d’ailleurs de Lean Six Sigma (LSS). Le concept Six Sigma peut être illustré par quelques questions simples : serions-nous satisfaits si l’eau que nous buvons était polluée une heure par mois ? Si la Poste égarait 16 000 courriers par heure ? Ces chiffres paraissent ahurissants : pourtant, ils traduisent seulement un taux de satisfaction de 99,99 %.

On comprend que ce ratio, que beaucoup utilisent pour suggérer que la qualité est presque totale, soit insuffisant. C’est tout l’enjeu de la méthode Sig Sigma dont l’objectif est d’atteindre un taux de fiabilité de 99,99966 %, soit au plus 3,4 défauts par million d’unités produites.

Pour arriver au niveau de qualité requis, Six Sigma repense l’entreprise sous la forme non pas d’un ensemble de fonctions mais d’une série de processus. Chaque processus entrant dans la production du service au client final peut être décomposé en sous-processus.

L’amélioration de la qualité doit être constante au fil de ces processus afin de satisfaire au mieux le client final. Mais elle nécessite également l’engagement de véritables « projets qualité » pour les modifications structurelles, parfois nécessaires. Pour améliorer chaque processus, Six Sigma retient sept étapes : observer, classifier, mesurer, organiser, prédire, détecter les variations, synthétiser.

Chaque variation dans un processus étant mesurée par rapport à l’optimum, la distribution des effectifs des variations suit une loi normale, graphiquement représentée par la célèbre courbe de Gauss (« en cloche »).

Le client ne doit être mécontent que des produits dont les caractéristiques s’écartent dans un sens ou l’autre de plus de trois écarts types (ou « sigma ») de la qualité moyenne, évidemment optimale (soit une « largeur de satisfaction » de six « sigma », d’où le nom de la méthode).

De tels concepts sont pour le moins encore peu fréquents dans les méthodes de management, dans la mesure où ce qui sépare Six Sigma de tant d’autres actions en faveur de la qualité est que cette méthode s’attache à fonder les décisions sur des faits et des chiffres, et non sur des impressions.

Le Lean, une approche antigaspillage

« Le Lean consiste à améliorer le service au client en réduisant les délais de livraison, à réduire les coûts en éliminant les gaspillages et améliorer la qualité en augmentant la “qualité du premier coup” (right first time), explique-t-on sur le blog de la communauté Lean & systèmes d’information.

Si l’on reprend ces objectifs et qu’on les applique au monde informatique, ils représentent une utopie que chaque acteur du monde informatique aimerait voir devenir réalité : des clients contents, ni pannes, ni bugs, des projets livrés dans les délais demandés, plus de temps pour les aspects techniques et moins pour l’administratif et les comités de pilotage sans fin, etc. Le Lean offre ici une perspective très séduisante. »

« Le Lean vise à la création d’un flux tendu, à l’élimination des tâches sans valeur ajoutée, des pertes, des gaspillages par la simplification d’enchaînement de tâches et/ou d’activités en augmentant la fluidité, la flexibilité, l’agilité et ce dans un objectif d’accroître la valeur pour le client (valeur perçue par le client) et ainsi contribuer à l’amélioration des performances de l’entreprise, résume Jean-Noël Gillot, directeur du conseil en management d’Aneo.

Le Lean se focalise sur l’élimination du gaspillage de manière à ajouter à toutes les tâches ou étapes de la valeur pour le client. » L’approche Lean déborde bien évidemment le monde industriel et concerne les DSI. Pour Alexander Peters, consultant chez Forrester Research, « les managers envisagent le Lean comme une stratégie d’amélioration de la performance, davantage que comme une approche de réduction des coûts ».

De fait, les technologies de l’information jouent un rôle central, « par l’amélioration des processus, la consolidation, le renforcement des liens entre IT et business », ajoute Alexander Peters. Le cabinet d’études a mené une enquête auprès des DSI mais n’a pas constaté « une adoption spectaculaire totale du Lean ».

Une étude menée par le cabinet de conseil McKinsey a montré que, dans le secteur bancaire, les établissements qui ont déjà appliqué le Lean dans leurs agences ont pu doubler le temps que celles-ci consacraient à la vente pure et tripler le nombre de contacts commerciaux établis par leurs agents opérationnels.

De même, les banques qui ont adopté les techniques Lean processus par processus sont parvenues à réduire leurs coûts de 30 %, leurs délais et erreurs d’exécution de 80 %. « Le Lean management doit plus être appréhendé comme une philosophie et un ensemble de bonnes pratiques que comme un système à part entière », confirme Laurent Mercey, consultant chez Talisker Consulting sur les problématiques d’organisation et de gouvernance des systèmes d’information.

Capitaliser sur une approche processus

Lean et Six Sigma s’intègrent, plus généralement, dans une approche processus. « Aujourd’hui, des entreprises françaises et internationales ont mis en œuvre ces méthodes et s’aperçoivent qu’elles ne traitent que des parties de processus et ne tiennent aucunement compte du système d’information, qui lui, devient au fur et à mesure un élément clé où se focalise un véritable levier de différenciation », souligne Jean-Noël Gillot.

Pourquoi la combinaison Lean Six Sigma et BPM est-elle intéressante ? Tout simplement parce que le BPM apporte une vision globale des processus, mais également des outils et technologies qui vont permettre d’avoir un lien avec le système d’information. La méthodologie LSS va apporter des outils et techniques permettant l’optimisation de processus et d’activités et une vision plus macro allant jusqu’aux procédures et tâches. « L’objectif du Lean sera de créer un processus qui fournit exactement ce dont a besoin le client et au moment où il en a besoin », résume Jean-Noël Gillot.

Mais conduire une telle démarche ne peut être effectué qu’avec la maîtrise de quatre axes bien différents, selon Jean-Noël Gillot : « Maîtriser la démarche BPM ainsi que des méthodologies d’amélioration d’activités appliquées aux processus comme Lean Six Sigma ; maîtriser des solutions technologiques de type BPMS, BAM ou autres ; connaître de manière approfondie certains aspects métiers concernés et traiter en parallèle tous les impacts organisationnels et réaliser une conduite du changement renforcée. »

Pour Jean-Pierre Merland, actuellement directeur de projet dans une grande entreprise française, « il est, par exemple, possible de combiner le Lean Six Sigma avec les exigences d’une démarche Itil, comme à d’autres liées à la qualité, l’environnement… La démarche de Lean Six Sigma s’envisage très bien comme un référentiel de pratiques commun dans la conduite des projets. Des projets d’ERP (progiciels intégrés), de CRM (gestion de la relation client), ou de BI (décisionnel) semblent également bien indiqués pour utiliser l’approche proactive, le « design for Lean Six Sigma » où la méthode agit dès la conception des processus. »

Les spécificités des approches Lean et Six Sigma
Lean Six Sigma
Focalisation client Objectif Éliminer toutes les tâches sans valeur ajoutée du point de vue du client.
Éliminer le gaspillage pour ne conserver que la valeur ajoutée.
Délivrer constamment selon les besoins des clients et avec une qualité égale.
Réduire la variation et éliminer les sources de défauts.
Centre d’attention Méthodologie Flux du produit, processus ou service.
Cinq principes :
1. définir la valeur ;
2. cartographier la chaîne de valeur ;
3. créer le flux ;
4. laisser le client « tirer » ;
5. tendre vers la perfection.
Qualité du produit, processus ou service.
5 étapes DMAIC :
1. définir (Define) ;
2. mesurer (Measure) ;
3. analyser (Analyse) ;
4. améliorer (Improve) ;
5. contrôler (Control).
Forces Principaux apports
  • De nombreux résultats rapidement.
  • Très accessible et simple à appliquer, notamment au travers d’une boîte à outils très éprouvée, notamment outil VSM(1).
  • Valeur ajoutée le long du flux.
  • Meilleure productivité.
  • Meilleure qualité.
  • Plus grande flexibilité.
  • Simplification, rationalisation, mutualisation.
  • Preuve statistique des origines et des améliorations effectuées.
  • Résolution de problèmes rigoureuse fondée sur des mesures précises.
  • Compréhension en profondeur.
  • Amélioration globale du processus.
  • Comportement prévisible.
  • Meilleure livraison au client.
  • Meilleure qualité.
Périmètre Durée Vue d’ensemble.
D’un jour à plusieurs mois.
Approfondissement et détails.
D’un à six mois.
Formation  Formation rapide, application de principes simples.  ormation GB (Green Belt) / BB (Black Belt) / Master BB avec examen et certification.
Source : Aneo. (1) Value Stream Mapping : analyse des flux de matière et d’informations.
Les six « mentalités Lean » selon McKinsey
Privilégier la souplesse et les systèmes de petite taille. L’un des objectifs d’une transformation Lean est d’écourter les délais de réalisation pour réagir rapidement aux changements de la demande des clients.
Se focaliser sur les processus de bout en bout. Le danger est que chaque étape ne soit optimisée qu’au niveau local et que le résultat final n’apporte pas de valeur au client.
Ne pas oublier que les opérations client sont génératrices de valeur ajoutée. Les interlocuteurs qui apportent de la valeur au client sont ceux qui traitent concrètement sa demande et non ceux qui supervisent les processus.
Clarifier et mettre en perspective le rôle des missions individuelles par rapport aux objectifs de l’entreprise. Les collaborateurs ont besoin d’avoir une vision d’ensemble pour pouvoir accepter les méthodes de travail Lean.
Soigner la cause et non le symptôme. Lorsque les processus sont instables, les collaborateurs passent leur temps à régler des problèmes. Dans un environnement Lean, les problèmes ne sont pas tolérés : toute perte doit être analysée jusqu’à ce que sa cause soit corrigée.
Traiter les problèmes comme des opportunités. Dans une culture où les erreurs se paient chèrement, on a tendance à dissimuler les problèmes, qui deviennent impossibles à détecter et à résoudre dès qu’ils émergent. Les collaborateurs doivent avoir la volonté de détecter les problèmes et d’aider à leur résolution.
Source : McKinsey & Company.