Les bons leviers du DSI

Aujourd’hui, tout le monde en convient : « Le potentiel des systèmes d’information est sous-utilisé, parce que le lien entre la stratégie de l’entreprise, la vision des métiers et l’informatique ne se fait pas. » L’auteur, Nicolas Desmoulins, directeur de projets chez Capgemini Consulting, part de ce constat pour balayer l’ensemble des problématiques de management des systèmes d’information, à partir de onze questions fondamentales.

Première d’entre elles : « Faut-il s’intéresser aux systèmes d’information ? » La réponse est évidemment positive. Les dirigeants reprochent aux DSI d’être une « boîte noire » et, de fait, se trouvent incapables de mesurer la valeur ajoutée des systèmes d’information.

« A force de côtoyer cette boîte noire qu’est l’informatique, le dirigeant en vient souvent à soupçonner qu’on lui cache quelques chose, et l’impossibilité d’obtenir des explications compréhensibles vient souvent le conforter dans cette appréhension. »

« L’informatique a d’abord été une affaire de scientifiques de pointe dérivée de la science mathématique , rappelle l’auteur. On a alors vu apparaître le mythe de la difficulté informatique, technique quasiment inaccessible au néophyte, dans beaucoup d’entreprises et d’organisations, on paie encore le prix de ce mythe. »

On le sait bien, et ce livre ne manque pas de le rappeler, le système d’information est le support de la prise de décision. « Il n’y a pas une action qui soit exécutée sur le terrain sans qu’elle ne soit, au préalable, dictée par une information qui l’oriente et il n’y a pas une de ces informations qui ne soit inscrite sur un support », affirme l’auteur.

Maîtriser le levier informatique, accroître la valeur ajoutée des systèmes d’information, par Nicolas Desmoulins, Pearson, 2009, 259 pages.

Il existe un point commun entre une DSI de mille personnes et une autre de cinq personnes : les problèmes, qui sont toujours les mêmes. Ce sont les projets, « source de souffrance pour l’organisation », les budgets, « incompréhensibles ou même franchement inconnus », et les choix techniques, « réalisés selon des critères qui ne font l’objet d’aucune discussion avec les directions métiers », liste l’auteur.

Si ces difficultés constituent 80 % des problèmes que rencontrent les dirigeants vis-à-vis de leur informatique, elles n’ont pour autant pas ou peu à voir avec les informaticiens, leur nombre, leur expertise ou les outils mis en place. « La source principale des difficultés est dans la relation entre les métiers et les informaticiens. »

La stratégie informatique est-elle utile ? Encore une question qui appelle une réponse positive. Pour l’auteur, l’efficacité de la fonction s’exerce dans cinq dimensions : la qualité de service, la rapidité de réaction, le coût, l’évolutivité et la sûreté.

De fait, la stratégie informatique « n’a de sens qu’en fonction de son alignement avec la stratégie des métiers, elle organise la mobilisation des ressources sur trois ans, elle part de l’analyse des besoins métiers pour définir une cible cohérente et génératrice de valeur pour les métiers en intégrant en amont les difficultés liées au changement », résume Nicolas Desmoulins.

L’auteur réfute l’idée que l’informatique est trop complexe : « Si l’informatique est une technique particulière, elle ne l’est pas plus qu’une autre et moyennant un petit effort intellectuel, elle est accessible à tous, au moins dans ces grands principes, dans une mesure bien suffisante pour le dirigeant curieux et exigeant. »

Cela n’empêche pas les projets informatiques de connaître un fort taux d’échec. La définition même d’un projet informatique contient les germes de ses difficultés potentielles. Si l’on reprend la définition ISO, il s’agit d’un « processus unique qui consiste en un ensemble d’activités coordonnées et maîtrisées comprenant des dates de début et de fin, entrepris dans un but d’atteindre un objectif conforme à des exigences spécifiques telles que les contraintes de délais, de coûts et de ressources ».

Un processus unique est, par définition, peu ou pas industrialisé, « les activités variées » font référence à des domaines et enjeux très différents (techniques, métiers, financiers, humains), et l’objectif n’est pas toujours clairement exprimé.

Pour l’auteur, un grand projet informatique « nécessite un client interne, porte une ambition qui dépasse l’informatique mais celle-ci est un élément-clé, il transforme la façon de faire et requiert un dispositif adéquat en termes de ressources et de prise de décision ».

C’est, en réalité, la maîtrise d’ouvrage qui joue « un rôle critique » dans un projet. « Elle est souvent la cause des échecs des projets informatiques », estime l’auteur, notamment parce que, le plus souvent, les besoins n’ont pas été suffisamment éclaircis en amont, la définition du projet est incomplète, le projet n’est pas connecté à la stratégie du métier, les experts (métiers, responsables opérationnels, utilisateurs) ne s’impliquent pas assez et la conduite du changement n’a pas été faite.

Nicolas Desmoulins suggère plusieurs pistes pour résoudre ces difficultés : mettre en place une maîtrise d’ouvrage déléguée pour aider la maîtrise d’ouvrage, qui porte une expertise informatique ; séparer l’expertise et de la décision ; mener une étude préalable rigoureuse, afin d’identifier les risques et les écueils ; valider une fiche de cadrage du projet par le métier et l’informatique…

« On peut résoudre un gros problème en l’éclatant en plusieurs petits problèmes », conseille également l’auteur, même si « changer les habitudes des utilisateurs est le plus gros défi d’un projet informatiques ». La liste des quarante-huit arguments les plus souvent avancés pour résister au changement (page 132 de l’ouvrage) est d’ailleurs très instructive et réaliste : « On a déjà essayé… On a toujours fait autrement… c’est impossible… la direction ne suivra jamais… cela coûte trop cher… »

L’auteur aborde également deux autres questions fondamentales : pourquoi le budget informatique ne fait-il qu’augmenter ? Qui doit exploiter le système d’information ? à la première question, la réponse est simple : « Parce que les besoins augmentent et cette augmentation se traduit souvent par des gains de productivité dans les métiers, ou une amélioration de la qualité de service, ou une amélioration de la compétitivité. »

A la seconde, la réponse est plus complexe. C’est toute la question de la place de l’infogérance dans l’exploitation du système d’information, en particulier pour les activités de back-office de la DSI. Pour l’auteur, faire fonctionner efficacement un système d’information nécessite quatre activités : la définition de la stratégie, le construction du système d’information, son exploitation et sa maintenance, et le pilotage. « L’externalisation permet de s’appuyer sur de véritables pôles d’expertise », assure l’auteur.

Dans le futur, les DSI auront à faire cohabiter « deux mondes répondant à des logiques différentes : d’un côté, une DSI orientée vers l’utilisateur de l’informatique, intégrant les standards de management de l’IT (industrialisation, maîtrise des coûts, offshore, SLA) dans des cycles de développements plus longs et plus stricts ; d’un autre côté, une mixité entre personnels métiers et IT, avec des profils spécifiques, avec une informatique qui codéfinit les stratégie de l’entreprise et crée des différenciateurs. »

Ce qui suppose de l’agilité, les bons partenariats, outils, tableaux de bord, une gouvernance généralisée, un schéma directeur à trois ans et une adaptation des ressources.


Dix idées à retenir

1. Les principaux problèmes rencontrés avec l’informatique dépendent non pas de la taille de l’entreprise mais de la relation entre les métiers et l’informatique.

2. Le tableau de bord informatique ne doit pas devenir un outil de pilotage des activités quotidiennes.

3. Le benchmarking doit être utilisé avec prudence : en tant que tel, un ratio ne dit rien, il montre plus un niveau de consommation de ressources informatiques que la valeur ajoutée pour les métiers.

4. Le pilotage d’un projet doit s’appuyer sur trois familles : la MOA stratégique (en charge du respect de la vision commune), la maîtrise d’ouvrage opérationnelle (contrôle de l’application des décisions) et la maîtrise d’œuvre, pour délivrer les projets.

5. Pour une stratégie informatique, un horizon à trois ans est pertinent, une cible à un an ou à un an et demi n’est que la continuation de l’existant.

6. Le reporting ne sert pas à informer, il sert à préparer les décisions.

7. Un référentiel regroupe trois éléments clés : une cartographie du système d’information, un dictionnaire des données, une documentation des applications utilisées.

8. Le point critique dans le développement d’un programme informatique est la bonne interprétation d’un besoin métier exprimé par les utilisateurs dans le logiciel : le cycle de développement en V permet de sécuriser cette traduction. Le pilotage par les délais permet de sécuriser la livraison de valeur.

9. Il n’est pas rare de constater que 80 % du besoin réel à couvrir correspondent à 20 % seulement des spécifications. Les difficultés de développement commencent souvent avec la gestion des 20 % restants, qui concernent des fonctionnalités qui ne seront peut-être jamais utilisées.

10. Si l’avenir est incertain, les outils pour y réussir sont déjà connus : un tableau de bord informatique, une stratégie et une organisation des projets.