Les dimensions du Green sourcing

Par son caractère transverse, la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) touche la gouvernance du système d’information et, par ce fait, les opérations d’externalisation. Comment intégrer les critères économiques, sociaux et environnementaux du développement durable ?

Dans les années 1970, a émergé le concept de « développement durable » pour désigner un développement économique pouvant concilier à la fois rentabilité financière, réduction des inégalités sociales et réduction de la pression sur l’environnement.

Au niveau de l’entreprise, la « responsabilité sociétale (ou sociale)des entreprises » (RSE) constitue l’application des principes du développement durable à l’échelle de l’organisation et de ses activités. Celle-ci implique la conformité à des pratiques visant à améliorer la société et à protéger l’environnement, en liaison avec les parties prenantes de l’entreprise.

De plus en plus d’organisations engagent ainsi leur responsabilité sociale en mettant en œuvre des dispositifs de gestion et de contrôle spécifiques au sein de leur structure.

La prise en compte des dimensions environnementales et sociétales lors de la conduite de projets d’externalisation informatique s’envisage à travers deux perspectives complémentaires.

D’une part, le donneur d’ordres est tenu d’étendre la RSE à toute la chaîne de valeur de l’entreprise. En effet, il est considéré comme coresponsable des agissements de ses fournisseurs. Il doit donc mettre en place les moyens de conditionner ses achats au respect de critères sociaux ou environnementaux. De nouvelles formes de relations peuvent alors s’établir, dépassant l’objectif du meilleur rapport qualité-prix.

D’autre part, l’exercice, par une entreprise, de sa responsabilité sociale doit la conduire à l’établissement de relations équilibrées avec l’ensemble de ses partenaires.

Les entreprises ont aujourd’hui compris qu’une trop grande pression économique exercée sur leurs prestataires de services informatiques pouvait avoir des effets contre-productifs comme une baisse de qualité, la faillite de certains fournisseurs ou encore la perte de compétences rares et indispensables. Les relations clients-prestataires s’orientent ainsi, de façon croissante, vers des partenariats à long terme, assurant une qualité croissante tout au long de la prestation ainsi qu’un optimum économique.

L’externalisation informatique soulève donc de nombreuses problématiques d’ordre économique, social et environnemental, impliquant le donneur d’ordres, mais également son prestataire de services. Les questions les plus sensibles sont liées à la rentabilité financière des projets d’externalisation (aspect économique), au transfert de personnel (aspect social) ou encore aux impacts des activités sur l’environnement (aspect environnemental).

Une des questions les plus délicates posées lors de l’externalisation informatique est celle des responsabilités en cascade. Une entreprise engagée dans une politique socialement responsable, qui sélectionne ses prestataires de services informatiques selon des critères sociaux et environnementaux, a souvent du mal à s’assurer que ses fournisseurs en font de même avec leurs propres sous-traitants. Le contrôle des méthodes et des conditions de travail le long de la chaîne de sous-traitance reste complexe, notamment dans les métiers de l’informatique.

Les conditions de production chez le prestataire de services deviennent des critères de choix pour les entreprises clientes. Produire des produits informatiques (matériels, logiciels, etc.) respectueux de l’environnement constitue une large part des politiques de « green IT » mises en place par les fournisseurs de produits et logiciels informatiques.

En revanche, fournir des services informatiques conformes aux principes du développement durable est un processus moins évident et semble plutôt relever de la politique RSE interne du prestataire de services. Dans tous les cas, on peut dire des services informatiques qu’ils sont intrinsèquement “green”.

Par exemple, l’informatique à la demande (On-demand) fournit un modèle de livraison plus efficient que les approches logicielles classiques en favorisant les économies d’échelle. C’est également le cas pour l’externalisation, dans toutes ses variantes, qui a l’avantage supplémentaire de réduire une grande partie des risques techniques et environnementaux du client.

L’externalisation offre également l’avantage de faciliter la gestion du recyclage des équipements : le prestataire de services en charge de fournir la technologie est également responsable de son approvisionnement.

Cet article a été écrit par Yacine Boucherit, consultant senior au sein de la practice Gouvernance SI de Solucom.


Dix recommandations pour une mise en conformité RSE lors des opérations d’externalisation

Face aux défis économiques, sociaux et environnementaux posés par l’externalisation informatique, un certain nombre de bonnes pratiques peuvent être adoptées pour se mettre en conformité avec les principes édictés par la RSE. Ces pratiques se déclinent selon les trois piliers du développement durable tout en s’inscrivant dans le cadre de pratiques d’achats informatiques durables.

Respect des critères économiques

1. Identifier et gérer l’impact des prestations externalisées sur l’environnement de l’entreprise

Cette pratique consiste à mesurer, en amont, les conséquences de l’externalisation des prestations sur l’entreprise : coûts, impact social…

2. Assurer la rentabilité des projets d’externalisation

  • Faire une analyse objective de l’opportunité d’externalisation ;
  • Établir un partenariat sur le long terme (trois à cinq ans) avec le ou les prestataires ;
  • Formaliser une gouvernance du contrat : contrôle des niveaux de service, évolutions et avenants, réversibilité, etc.

Respect des critères sociaux

3. Créer une charte d’externalisation

Cette charte doit comporter, entre autres :

  • Les principes de comportement responsable de l’entreprise ;
  • Les modalités du dialogue social et d’information des salariés et représentants du personnel ;
  • Les modalités de sécurisation des parcours professionnels.

4. Établir un processus de négociation collective entre directions et représentants du personnel des deux entreprises

Le processus comprendra nécessairement les étapes suivantes :

  • Définition des conditions du transfert sur la base d’un certain nombre de critères sociaux ;
  • Définition d’un calendrier permettent d’assurer une transition progressive ;
  • Négociation des mesures visant la protection et la reconversion des salariés ;
  • Négociation sur les avantages acquis et les accords antérieurs.

5. Refuser les pratiques non éthiques et s’assurer de conditions de travail justes

Cette bonne pratique s’inscrit dans le cadre du respect des consignes de l’OIT (Organisation internationale du travail). Il s’agit de s’assurer que le client et le prestataire évitent les pratiques non éthiques, la corruption, les travaux forcés ou le travail des enfants. Elle peut se matérialiser par la mise en place de règles de bonne conduite formalisées dans un document. Ce document oblige les prestataires de services informatiques à respecter le droit du travail.

Respect des critères environnementaux

6. Assurer le comportement écoresponsable du donneur d’ordres et du prestataire

Les mesures suivantes pourront être mises en place :

  • Mise en place d’un reporting à base d’indicateurs environnementaux (émissions de CO2, recyclage, autres impacts des activités sur l’environnement, etc.) ;
  • Mise en place de projets visant à mutualiser les infrastructures, réduire le nombre de serveurs, consolider des volumes, y compris à l’international ;
  • Application de mesures telles que la réduction des réunions internes au profit de conférences vidéo, etc.

Respect des pratiques d’achats informatiques durables

7. Mettre en place un programme de gestion des risques

Un tel programme doit permettre de couvrir les risques financiers (solvabilité, développement et pérennité du prestataire), sociaux (conditions de travail, d’hygiène, de sécurité et de formation) et environnementaux (protection de l’environnement) de l’entreprise.

8. Mettre en place des pratiques d’achats informatiques durables

Les principes d’achats informatiques durables comprendront :

  • Les modalités de communication sur les enjeux de la RSE auprès des prestataires ;
  • Les modalités de consultation des prestataires et d’établissement de relations équilibrées.

9. Mettre en place une démarche de sélection des prestataires selon des critères RSE

Plusieurs outils méthodologiques peuvent être utilisés :

  • Des clauses contractuelles en matière de RSE (confidentialité, éthique, équité), instaurées lors de la négociation avec les fournisseurs ;
  • Des programmes d’assurance qualité ;
  • Une méthodologie d’évaluation RSE des fournisseurs.

10. Mettre en place une charte des acheteurs informatiques

Des règles déontologiques doivent s’appliquer à chacun des prestataires mais aussi à chacun des acheteurs informatiques. Une charte des acheteurs informatiques inclura :

  • Les engagements de confidentialité, d’éthique, d’équité et de transparence vis-à-vis des fournisseurs ;
  • Le suivi d’une formation juridique spécifique ;
  • La garantie de l’auditabilité de chaque dossier d’achat (dossier documenté pour chaque acte d’achat) ;
  • La vérification des aspects économiques à chaque acte d’achat (situation financière équilibrée, anticipation du risque de dépendance économique, etc.).