Les meilleures pratiques des Top employeurs

A travers son enquête annuelle, le Top Employers Institute collecte et analyse les pratiques RH de milliers d’entreprises à travers le monde. Objectif : identifier les meilleures pratiques en matière de gestion des ressources humaines.

Vincent Binétruy, directeur de Top Employers France, assure que « les entreprises orientent leurs investissements et leurs initiatives pour enrichir l’expérience de leurs collaborateurs, en lui donnant plus de sens et de valeur. De même que l’entreprise ne vend plus seulement ses produits, mais une expérience et des services associés, la démarche envers le collaborateur est analogue, afin de lui proposer un parcours, une expérience distinctive et un positionnement responsable dans son environnement. » Evidemment, la crise a heurté de plein fouet ce modèle. Mais peut-être pour montrer que les meilleures pratiques identifiées dans les entreprises les plus performantes dans leur gestion des ressources humaines (par exemple en encourageant le télétravail) sont devenues des vrais atouts.

Du présentéisme au télétravail

Il y a encore deux mois, Vincent Binétruy, déplorait « le poids du présentéisme » dans les entreprises. Dans le classement des Top employeurs français (91 entreprises dans l’édition 2020), les entreprises ont mis en avant « l’amélioration des processus de recrutement et d’intégration, avec une augmentation des indicateurs de mesure de la qualité de l’intégration par des indicateurs plus pertinents, de manière, notamment, à créer du lien avant l’arrivée des collaborateurs », résume Vincent Binétruy. Il pointe également l’emphase sur le digital, « devenu incontournable pour la formation. »

Le manque de reconnaissance constitue toutefois un point de vigilance. « Il faut des discussions plus ouvertes sur les attentes en performances et résultats atteints. Maintenir l’engagement des collaborateurs tout au long de leur parcours dans l’entreprise reste un enjeu critique pour les entreprises au cours de l’année à venir. », souligne Vincent Binétruy. « On passe du vertical au transversal, du hiérarchique descendant à l’empowerment, du périmètre individuel (fiche de poste) à l’agilité personnelle, de la crainte de l’échec à la culture de l’expérience et de l’exhaustivité/recherche de la perfection à la priorisation et à la valeur ajoutée », résume, Stéphane Pain, directeur des technologies et de la transformation d’Heineken France, pour qui cela suppose de revoir les processus.

« C’est un changement culturel et notre modèle de leadership n’est plus adapté », souligne Elodie Oksman, DRH Heineken France, qui privilégie quatre approches : le partenariat (pour s’entourer de personnes différentes), l’exploration (pour le Test & Learn et l’expérimentation continue), la création de valeur et l’agilité personnelle, pour sortir de son périmètre de poste.

Pour sa part, Régis Blugeon, DRH France et directeur des affaires sociales de Saint-Gobain, assure que « la confiance, notion liée à celle d’engagement, ne se décrète pas, elle se construit pas à pas et le digital nous a fait grandir à une vitesse stupéfiante. » Stéphane Pain estime, lui, que « ce qui compte, ce n’est pas la destination mais la direction. Le Comex consacre la moitié de son temps à des sujets de transformation, notamment pour identifier les points de blocage. Nous privilégions l’agile, c’est à la fois un moyen et un objectif, pour le devenir et le rester, mais il faut un accompagnement des collaborateurs. »

Un risque de baisse de motivation

La crise actuelle devrait rendre les entreprises beaucoup plus vigilantes sur la motivation de leurs collaborateurs. Selon une étude publiée en avril 2020 par Empreinte Humaine, un spécialiste en prévention des risques psychosociaux et en qualité de vie au travail, 47 % des salariés étaient en situation de détresse psychologique dont 21 % en détresse élevée.

« Tous les indicateurs se dégradent. Ce n’est pas bon signe pour la sortie de confinement. Les dirigeants d’entreprise sont conscients que la santé psychologique de leurs salariés constitue un actif important de leur entreprise. Le déconfinement ne va pas faire disparaître ce vécu. Au contraire, le stress lié au déconfinement devrait exacerber l’état psychologique des salariés.  Les entreprises ne pourront pas invoquer le cas de force majeure, celles qui n’auront pas été à la hauteur en matière de prévention des risques psychosociaux verront potentiellement leur responsabilité mise en cause et les contentieux autour du préjudice d’anxiété risquent de se multiplier si rien n’est fait », précise Christophe Nguyen, psychologue du travail et président d’Empreinte Humaine.

Particulièrement sollicités en période de crise sanitaire, 30 % des managers sont en détresse psychologique, tandis que les managers de managers sont également mal en point puisque 47 % d’entre eux sont en situation de détresse psychologique élevée. Globalement, 70 % des managers se disent fatigués à cause du confinement. « Pour les télétravailleurs confinés, on constate un développement certain du « blurring » (confusion entre vie professionnelle et personnelle) c’est un risque inhérent mais pas une fatalité.  Il est urgent de repenser les règles et le cadre du télétravail avec le déconfinement pour préserver les salariés en fonction des conditions personnelles et matérielles », ajoute Jean-Pierre Brun, co-fondateur d’Empreinte Humaine et expert conseil.

« Le travail bousculé, non anticipé, voire morcelé, donne le sentiment d’un manque de répit. Résultats : de plus en plus de salariés expriment le sentiment de ne plus pouvoir faire un travail de qualité dont ils peuvent être fiers ou se reconnaître. La question de la perte de sens peut émerger. Si la situation perdure, il y a de grandes chances que le nombre d’arrêts maladie explose » insiste Christophe Nguyen.

Avec la crise du covid-19, « le déploiement d’outils collaboratifs, au-delà de la Digital Workplace ou du lancement de projets destinés, une fois la crise achevée, à les déployer, est une nécessité », souligne une étude du cabinet Markess. « Elle peut être l’occasion de compléter les approches qui dominent jusqu’ici en matière de recrutement, d’On Boarding et de mobilité interne en tirant mieux parti du digital : humanisation des relations en favorisant des cessions et des échanges en vidéo en amont des rencontres en présentiel, recours à des solutions permettant de valider la véracité des cursus des candidats et des CVs adressés, analyse des données à disposition sur les collaborateurs et futurs candidats pour une meilleure adéquation entre leurs compétences, Hard Skills et Soft Skills, et les missions pour lesquelles ils sont attendus ou pressentis… La volonté d’acquérir des expertises spécifiques dans ces domaines se confirmera vraisemblablement une fois la crise traversée, avec l’usage de l’intelligence artificielle (IA) », ajoutent les analystes de Markess.


Les meilleures pratiques des Top employeurs

  • Une politique de cooptation.
  • Des entretiens vidéo et des évaluations de compétences en ligne.
  • Une plateforme d’intégration virtuelle.
  • Une mesure régulière de l’expérience collaborateur.
  • Un partage transparent des impacts à long terme des orientations stratégiques du business sur l’emploi et les métiers.
  • Une collecte et une intégration des préférences personnelles des collaborateurs dans la planification des effectifs.
  • Les managers et les collaborateurs ont des discussions informelles régulières sur les attentes réciproques en terme de performance et les résultats atteints.
  • Évaluation des collaborateurs sur leurs contributions aux objectifs de leurs collègues et des autres équipes.
  • Une plateforme permettant d’intégrer des contenus sous des formats innovants.
  • Du contenu de formation sur des dispositifs mobiles.
  • Une PVE (Proposition de Valeur Employé) est définie avec les collaborateurs, sur la base de leurs aspirations et expériences.
  • Une campagne de communication sur les objectifs de diversité interne de l’entreprise.
  • Une enquête d’engagement annuelle ou bi-annuelle.
  • La mesure systématique de l’expérience d’intégration des nouveaux collaborateurs.
  • Des règles pour décourager l’utilisations des e-mails en dehors des heures de travail.
  • Une implication active des membres de la direction générale aux programmes d’intégration.
  • La mise à disposition d’un « pré-employment » package (informations préalables à l’arrivée dans l’entreprise).
  • Un encouragement au télétravail.
  • Des learning games dans l’offre de formation.
  • La mise en place des voies de dénonciations anony­mes en cas de violation du code d’éthique, de harcèlement ou de discrimination.

Source : Tendances RH 2020, priorités et pratiques des meilleures employeurs en France, Top Employers Institute.


Le poids des tâches sans valeur

Les entreprises françaises sont encore trop enlisées dans des processus rébarbatifs qui nuisent au développement d’une culture collaborative au sein des équipes. Tel est l’un des constats de l’étude réalisée par Vanson Bourne pour Dropbox sur l’état de la collaboration en entreprise. En moyenne, 29 % du temps de travail sont consacrés à des tâches qui n’apportent aucune valeur. Dans ce contexte, augmenter la productivité des salariés est une priorité pour 40 % des décideurs métier et informatiques français dans les douze prochains mois. 86 % des équipes considèrent, par exemple, qu’elles ont besoin de partager des informations en temps réel pour être plus performantes, une façon de travailler encore peu établie. Pour 85% des 2 500 individus sondés, une telle amélioration passera nécessairement par une réinvention des pratiques collaboratives des équipes.


La répartition d’une journée de travail
Tâches Temps associé
Réunions (y compris en ligne) 13,5 %
Stratégie et planification 13,5 %
Gestion, lecture, tri des e-mails 12,4 %
Echange avec des collaborateurs 12,4 %
Création, innovation, brainstorming 11,7 %
Création et présentation de fichiers, de contenus et de données 11,2 %
Envoi et réception de feedback 10,9 %
Recherche, récupération et distribution de fichiers, de contenus et de données 10,1 %
Autres tâches 4,3 %
Source : Etat des lieux de la collaboration, Vanson Bourne, Dropbox Business, 2019.