L’essor de la robotique de service se confirme en France

Le cabinet Xerfi a publié une étude sur le marché de la robotique à l’horizon 2025. L’analyse d’Alexis Jouan, directeur d’études

Comment vont évoluer les différents marchés de la robotique en France d’ici 2025 ?

A. J. Les ventes de robots industriels dans le monde ont atteint un record de 556 000 unités en 2022, malgré un net ralentissement économique et des pénuries de composants pesant sur les livraisons. Celles-ci, ont en revanche marqué le pas en France (+1% en volume), en dessous de leur niveau inédit de 2019.

Il faut dire que la production des industries automobile et aéronautique, d’importants débouchés, ne s’est redressée que très partiellement en 2022. Les achats de robots industriels en France devraient se maintenir en 2023, même si les capacités d’investissement des clients seront mises sous pression.

Ils réaccéléreront en 2024 et 2025, au rythme de 6% par an pour s’établir à 6 950 unités livrées selon nos prévisions, grâce à l’avancée de projets de giga factories à équiper et à des facteurs structurels. Segment moins mature que la robotique industrielle et plus émergent, la robotique de service affiche de belles perspectives.

Les ventes de robots de service professionnels vont, en effet, augmenter à l’horizon 2025, dans le monde comme en France. Les segments de la robotique logistique, médicale et agricole feront ainsi preuve d’une belle dynamique et gagneront de nouveaux usages.

L’essor des robots compagnons ne sera, pour sa part, toujours pas à l’ordre du jour dans un avenir proche, faute de technologies capables d’apporter une véritable plus-value à ces produits. Le rôle d’assistant personnel restera du ressort des solutions d’intelligence artificielle intégrées dans les smartphones, tablettes ou enceintes connectées.

Les revenus du panel Xerfi d’entreprises spécialisées dans la robotique de service professionnelle ont fortement progressé entre 2016 et 2022. Contrairement au segment de la robotique industrielle, la crise de la Covid-19 n’a entraîné qu’un ralentissement modéré de l’activité en 2020. Le chiffre d’affaires de certains acteurs a même fortement augmenté au cours de cet exercice, en particulier dans la robotique logistique et médicale, comme par exemple pour Zimmer Biomet Robotics.

Les revenus de notre échantillon de start-up hexagonales ont quant à eux été multiplié par huit entre 2016 et 2022 grâce à l’entrée de nouveaux acteurs sur le marché et, surtout, au décollage du chiffre d’affaires de jeunes pousses arrivées à de nouveaux stades de leur développement (commercialisation à grande échelle, internationalisation, etc.). Les revenus d’Exotec, bien placé dans la course à la robotisation des entrepôts, ont par exemple doublé en 2022.

Des start-up sont-elles susceptibles d’émerger dans le paysage concurrentiel ?

A. J. Le marché hexagonal de la robotique industrielle restera largement entre les mains de mastodontes étrangers ces prochaines années. La fabrication sera toujours concentrée entre les mains d’une poignée d’acteurs comme le Suisse Staübli, Sepro Group ou encore Siléane.

Quelques start-up entendent, en parallèle, profiter de l’essor de la cobotique pour se démarquer et séduire les PME. Il s’agit notamment d’Isybot, qui commercialise un cobot de ponçage. En septembre 2022, la jeune pousse a annoncé un partenariat avec le géant des abrasifs 3 M pour  mieux promouvoir ses produits auprès des industries aéronautique et ferroviaire.

Le jeu concurrentiel est en effet plus ouvert dans la robotique de service que dans la robotique industrielle. C’est la raison pour laquelle les start-up ont affiché une belle dynamique. Facilitée par les conditions particulièrement favorables de « l’argent gratuit », cette dynamique risque toutefois d’être mise à l’épreuve ces prochains mois.

Désormais, les jeunes pousses se retrouvent face à une nouvelle équation financière. Elles sont en effet menacées par un redoutable effet ciseau pour financer leur développement. De fait, leurs charges et dépenses s’envolent (besoin de financer le passage au modèle industriel, hausse des frais financiers…) tandis que l’accès au financement devient plus difficile (remontée des taux et coup de frein du private equity).

Plusieurs pépites (Exotec, eCential Robotics, etc.) ont désormais franchi un cap et sont arrivées au stade, critique, de l’industrialisation, qui nécessite une importante surface financière. C’est d’autant plus vrai que les acteurs externalisent peu leur production, préférant détenir leurs propres usines. L’internationalisation reste également un passage obligé pour la plupart des jeunes pousses, en particulier celles opérant sur des segments où le marché domestique apparaît trop étroit.

L’Europe et les États-Unis attisent à cet égard les convoitises. Dans ces conditions, les équipementiers historiques peuvent devenir des alliés de choix de ces jeunes pousses, via des partenariats ou des acquisitions, comme l’illustre le rapprochement d’Agreenculture avec Pellenc. Sauf à ce qu’ils décident de lancer leurs propres robots, à l’image de l’Américain Medtronic en train de finaliser en Europe la commercialisation de son système de chirurgie robotique.

Quelles sont les autres stratégies de croissance possibles pour les fabricants ?

A. J. Pour élargir la clientèle, la diversification des secteurs adressés est parfois à l’ordre du jour. Les acteurs de la robotique industrielle sont à cet égard confrontés à une question majeure : sortir ou non de leur niche de marché. La conquête des TPE et PME constitue un autre objectif.

Siléane mise ainsi sur la proximité géographique pour séduire les entreprises de plus petite taille que ses donneurs d’ordres traditionnels. Les acteurs de la robotique sont également engagés dans une véritable course à l’innovation pour mettre sur le marché de nouveaux robots et améliorer les fonctionnalités de leurs modèles existants.

À cet effet, les fabricants de robots réinvestissent une part importante de leur chiffre d’affaires dans leurs activités de R&D (en moyenne entre 5% et 10% de leurs revenus et jusqu’à 20% pour certains acteurs). Naïo Technologies investit par exemple dans l’intelligence artificielle. Les progrès technologiques de ces dernières années favorisent l’émergence de solutions robotiques destinées à de nouvelles applications. Acwa Robotics a ainsi conçu le premier robot d’inspection des canalisations souterraines.