L’homme face à la machine et aux algorithmes : les six postures vertueuses

Christophe Cousin, Chief Data Officer de Webedia, est intervenu lors de la dernière édition 2018 du Forum du CMIT, le club des directeurs marketing et communication de l’IT. Et propose six postures pour que l’homme maîtrise les algorithmes.

« La Data ? C’est le royaume du Bullshit », affirme Christophe Cousin, Chief Data Officer de Webedia, société spécialisée dans la production de contenus sur le divertissement online, avec des marques telles que AlloCiné, jeuxvideo.com, PurePeople ou Easyvoyage. Selon lui, les données cristallisent les discours.

On trouve ainsi quatre grands types de discours : celui de ceux qui sont fascinés par les technologies et pour qui les algorithmes vont tout remplacer. « C’est une vision mathématique », résume Christophe Cousin. Celui des experts en sciences humaines, qui sont plutôt prudents et plaident pour ériger des contre-pouvoirs. Celui des lanceurs d’alerte, qui mettent en exergue les dangers des algorithmes, à l’image des projets du gouvernement chinois d’attribuer à chaque habitant un rating de bonne conduite.

Enfin, celui des consommateurs : « Leurs relations avec les données sont ambiguës, ils partagent leurs informations personnelles mais, en même temps, ne souhaitent pas que les entreprises utilisent leurs données », estime le CDO de Webedia, qui observe « un énorme décalage entre ce qui se dit dans les conférences, ce que les commerciaux racontent, ce que pensent les métiers et la réalité sur le terrain : dans la vraie vie, personne ne fait du Big Data, à part les groupes du CAC 40 et personne ne fait de l’intelligence artificielle, qui se résume souvent à un moteur de règle. »Pour l’instant, car, prévoit Christophe Cousin, « les sciences de la donnée vont envahir le quotidien. » En attendant, comment maîtriser cette évolution, le CDO suggère six postures :

1. La curiosité. Selon Christophe Cousin, elle est indispensable face aux données et aux technologies numériques, ne serait-ce que pour « apprendre à travailler différemment, à identifier de nouvelles solutions ou travailler avec des start-up. »

2. Le courage. C’est, avant tout, pour aller à l’encontre des modes et du conformisme ambiant qui caractérise le monde des technologies. « Beaucoup d’entreprises veulent acheter telle technologie, alors que l’on sait qu’elle ne sert à rien, comme par exemple une DMP (Data Management Platform) pour les directions marketing », souligne Christophe Cousin, pour qui « le domaine de la Data est particulièrement exposé, car on est dans le domaine du fantasme, avec trop de termes et trop de fumée. » D’où la nécessité d’avoir le courage de dire « je ne comprends pas » ou « cette technologie ne me sert à rien… ».

3. La créativité. Elle intervient à deux niveaux. D’une part pour l’innovation dans les produits et services. « C’est souvent une idée qui génère des opportunités, rarement les études de marché… Personne n’avait prévu le succès de l’iPhone », estime Christophe Cousin. D’autre part dans l’agilité : « Il faut parier sur l’autonomie et les cycles courts », ajoute-t-il.

4. La clairvoyance. Elle est notamment indispensable en matière d’intelligence artificielle. « On nous vend l’IA comme un système neutre, avec des résultats incontestables, mais ce n’est pas le cas ! Il faut toujours savoir démêler le vrai du faux… », prévient Christophe Cousin.

5. La complémentarité. Elle s’applique pour distinguer ce qui peut être réalisé automatiquement et ce qui peut l’être manuellement. Le domaine de la qualité des données en fournit un bon exemple : « C’est à l’humain de définir les règles métier applicables entre un modèle de type Amazon basé sur des robots avec, à l’avenir, des drones, et un modèle dans lequel intervient le savoir-faire des individus », assure Christophe Cousin.

6. La conscience. En matière de données, les questions de respect de la vie privée sont au premier plan, on le voit avec le durcissement de la législation dans ce domaine liée au RGPD. « Soit on considère que la vie privée constitue une aberration de l’histoire, car, après tout, les hommes préhistoriques n’en avaient aucune, soit on considère que c’est un acquis à défendre », résume le CDO de Webedia, certain que « face à la Data, il faut développer une certaine humanité, les sciences humaines vont donc revenir dans les entreprises… »