Maturité des DSI : trois perspectives pour résister à la crise

La crise actuelle dure depuis 2008, elle contraint les entreprises à se transformer et à redoubler d’ingéniosité pour tenir les objectifs financiers. De nouveaux business modèles apparaissent mettant le client au centre des préoccupations, on parle de Client Centric. Avec des budgets constants, la DSI tente de maintenir un volume suffisant de projets et d’investir, notamment sur les besoins apportant une création de valeur immédiate pour l’entreprise.

Mais les demandes métiers ne peuvent pas toutes être honorées, des arbitrages sont indispensables. Ces choix fonctionnels doivent se faire en accord avec les souhaits d’évolution technologiques qui accompagnent ces nouveaux besoins (mobilité, Cloud Computing, Big data, réseaux sociaux). Cet article vous propose une approche autour de trois perspectives pour améliorer la maturité de la DSI.

Nous commencerons par un rapide bilan des préoccupations des DSI pour cette année 2013, et la place prépondérante que prend le client dans la gestion de la relation et les services délivrés. L’âge du client est arrivé !

Nous identifierons ensuite les pratiques actuelles permettant d’améliorer les degrés de maturité des DSI sur la base d’une analyse de dix ans d’enquêtes et d’études internationales. Des facteurs d’accélération sont perceptibles : les contraintes deviennent des opportunités ! Nous proposerons pour conclure quelques éléments d’anticipation et des enseignements à tirer pour s’évaluer et s’améliorer.

1 – PREOCCUPATIONS DES DSI : QUAND LE CLIENT EST ROI !

La crise actuelle est une crise de transformation de l’économie globale. Cependant, l’informatique étant un secteur jeune, elle souffre moins qu’en 2008. Notamment grâce à de nouveaux business modèles dont l’apparition entraîne un mouvement des OPEX vers les CAPEX (transfert de dépenses opérationnelles vers des investissements).

Ces projets structurants, à l’initiative des directions commerciale, marketing ou financière, sont lancés impactant fortement l’informatique dans ses services, ses applications et ses technologies. On parle de projets « Customer First » : mobilité, NFC, Cloud Computing, Big Data, réseaux sociaux. Certes, ces domaines ne représentent qu’un petit 20 % des dépenses informatiques aujourd’hui, mais pourraient atteindre 80 % en 2020. Bien que les prévisions des cabinets d’analystes (Gartner, Forrester) montrent que près de 80 % des DSI vont maintenir leur budget informatique au niveau de 2012, voire le baisser légèrement, 20 % des DSI interrogées ont pris l’engagement d’augmenter leurs investissements et d’innover.

En matière de technologies : le client reste toujours connecté … mais sans son PC ! Quel que soit le secteur dans lequel évolue l’entreprise les usages des clients finaux et des utilisateurs de l’informatique ont nettement changé. Certains secteurs sont plus dynamiques que d’autres et les usages clients sont plus forts, par exemple : banque, communication, médias, services.

– L’ère du PC est révolu, la courbe d’usage des smartphones, des tablettes est en explosion avec une tendance d’équipement du marché français à 42 % de la population française à horizon 2020. Ainsi parmi les priorités, les décideurs informatiques classent le poste de travail (applications et matériel) et la gestion des serveurs (données, stockage) en tête, deux domaines déjà prioritaires depuis deux ans.

– En conséquence, les investissements liés aux réseaux et au stockage des données progressent et occupent les 3e et 4e places. La sécurité apparaît juste après et les projets liés au Cloud Computing font leur entrée parmi les six priorités de l’année. Il apparaît clairement que ce ne sont pas les projets qui manquent dans les DSI, mais une stratégie sur les nouvelles technologies.

En matière d’usages : le client est captif via un réseau social dynamique !

Le social (mode collaboratif) et les réseaux sociaux sont mis en avant par les directions fonctionnelles de l’entreprise. Elles ont tout le soutien de leur direction générale pour lancer des projets, d’autant que cela crée de la valeur immédiate (en CA ou en image). Il s’agit donc pour celles-ci d’exploiter une mine d’information (via des API vers ces réseaux), pour enrichir l’Expérience Client et aider à prendre les bonnes décisions en temps réel.

– Par exemple, les clients disposent d’un accès à un contenu géolocalisé (grâce à un smartphone), la prise de décision est immédiate grâce aux offres marketing (push/pull), ils bénéficient d’un message personnalisé et engageant : « Cher client, je vois que le produit que vous voulez est moins cher dans une autre enseigne mais je vous fais 20% sur la garantie si vous le prenez dans les 30mn. Cliquez-ici. »

– cela implique pour les DSI de repenser l’ergonomie des applications pour les rendre disponibles sur ces terminaux. Pas la peine cependant d’y embarquer toutes les fonctionnalités existantes sur un PC. Les applications mobiles doivent être simples pour être adoptées.

– Avec cet enrichissement de données, il est également possible de démultiplier encore plus l’information dont on dispose en les interrogeant avec du NFC ou du RFID. Plus précis que la géolocalisation, cela facilite la mise en base de données des informations relatives aux prospects et clients dans un système d’information dédié. Le Big / Smart Data est directement à la portée des directions marketing et devient analytique !

– Dans les usages professionnels ne sont pas écartés, ils évoluent aussi vers une grande mobilité. Gartner prévoit que d’ici 2016, au moins 50 % des e-mails professionnels seront lus en premier lieu sur les terminaux nomades avant les ordinateurs de bureau.

La gouvernance des applications et des données est à présent à la frontière des échanges entre le DSI et les directions utilisatrices. Les solutions proposées en mode Cloud (pour augmenter le degré de liberté de l’action) se présentent comme une opportunité. Il s’avèrera coûteux pour la DSI de découvrir a posteriori que ces applications sont utilisées par un métier (sans avoir échangé avec la DSI) et qu’elles sont à inclure dans le patrimoine applicatif de l’entreprise.

En conclusion, tous les nouveaux projets des DSI dans les années à venir aborderont chacun des deux volets : apport des technologies, apport des usages. Charge aux décideurs informatiques d’avoir une vision, une stratégie SI et des pistes de réponses, avant de se faire voler la vedette.

2 – MATURITE : LE TRIPLE A S’IMPOSE

En temps de crise, la prudence reste de mise. Les DSI ont globalement engagé des projets structurants autour du poste de travail, de la mobilité, du Cloud Computing, du décisionnel et du Big Data, qu’elles déclarent ne pas vouloir remettre en cause.

Mais elles cherchent à les financer en effectuant une pression forte sur les dépenses de fonctionnement et tout particulièrement en rationalisant l’existant (infrastructure et applicatifs).

En conséquence, la maturité des organisations DSI et de leurs pratiques opérationnelles s’améliore lentement. Sur l’échelle CMMi (notée de 1 à 5 sur le niveau de maturité), on constate que depuis 2009, une érosion des pratiques autour d’un palier situé entre 3,5 et 4.

Pour guider l’industrialisation des pratiques, et améliorer le niveau de maturité, des référentiels et normes se sont imposés (Itil, SCRUM, ISO 27002, IS0 30000, e-SCM …). Mais la courbe d’apprentissage de ces standards est longue et la conduite du changement auprès des équipes est parfois laborieuse ou déclarée moins prioritaire par le DSI ou le DRH.

Les décideurs informatiques qui ont progressé plus rapidement ont le « Triple A : Agilité, Alignement, valeur Ajoutée », ayant engagé des efforts significatifs sur chacun des trois sujets. Ils ont fait très tôt les bons choix et ont initié une dynamique d’amélioration continue pour partager l’Expérience Client et la création de valeur pour toute l’entreprise.

Agilité : un moyen de mettre en évidence un ‘Delivery’ plus efficace

A budget constants, la motivation des DSI s’oriente vers des projets d’investissement à caractère stratégique pour l’entreprise et qui continueront certainement dans les deux à trois prochaines années. La recherche de réduction de coûts étant permanente, les DSI rivalisent d’ingéniosité pour répondre à de nombreuses demandes apparaissant comme génératrice de valeur immédiate pour l’entreprise.

L’application de méthodes agiles dans la gestion de projets semble être un facteur de succès pour délivrer un service informatique dans un délai court : respect du time-to-market, proximité avec la direction demandeuse, et présentation sous forme de maquettes et d’itérations successives des produits.

Alignement : la nécessité d’avoir un plan stratégique comme guide de référence

Un des défis des dirigeants est d’équilibrer la planification à long terme contre celle à court terme et son exécution. Beaucoup d’entre eux ont une vision stratégique mais ne la partage pas systématiquement. Cette vision doit être déclinée en plan d’actions stratégiques à l’échelle de la DSI. Ces derniers sont conscients que la maîtrise des technologies numériques est une clé essentielle pour gagner en compétitivité en temps de crise.

Certains constatent avec amertume que leur vision n’est pas partagée par les comités de direction. Ils déplorent que leur fonction se résume encore trop souvent à « un poste de dépense obligatoire » au lieu d’être reconnue comme un levier de compétitivité et de création de valeur. L’élaboration d’un plan stratégique pour la DSI se présente comme une nécessité.

Valeur ajoutée : l’apport de bénéfices concrets pour les métiers

Au regard des enjeux exposés précédemment et des challenges de survie économique de l’entreprise, il est donc plus que jamais nécessaire pour les DSI d’adopter une approche Business orientée valeur ajoutée. Il s’agit simplement de penser une informatique centrée sur l’activité, les métiers de l’entreprise, et ses clients !

L’explosion de l’information, du mode collaboratif et de la mobilité permise par le Cloud, semble devenir un passage obligé pour les DSI. Une analyse fonctionnelle des bénéfices, des risques, de la pérennité de la solution et des conditions de sécurité doit être honorée. Les décideurs informatiques doivent repenser leur patrimoine applicatif : l’adapter afin d’apporter « simplicité et ergonomie » sur ces applications, veiller à gérer la courbe d’obsolescence des versions et des développements.

Préconisation pour les DSI : évitez le processus de destruction de valeur

Nous constatons que les entreprises consacrent 70 % de leur temps et de leur argent à assurer la maintenance de leur système d’information. Cet héritage (informatique « legacy »), appelé aussi dette informatique, est coûteux et ne doit pas être inamovible. Il faut veiller à suivre les risques liés aux applications (obsolescence applicative : évolutions, corrections, bugs, etc.) puis à les remplacer, de manière sélective et régulièrement (plan de décommissionnement).

Etre performant, c’est un objectif que les DSI se fixent au travers de contrat de performance et de services avec les directions utilisatrices. Mais quelle énergie met-elle à se renouveler et à innover pour anticiper et accompagner ces nouveaux besoins fonctionnels et technologies ?

3 – INNOVATION : ETRE PERFORMANT AUTREMENT

Certains responsables informatiques décident d’investir dans une démarche d’innovation, et réduisent ainsi leurs dépenses de fonctionnement. C’est un moyen différent de démontrer la performance d’une DSI.

L’objectif fort d’une telle démarche est de pouvoir identifier, grâce à une gestion budgétaire maîtrisée, les sujets apportant le plus de valeur ajoutée ou les idées nouvelles pour être source d’innovation et de contribution au développement de l’entreprise. Etre dans une entreprise qui continue à investir en période de crise est très valorisant. Cependant, si le DSI fait des envieux, il doit supporter la politique commerciale dans des délais de plus en plus courts, nécessitant d’être plus réactif et agile en temps de crise.

Pour réussir, les DSI mettent en place un filtre d’analyse économique des projets, tant pour les projets métiers, que pour les demandes d’évolutions sur les applications. Cette analyse systématique permet d’étudier le rapport coûts/gains espérés sur chaque besoin. L’implication du métier dans les choix structurants des projets devient meilleure: rédaction de cahier des charges, pilotage par un sponsor, partage des ébauches de l’applicatif en mode POC (Proof of Concept).

La technique de l’entonnoir s’impose dans cette démarche d’innovation. Les critères de sélection des projets nécessitent des règles claires et partagées entre le demandeur et le concepteur de la solution. Des règles portant sur l’apport de valeur métier pour l’entreprise sont imposées, par exemple :
– tout projet ayant un ROI supérieur à un an sera rejeté.
– les projets présentant une capacité d’autofinancement à 12-18 mois sont privilégiés.

Ce dialogue est partagé avec les métiers pour essayer de faire des projets plus petits, moins coûteux, tout en restant innovants.

4 – COMMENT PASSER A L’ACTION ?

Les décideurs informatiques doivent impérativement passer à l’action. Il faut développer une dynamique d’amélioration continue pour progresser même en temps de crise et pour guider concrètement les équipes et les métiers, utilisateurs du système d’information de l’entreprise.

Au terme de cet article, nous avons partagé ensemble les repères des DSI pour répondre à un time-to-market toujours plus exigeant et ce qu’il faut pour améliorer le niveau de maturité de leurs pratiques :
– en matière d’usages ou de technologies liés à l’Expérience Client et la création de valeur,
– en matière d’Agilité, d’Alignement, et de valeur ajoutée,
– ou encore pour encourager la capacité à se renouveler et à innover.

La démarche d’évaluation des pratiques d’une DSI se réalise au moyen d’un audit flash. Elle permet à son équipe dirigeante de disposer un diagnostic objectif des forces et des points de difficultés pour chacun des processus de la DSI. Un suivi annuel des actions s’inscrit dans un processus d’accompagnement continu et une vigilance est à observer sur les leviers d’accélération. Certains DSI ressentent le besoin de leurs pratiques à la concurrence ou à de entreprises de taille similaires. Le benchmarking permet de répondre également à ces attentes sur un secteur d’activité donné (industrie, services, médias, banques..).
Pourquoi s’évaluer maintenant ?

Cette période de gel / ralentissement des investissements doit permettre aux DSI de prendre du recul et de réinventer leur rôle, pour trois raisons simples :

1. De plus en plus partie prenante dans les décisions, le directeur financier intervient pour réduire au plus juste les dépenses? Un mal nécessaire pour certaines entreprises et certains secteurs. En définitive, les DSI perdent peu à peu le contrôle de leur budget. Garner estime que « d’ici 2014, les DSI auront perdu le contrôle effectif de 25 % de la dépense IT de leur organisation ».

2. L’informatique est une fonction transverse de l’entreprise au service des métiers, dont le marketing. Les analyses de Gartner prévoient « que d’ici 2017, les directeurs marketing pourraient avoir un budget IT plus important que le DSI. » Mais disposer d’un budget, c’est aussi avoir voix au chapitre dans les arbitrages et peser sur les choix.

3. Mais que les DSI se tranquillisent. Pour Gartner, cette crise (une de plus) est une opportunité pour « réinventer leur rôle ». Cette vision partagée notamment par certains administrateurs du Cigref indique que « le DSI a la culture du changement ». Dans tous les projets de transformation, le DSI est nécessaire. Quand les métiers dans l’entreprise s’interrogent sur comment opérer par rapport aux réseaux sociaux ou les terminaux multiples, ils se tournent vers eux. Et il faut être capable de leur répondre.

Fortement sollicités sur tous les fronts (études et projets, opérations, innovation et veille), les DSI sont sous pression, noyés par de nouvelles demandes, les projets lancés et des réglementations imposées. Et si les métiers décidaient de s’affranchir de la collaboration de la DSI ? La question est ouverte, et, la DSI en danger, les équipes doivent donc se mobiliser très rapidement.

Cet article a été écrit par Sandrine Allard, senior manager au sein du cabinet Décision Performance Conseil, société de conseil spécialisée dans la définition et la maîtrise des projets d’amélioration de la performance de l’activité et d’évolution des systèmes d’information. Elle intervient dans le domaine de la stratégie et de la performance des systèmes d’information. www.conseil-dpc.com.