Michel-Louis Prost, DSI de Descours & Cabaud, président de l’Adira : « Les grands chantiers motivent les équipes. »

Pour Michel-Louis Prost, qui préside l’Association pour le développement de l’informatique en région Rhône-Alpes, la cohabitation des DSI et des fournisseurs ne pose aucune difficulté. Bien au contraire. Un réseau crucial qui facilite la veille technologique.

L’Adira, qui va fêter ses quarante ans cette année (2009), regroupe à la fois des DSI et des fournisseurs. Comment parvenez-vous à concilier ces deux mondes ?

Michel-Louis Prost La spécificité de l’Adira (Association pour le développement de l’informatique en région Rhône-Alpes) est effectivement d’être une association à la fois d’utilisateurs et de fournisseurs ainsi que ceux qui les accompagnent, tels que les cabinets de recrutement, les avocats spécialisés ou les représentants du monde universitaire.

Souvent, dans le domaine des technologies de l’information, les associations regroupent exclusivement soit des utilisateurs, soit des fournisseurs. Au total, nous regroupons plus de 500 entreprises, dont la moitié sont des utilisateurs et l’autre moitié des fournisseurs. Avec un objectif commun : favoriser la croissance des métiers de l’informatique en région Rhône-Alpes en labourant le terreau régional. D’ailleurs, les lettres d et i du sigle Adira signifient « développement de l’informatique » et non pas « directeurs informatiques ».

Rappelons que la région Rhône-Alpes constitue le deuxième pôle de création de richesse en France, pèse 10 % du PIB, 10 % du nombre total d’habitants et aussi 10 % du nombre d’informaticiens, soit 45 000 sur un total de 450 000. à l’Adira, chaque membre, qu’il soit DSI ou patron de SSII, est placé sur le même plan. Ce mélange produit une richesse et privilégie un œcuménisme total.

Pour les membres utilisateurs, l’Adira facilite la constitution de réseaux, cruciaux en ces temps difficiles pour les DSI. Ils trouvent également à l’Adira une structure de veille technologique dans la mesure où les membres offreurs communiquent sur leur savoir-faire.

Nous bénéficions ainsi d’énormément de matière utile pour nos missions. De leur côté, les offreurs trouvent à l’Adira un espace commercial : ils peuvent côtoyer tous les DSI de la place dans une seule salle !

En général, lorsque les fournisseurs veulent rencontrer les DSI, il leur faut franchir de multiples barrages et déployer des efforts importants pour obtenir des rendez-vous. A l’Adira, ils répondent aux invitations et réunissent des dizaines de DSI, dans un esprit constructif et détendu.

Je vais vers eux sans aucun problème alors que si un offreur m’envoyait un mail, je ne lirais pas ! Pour les fournisseurs, l’Adira constitue donc un levier commercial qui démultiplie leurs opportunités. Nos groupes de travail mêlent des utilisateurs qui échangent leurs meilleures pratiques et des offreurs qui viennent pour expliquer leur vision.

Lorsqu’un utilisateur a un vrai projet, il va naturellement se tourner vers les offreurs qu’il a côtoyés. L’Adira a donc un rôle de catalyseur des rencontres et des opportunités professionnelles. Nous sommes clairement une association de business et d’influence.

Comment s’organise le système d’information de Descours & Cabaud ?

Michel-Louis Prost Descours & Cabaud est un distributeur de produits pour les entreprises de BTP et industrielles, qui ne vend qu’aux professionnels. Nous avons 450 points de vente en France et une présence à l’international. L’entreprise compte 13 000 collaborateurs et réalise 3,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires.

Elle a grandi par acquisitions et, malheureusement, peu d’efforts avaient été faits pour fédérer les systèmes d’information au fur et à mesure de ces acquisitions. Résultat : nous avions des systèmes d’information très disparates, chaque entreprise arrivant avec son système informatique, sa salle machines et ses méthodologies…

Cela a évidemment changé, pour des raisons essentiellement économiques : entretenir n systèmes d’information pour faire le même métier est extrêmement coûteux, surtout s’ils sont dispersés géographiquement. Par ailleurs, nos clients professionnels et grands comptes souhaitaient une harmonisation des offres, des conditions commerciales et des codifications de produits.

Nous avons donc entamé, au début des années 2000, un chantier pour aboutir à une double convergence. D’une part, nous avons mené une convergence des infrastructures pour ne conserver que six centres informatiques en France, contre plus de trente auparavant. D’autre part, nous avons réalisé une convergence applicative : au lieu d’une trentaine d’applicatifs pour exercer notre métier, l’objectif était d’en conserver un seul.

Aujourd’hui, il nous reste deux applicatifs commerciaux majeurs qui sont en cours de rapprochement. Nous n’avons toutefois pas opté pour un ERP du marché mais pour un ERP « maison ».

Non pas pour des raisons financières, cela nous coûte aussi cher de développer par nous-mêmes, avec l’aide de partenaires, mais pour des raisons de réactivité sur des modules dont nous avons besoin, très pointus et qui font notre spécificité. Par ailleurs, nous avons privilégié la souplesse face à un marché très fluctuant.

Des modules externes sont toujours plus contraignants lorsque l’on a besoin de les adapter. Nous avons cartographié notre système d’information ainsi que les processus (la facturation, les prises de commandes, la gestion des stocks…).

Pour tous les modules correspondants dont nous avons besoin, soit nous en confions la réalisation à des partenaires en fonction de nos cahiers des charges, soit nous les achetons. L’important est que cet ensemble modulaire soit maîtrisé.

Ce point est fondamental, car nous allons léguer à nos successeurs un ensemble modulaire attractif. Les environnements économique et technologique de demain seront très différents de ceux d’aujourd’hui : lorsqu’il faudra s’adapter, il ne sera pas nécessaire de renouveler l’ensemble du système d’information mais uniquement les modules concernés.

L’investissement est ainsi préservé. Les grands chantiers motivent les équipes : l’action favorise la créativité et l’innovation. Je dis souvent à mes équipes que derrière chaque problème, il y a une opportunité. Comme le disait admirablement l’industriel américain Henry John Kaiser : « Les problèmes sont des opportunités en vêtements de travail. »

L’une de nos best practices consiste à utiliser celles des autres : c’est là que l’Adira se révèle incontournable. J’y rencontre aussi mes concurrents directs et nous échangeons sur tout ce que nous faisons dans nos entreprises respectives. Ce n’est pas parce que l’on dispose du même applicatif que l’on en tire la même substance : l’organisation, les usages et le management font la différence.

Mais, comme l’affirmait Einstein, il ne faut jamais laisser la technologie dépasser votre humanité ! Derrière les solutions que l’on met en place, il y a la finesse humaine, la qualité du management, la richesse des jugements des uns et des autres.

Comment voyez-vous l’évolution du métier de DSI ?

Michel-Louis Prost Le DSI qui ne sera pas membre du comité de direction n’a pas beaucoup d’avenir.

Il doit participer aux décisions. Le métier d’une entreprise n’est pas de faire de l’informatique, même si elle constitue un des leviers indispensables. On parle beaucoup d’alignement stratégique mais je n’aime pas le terme alignement : cela signifie plutôt soumission, si l’on retient une image militaire. En revanche, le terme « stratégie » est noble.

Il ne s’agit donc pas de s’aligner stratégiquement mais de participer à l’élaboration de la stratégie de l’entreprise. Le DSI doit apporter sa pierre, tout comme le DRH apporte la sienne dans les façons de manager, en veillant à ce qu’elle soit cohérente avec l’ensemble de l’entreprise.

Autrement dit, le DSI ne s’aligne pas, il contribue, il participe, et utilise la veille technologique pour suggérer des innovations que ses collègues n’auraient pas vues.

Le DSI de demain est immergé dans un comité de direction cohérent. Celui-ci ressemble à un conseil des ministres dans lequel chacun a un portefeuille et c’est la somme qui fait le gouvernement de l’entreprise. Un DSI qui n’est pas dans ce schéma n’est qu’un exécutant : il n’est pas DSI mais responsable du service informatique…