Migration de systèmes d’information : les établissements financiers en première ligne

La mutualisation des systèmes d’information concerne quasiment tous les grands groupes du secteur banque-finance. Réduction des coûts et, surtout, harmonisation fonctionnelle et technique, deviennent incontournables. Les exemples de la Caisse d’épargne Lorraine Champagne-Ardenne et de Groupama Centre Atlantique.

Le secteur bancaire pèse pour un peu plus de 16 % des dépenses informatiques en France avec un volume global estimé à 12,8 milliards d’euros.

C’est le deuxième secteur du marché en valeur derrière l’industrie, souligne PAC. Trois grands axes poussent à l’investissement en technologies de l’information : l’obligation de s’adapter aux nombreuses nouvelles réglementations (Sepa, Mifid), la rationalisation et la réduction des coûts (mutualisation des moyens, réduction du nombre de plates-formes informatiques) et les investissements nécessaires à l’évolution des business models », soulignent les consultants de PAC.

Côté assurances, ceux-ci rappellent : « Le marché des assurances rencontre de nouveaux enjeux (globalisation, consolidation, dérégulation) dans un contexte de marché moins porteur. Face à ces challenges, le système d’information devient un levier stratégique contribuant à renforcer l’efficacité commerciale, la productivité et donc la compétitivité. Ainsi, malgré les efforts en termes d’optimisation des coûts, le total des dépenses IT des assureurs en France devrait progresser de 3 % par an d’ici 2010. »

Les rapprochements entre établissements constituent l’un des leviers stratégiques pour s’adapter aux bouleversements de l’environnement concurrentiel. Exemple : la Caisse d’épargne Lorraine Champagne-Ardenne (septième du groupe avec deux millions de clients et 2 400 collaborateurs) résulte du rapprochement, effectif depuis novembre 2007, de la Caisse d’épargne de Lorraine et de celle de Champagne-Ardenne.

Une telle opération se réalise en plusieurs étapes. D’abord, sur le plan institutionnel, avec la fusion juridique, comptable et bancaire. Ensuite, sur les plans organisationnel, commercial et administratif pour harmoniser les structures de fonctionnement, les offres, les réseaux de distribution et, bien sûr, le système d’information. Enfin, sur le plan social, avec les partenaires sociaux.

La fusion informatique et organisationnelle est intervenue en juin 2008. « La fusion-migration s’est déclinée en neuf chantiers, dont celui qui consiste à réaliser la migration des données sources vers le système d’information cible », précise Roland Béguet, Directeur de l’Exploitation Bancaire de la Caisse d’Epargne Lorraine Champagne-Ardenne, qui a expliqué sa démarche lors d’une table ronde organisée par le cabinet de conseil Orga Consultants et animée par la rédaction de Best Practices Systèmes d’Information.

Une telle opération d’envergure ne peut réussir qu’avec une collaboration étroite entre les métiers et les acteurs techniques. « Les ressources métiers (par exemple la comptabilité, le crédit, les moyens généraux, le contrôle de gestion, la gestion des risques, le marketing…) sont regroupées en groupes de travail métier bancaire. Ceux-ci sont chargés de la mise en œuvre de l’organisation cible sur les différents métiers et de la préparation de l’insertion de la banque dans le système d’information cible, détaille Roland Béguet, les acteurs techniques, pour leur part, sont regroupés selon différents chantiers (voir encadré) et mobilisent les métiers dans le cadre des travaux de migration. »

Les ressources métiers sont ainsi sollicitées dans toutes les directions et pendant toute la durée du projet. « Il s’agit d’un véritable projet d’entreprise, et non pas d’un simple chantier technique, avec une implication totale des dirigeants, un pilotage et une animation très structurés et fluides ainsi qu’une communication permanente ; chaque étape doit être anticipée, préparée et partagée avec les métiers », ajoute Roland Béguet, qui s’est fait accompagner par Orga Consultants.

En renfort pour les directions métiers et l’équipe projet, « les apports d’un cabinet de conseil sont multiples : le partage d’une méthodologie et d’une expertise, la structuration et l’animation du projet, la sécurisation du pilotage, notamment pour le respect du calendrier, la production des chantiers clés et l’accélération de prise des décisions. »

« Les fusions peuvent être des moments délicats dans la vie d’une entité, car cet événement génère des changements d’un point de vue tant organisationnel qu’humain et favorise la naissance de nouvelles pratiques. Il doit donc être extrêmement bien préparé et, surtout, il doit être accompagné sur le long terme en fédérant l’ensemble des collaborateurs autour du projet et de la culture d’entreprise », confirme Marc de Brucker, directeur général délégué d’Orga Consultants.

L’année 2008 fut également celle d’une importante migration informatique chez Groupama Centre Atlantique, dans le cadre d’un programme de fusion-migration engagé depuis plusieurs années. « Une organisation matricielle a facilité le partage des tâches entre les métiers et l’informatique », souligne Pascal Loiseau, DGA de Groupama Centre Atlantique.

Là encore, des principes partagés par tous ont permis de garder le cap. Pour Pascal Dehaese, Directeur des études de Groupama Système d’Information, ces principes concernent à la fois la cible à atteindre, le pilotage du programme et le mode de fonctionnement. « Pour la cible à atteindre, nous avons retenu le fait que la spécialisation par métiers s’impose à la migration, et utilisé le levier de la migration pour optimiser les processus. » Autres principes partagés : « Adopter Sigma (le système d’information de Groupama) comme solution cible, sans l’adapter. »

Pour le pilotage du programme, Pascal Dehaese précise : « Nous avons considéré le programme SI 2008 comme un projet d’entreprise, stratégique et prioritaire. Il a été piloté par les délais et démarré en Big Bang, en une seule fois. Par ailleurs, chaque phase majeure du programme a été anticipée, avec une répartition claire des rôles et des responsabilités. »

Enfin, concernant le mode de fonctionnement du programme il s’agissait, ajoute Pascal Loiseau, DGA de Groupama Centre Atlantique, de « maintenir le service à la clientèle, de continuer la vente pendant les travaux et de limiter les évolutions du SI source et des structures actuelles de la caisse. »

Ce principe de transparence des systèmes d’information vis-à-vis des impératifs économiques des établissements financiers va de plus en plus s’affirmer : « Les institutions financières devront chercher à renforcer leur position dans un environnement financier plus global exigeant une stratégie multinationale, un équilibre entre des présences régionales fortes, une technologie d’infrastructure efficace, la mise en place de processus communs, et une meilleure intégration de la conformité réglementaire aux processus », notent les consultants d’IDC.


Les sept facteurs clés de réussite d’une fusion dans le domaine financier

  1. Partir d’une grande ambition : l’objectif est évidemment que « un plus un » fasse plus de deux, sinon, la pertinence d’un rapprochement n’est pas évidente. C’est notamment fondamental pour les réseaux de distribution et les offres.
  2. Matérialiser l’ambition par une cible à moyen terme (quatre à cinq ans), en déduire le chemin à parcourir et les différents jalons.
  3. Intégrer tous les domaines à la réflexion.
  4. Définir un plan global d’évolution des effectifs.
  5. Travailler l’étude de faisabilité et d’opportunité, notamment si certains acteurs sont sur la défensive vis-à-vis de la fusion.
  6. Privilégier une mise en œuvre rapide et en « Big Bang », ce qui évite les périodes de transition, très consommatrices de ressources.
  7. Se donner les moyens de son ambition : la fusion doit être un projet prioritaire, qui s’appuie sur des méthodologies éprouvées, un pilotage et un accompagnement.

Source : Orga Consultants


Les différents chantiers techniques à mener

  • La migration des données
  • Le paramétrage et les habilitations
  • Les référentiels
  • Les réseaux et les postes de travail
  • La certification dynamique
  • Les filiales et les prestataires
  • La formation
  • Les impacts de la fusion bancaire
  • L’information-accompagnement
  • L’informatique locale
  • La mise en oeuvre de l’organisation
  • La bascule et le déploiement
  • L’assistance post-bascule

Source : Caisse d’épargne Lorraine Champagne-Ardenne / Orga Consultants.