Modéliser les activités de la DSI avec la démarche ABC

La DSI de Cofidis, spécialiste de la vente à distance de crédit à la consommation, a engagé une démarche ABC (Activity Based Costing). Objectifs : modéliser l’ensemble des activités de la DSI, dirigée par Olivier Kling.

Cofidis a initié une démarche ABC (Activity Based Costing) : quels étaient les objectifs ?

Olivier Kling  Cofidis, spécialiste de la vente à distance de crédit à la consommation (12,5 millions de comptes clients), emploie près de 3 700 collaborateurs dans le monde, dont 1 700 en France. La DSI de Cofidis regroupe 170 collaborateurs auxquels s’ajoutent cinquante prestataires externes.

Compte tenu de nos métiers, le système d’information est évidemment au cœur du business de l’entreprise. Il doit être au service de la fluidité des processus, quel que soit le mode de contact des clients avec l’entreprise, afin que ceux-ci ne « voient pas » le système d’information. De fait, les composantes décisionnelles et business intelligence sont fondamentales dans nos métiers à forte connotation marketing.

La démarche ABC a été initiée en octobre 2008, avec l’aide du cabinet de conseil Cost House. Auparavant, nous utilisions une approche budgétaire classique, avec un suivi de projets en nombre de jours-hommes. Mais un manque relatif de mises à jour ne nous permettait pas d’être certains de disposer des chiffres les plus pertinents, par exemple pour préparer les réunions de comité de pilotage des projets.

Notre besoin était donc simple : mieux comprendre le pilotage financier de la DSI pour mesurer et optimiser. Autrement dit, dégager des ratios pour le « Build » et le « Run ».

S’il est relativement aisé d’identifier que tel collaborateur travaille sur tel projet, c’est moins facile dès lors qu’il s’agit de l’exploitation. Une démarche de type ABC présente deux intérêts principaux. D’une part, fiabiliser la relation avec les maîtrises d’ouvrage : auparavant, nous passions beaucoup de temps à démontrer que les budgets étaient bien affectés.

D’autre part, notre motivation était de mieux prévoir les volumes et les montées en charge, de sorte que le prévisionnel soit mieux géré, en liaison avec les données historiques. Cela permet de décloisonner la DSI, avec un langage commun aux études, à la production et aux infrastructures.

Cela oblige à partager un référentiel commun à tous les niveaux, préalable indispensable à la construction d’un catalogue de services. En affinant la catégorisation des projets (entre la conception, le développement, les tests unitaires et la recette), nous avons défini des profils-types de projets qui nous ont permis de mieux anticiper les plans de charge.

Quelles sont les principes de la démarche ABC ?

Olivier Kling  La méthode consiste à modéliser l’ensemble des activités de la DSI, chacune étant associée à des unités d’œuvre. Le principe de la démarche est le suivant : on part du fait que le rôle de la DSI est de fournir des prestations formalisées au sein d’un catalogue de services. Ces prestations consomment des activités.

La mesure de cette consommation se fait au moyen d’inducteurs qui représentent une réalité technique (voir schéma). Ces activités, qui représentent les tâches opérationnelles de la DSI, consomment des ressources. Ces ressources représentent les différents postes de coût de la DSI.

On s’intéresse donc aux ressources (ce que l’on dépense pour faire, par exemple les salaires, les serveurs, les licences logicielles), aux activités (études, développement, exploitation, support…) et aux prestations (ce que l’on délivre, par exemple des applications, des matériels…).

Pour rendre la démarche efficace, deux profils de compétences sont particulièrement importants et travaillent ensemble : le contrôle de gestion informatique et la cellule de pilotage du portefeuille projet.

Par quoi commencer ?

Olivier Kling  La première action consiste donc à inciter tous les collaborateurs de la DSI à comptabiliser le temps qu’ils affectent à leurs différentes missions. Ce n’est pas habituel, notamment pour les fonctions de production et de gestion des infrastructures.

Les managers perçoivent rapidement l’intérêt d’une telle démarche, mais les efforts d’explication doivent être significatifs. Une vingtaine de sources de données ont été analysées pour reconstituer le détail des postes de dépenses 2008, par exemple les coûts de maintenance, les achats de logiciels et de matériels, les amortissements, les consommables, le conseil et l’assistance.

Nous sommes partis du modèle du Cigref que nous avons simplifié pour n’en retenir que cinq processus (bureautique, mise à disposition des services, maintenance évolutive des services, projets d’évolution des services et prestations d’expertise refacturables). Chacune des activités est liée à un ou plusieurs processus.

Nous avons ainsi défini 456 prestations dans le modèle pour 2008, dont treize pour la bureautique, 199 applications ou services mis à disposition, 130 petites évolutions associées à la maintenance évolutive et 112 projets d’évolution des services.

Concrètement, la démarche se décompose en quatre étapes. La première consiste à extraire les données. Deuxième étape : affecter les données à une activité du modèle, c’est-à-dire regrouper de façon cohérente par domaine, par projet, par activité, pour que le traitement soit le plus automatisé possible, avec des clés de répartition pertinentes.

Ensuite, on affecte les données à une prestation, selon le type d’inducteur de l’activité ABC de la ligne. Lorsque certaines lignes ne peuvent être associées à des projets précis, on utilise des activités provisoires. Enfin, chaque ligne est valorisée.

Ainsi, nous avons défini neuf profils types pour les ressources internes et calculé des taux horaires moyens par prestataire et par profil-type, à partir des informations du contrôle de gestion. Le traitement manuel de toutes ces données est lourd mais il est en cours d’automatisation.

Il importe aussi de modéliser pour obtenir une réponse opérationnelle mais avec un niveau de granularité qui reste gérable. Pour faire vivre le modèle, on procède par itération, mais pas plus de deux fois par an. Nous avons complété par un « mapping » de l’organisation afin d’identifier les surdimensionnements.

Quel bilan en tirez-vous ?

Olivier Kling  Nous sommes passés de 2 000 activités à 64, qui peuvent elles-mêmes se regrouper en cinquante macro-activités pour faciliter l’analyse. Toute l’activité de la DSI a ainsi été imputée sur ces 64 activités, ce qui représente une base de données d’environ 100 000 lignes.

L’intérêt est ainsi de disposer d’un « point zéro » à partir duquel vont pouvoir s’effectuer les comparaisons. La démarche ABC permet d’identifier les domaines dans lesquels la DSI est bien positionnée et d’autres qui se révèlent trop coûteux, qu’il faut probablement mutualiser.

Par exemple, pour le coût du poste de travail, nous avons pu confirmer que nous sommes très bien positionnés, avec un coût moyen inférieur de moitié à la moyenne des entreprises.

Cela est dû, entre autres, au fait que nous avons déployé la suite bureautique Open Office sur la moitié de nos machines, que nous sommes monosites et que notre support est très bien organisé. En réalité, on s’aperçoit que 30 % des macro-activités représentent 80 % des coûts, par exemple le pilotage et le management de projets, les acquisitions de serveurs et de logiciels, la tierce maintenance applicative.

De même, 30 % des applications et des projets concentrent 80 % des coûts de leur catégorie. Le processus projet semble relativement stable globalement, mais il serait intéressant de l’analyser par typologie de projet de façon à isoler d’éventuelles différences de profil.

Quel est le prolongement de cette démarche ?

Olivier Kling  L’objectif est, bien sûr, d’industrialiser la démarche : d’abord, par une structuration de l’outil de GTA (gestion des temps et des activités) de façon à renseigner directement les informations nécessaires lors des saisies. Ce processus est en cours d’automatisation. Ensuite, il s’agit de structurer le processus « achat » afin de saisir directement les informations nécessaires lors des demandes d’achats.

Et, enfin, de compléter les axes analytiques de la comptabilité pour conserver ces renseignements au niveau des données relatives aux amortissements, aux immobilisations, voire aux contrats de maintenance.

Quels sont vos recommandations ?

Olivier Kling  Pour mener à bien une démarche ABC, il faut respecter au moins quatre principes : créer de la cohérence entre les entités, bien se rappeler les limites de l’exercice, organiser la démarche de façon itérative et accepter l’imprécision. J’ajouterais qu’il est toujours utile de se faire accompagner. L’intérêt est d’éviter les pièges et de gagner du temps pour appliquer les meilleures pratiques.

Par ailleurs, nous avons préféré aller relativement vite, même si le modèle est imparfait, plutôt que de construire un modèle plus complexe mais sur une période plus longue. Le modèle a toutefois ses limites : on peut vite avoir l’impression qu’il a réponse à tout mais ce n’est pas vrai. Il ne faut donc pas l’utiliser pour ce qu’il n’est pas fait.


Déploiement en sept étapes

  1. Lancement et communication
  2. Partage de la démarche
  3. Catalogue de prestations, analyse des activités et des ressources
  4. Partage du modèle
  5. Modalités de valorisation des inducteurs d’activités
  6. Simulation quantitative
  7. Analyses et validation du modèle

Exemples d’activités prises en compte

  • Acquisition de progiciels
  • Urbanisation/architecture/qualité
  • Gestion des environnements de préproduction
  • Pilotage de la gestion des changements
  • Extraction de données
  • Gestion des configurations logicielles
  • Mise à disposition d’expertise
  • Maintenance corrective
  • Ingénierie réseau
  • Qualification et recette
  • Transfert de compétences
  • Stockage et archivage
  • Méthodes et qualité projets
  • Réseau voix
  • Gestion de la sécurité