Plateformes numériques : des infrastructures au leadership

Parmi les centaines de conférences et workshops présentés lors du dernier symposium Gartner, nous avons sélectionné dix thématiques. Pour les plateformes liées à la transformation numérique, l’approche bi-modale est suggérée, mais pas seulement pour les infrastructures : les DSI doivent aussi travailler les compétences et le leadership.

Les entreprises anticipent une proportion significative de leurs revenus issus du numérique. Selon les DSI interrogés par Gartner, cette proportion passera de 16 % aujourd’hui, à 25 % dans deux ans et à près de 40 % dans cinq ans. Les directions générales, elles, avancent des proportions supérieures de quatre à sept points. Le numérique a avant tout un impact sur la génération de chiffres d’affaires, bien avant celui sur la réduction des coûts.

Dave Aron explique que l’on passe, avec le numérique, du « business comme un système » au « business comme une plateforme », associant le système d’information, l’entreprise et son écosystème. La première approche se caractérise par des produits, des services, des actifs et des fonctionnalités. La seconde approche permet de multiplier les connections, avec des « frontières semi-poreuses, des reconfigurations permanentes par apprentissage et une multidisciplinarité. »

Cette notion de plateforme business se décompose en d’autres plateformes, par exemple pour les infrastructures IT et le delivery, les talents et le leadership. Pour les infrastructures et le delivery, Dave Aron suggère aux DSI de privilégier des plateformes bi-modales de delivery, définies comme « le management avec deux approches distinctes, l’une se focalisant sur la stabilité (mode 1), l’autre sur l’agilité (mode 2) ». Dave Aron estime que 38 % des DSI ont déjà privilégié une telle stratégie. Avec, notamment, les méthodes agiles, des équipes multidisciplinaires, une approche de sourcing différente, des partenariats avec les start-up…

Des recrutements tous azimuts

Du côté de la gestion des talents dans le numérique, les entreprises font face à une pénurie, notamment pour l’analytique, les connaissances métiers, la sécurité et le management de projets : un DG sur deux l’affirme, ainsi que deux DSI sur trois. Pour y faire face, Dave Aron suggère de recruter dans les métiers, de se rapprocher des universités et de favoriser des environnements de travail numériques, voire d’acquérir des entreprises. Côté leadership, l’enjeu est de se démarquer des CDO (chief digital officers).

Selon Gartner, 9 % des entreprises ont déjà créé une telle fonction et leur nombre ne devrait pas sensiblement augmenter en 2016 (9,3 %). « La croissance n’est pas aussi rapide que l’on pouvait s’y attendre et beaucoup de DSI continuent à assurer le leadership de la transformation numérique », précise Dave Aron. Cela va être facilité par une évolution des relations avec les directions générales : les « relations partenariales » caractérisent aujourd’hui 45 % des DSI et en concerneront la moitié en 2016.

À l’inverse, les relations de type transactionnel passeront d’un tiers des DSI à un quart. Les DSI alliés avec les DG, situation que Gartner observe dans 19 % des entreprises, concerneront 23 % des entreprises en 2016. Le challenge pour les DSI sera de choisir leur degré d’implication face à la transformation numérique : « Le niveau de « courage digital » évolue entre répondre de manière passive, prendre la responsabilité de la transformation ou, carrément, changer la donne », précise Dave Aron.


Notre avisLe rythme de la transformation numérique, qu’il soit mesuré dans les études (vision optimiste surtout si les études sont sponsorisées par les fournisseurs) ou observé sur le terrain (vision moins optimiste), aboutit à un même constat : on ne peut plus faire avancer les différentes composantes du système d’information au même rythme, ce qui était possible, voire souhaitable, il y a encore peu de temps. L’approche bi-modale prônée par Gartner est, de ce point de vue, pertinente. Le fait que plus de 40 % du chiffre d’affaires des entreprises soient tirés du numérique dans les cinq ans paraît un peu élevé et certainement plus représentatif des entreprises américaines, mais il convient de ne pas se laisser distancer.

Et il ne semble pas que les CDO, de bonne volonté au début, mais qui vont vite s’épuiser devant l’ampleur de la tâche, soient en mesure de porter l’entière responsabilité de la transformation digitale : la porte est encore grande ouverte pour les DSI, mais elle va se refermer progressivement, surtout pour ceux qui n’auront pas reconfiguré les talents dont ils s’entourent et travaillé le leadership. Sans oublier un travail quotidien pour assurer la veille et façonner la communication et le marketing autour du système d’information… On est donc loin d’une approche bi-modale purement technologique ou organisationnelle.