Plongée dans une entreprise IT au fonctionnement hors norme

Quand Scott Berkun, ancien chef de projet chez Microsoft et gourou du management, rejoint Automattic en août 2010, l’entreprise derrière WordPress.com, il sait déjà que l’expérience va être radicalement différente de ce qu’il a connu, à tel point qu’il projette d’en faire un livre.

C’est le récit de son passage qui forme la trame de « The Year without Pants » (littéralement, « l’année sans pantalons »). À la tête d’une équipe de trois développeurs, la « Team Social », il est chargé d’améliorer et d’inventer de nouvelles fonctionnalités pour le célèbre moteur de blogs WordPress.

Pendant plus d’un an, il va découvrir le fonctionnement très particulier d’Automattic, une entreprise créée par Matt Mullenweg en 2005. Issu de la culture Open Source, celui-ci a mis en place une organisation très peu formalisée, dans laquelle l’ensemble des collaborateurs sont en télétravail et communiquent essentiellement à travers quatre outils : la messagerie instantanée IRC, des blogs internes, Skype et l’e-mail. Aucune pratique n’est considérée comme allant de soi et toute nouvelle idée en matière d’organisation est d’abord testée sur le terrain pour voir si elle fonctionne : « Les résultats priment sur les traditions. »

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The year without pants: WordPress.com and the future of work, de Scott Berkun. Novembre 2013, Jossey-Bass, 258 pages, 21,93 euros (en anglais niquement).

Le recrutement de Scott Berkun est lui-même emblématique de ce mode de management : il avait en effet pour mission d’aider Automattic à introduire la notion d’équipe, auparavant absente, et de voir ce que celle-ci pouvait apporter à l’organisation. C’est avec le recul apporté par son expérience professionnelle plus classique que Scott Berkun a découvert une culture d’entreprise très atypique, s’est familiarisé avec celle-ci et a analysé ce qui faisait ses forces, mais aussi ses faiblesses. Chaque chapitre du livre est un mélange d’anecdotes, d’analyse des modes de travail observés et de mise en perspective par rapport aux grandes théories du management, complétées par une histoire de l’entreprise et de ses dirigeants, Matt Mullenweg et Toni Schneider. Parmi les sujets abordés figurent notamment l’accueil des nouveaux collaborateurs, l’importance de recruter les bonnes personnes, la construction d’un esprit d’équipe, les atouts et les embûches du travail à distance, la culture d’entreprise ou encore la gestion de projets.

Scott Berkun raconte par exemple qu’à son arrivée chez Automattic, sa première tâche a été de répondre aux tickets des utilisateurs pendant quelques semaines, une mission dans laquelle il ne s’est pas révélé très performant, comme l’ont montré les statistiques de tickets résolus par employé. « Voilà pourquoi les experts renommés qui écrivent des livres ne reviennent jamais à des postes classiques : ceux-ci sont difficiles », en plaisante-t-il, lucide. En dépit de ses scores à la traîne, l’expérience lui a permis à la fois d’accroître ses connaissances sur le produit, d’aider des clients et de dialoguer avec de nombreux collaborateurs : un triple bénéfice.

Sur le sujet central de la culture d’entreprise, il pointe trois piliers sur lesquels s’appuie Automattic :

  • la transparence : 90 % des décisions dans l’entreprise sont débattues en public, sur des blogs et forums où chaque collaborateur peut donner son avis ;
  • la méritocratie : les collaborateurs qui contribuent le plus à ces débats et apportent des idées gagnent le respect de tous ;
  • la longévité du projet : le maintien du code en Open Source assurant que « même si Matt devenait le méchant Matt et essayait de détruire WordPress, quelqu’un pourrait créer un projet dérivé et continuer. »

Déclencher un « incendie » pour tester la réactivité

La prise de contact avec son équipe et l’instauration d’une relation de confiance occupent plusieurs chapitres, des premières réunions sur Skype ou IRC aux rares, mais nécessaires, rencontres dans la vie réelle. Dans ce domaine, Scott Berkun suggère ainsi de « déclencher un incendie » pour tester les réactions de ses collaborateurs face à l’urgence et comprendre à qui il a réellement affaire. De son côté, il adopte un management transparent, en décrivant les objectifs de son équipe de manière claire sur un blog interne.

Enfin, tout au long de son parcours, il n’oublie pas l’objectif premier d’une équipe de développement : livrer. Dans ce but, Toni Schneider (le PDG d’Automattic) a adopté une philosophie qui tient en quatre points :

  1. Recruter des collaborateurs brillants.
  2. Établir les bonnes priorités.
  3. Supprimer les distractions (notamment les surcharges d’e-mails).
  4. Rester hors du chemin.

La mise en application de ces principes est amplement illustrée par Scott Berkun, qui n’hésite pas à bousculer les idées reçues du management, livrant au final un récit rafraîchissant, facile à lire et pouvant inspirer tout manager, qu’il appartienne au monde informatique ou non.