Progiciel intégré ou dédié ? Chacun sa voie…

Aujourd’hui, le choix n’est plus binaire entre progiciel intégré ou progiciel dédié à des fonctions métiers. La plupart des entreprises font coexister les deux approches. Avec, toutefois, un engouement pour les progiciels dédiés.

Selon le CXP, un ERP répond à plusieurs caractéristiques : provenir d’un concepteur unique, garantir à l’utilisateur l’unicité de l’information, au moyen d’une base de données desservant l’ensemble des modules, assurer la traçabilité des opérations de gestion pour en permettre l’audit, et couvrir soit une fonction complète de gestion (gestion comptable et financière, gestion des ressources humaines, etc.), soit la totalité du système d’information.

« Un progiciel intégré ressemble à un couteau suisse », résume Pierre-Alain Lecointe, directeur général de Unit4 Coda France, mais, lorsque l’on dresse le bilan, « le miracle n’a pas eu lieu, il y a eu beaucoup d’espérances, mais aussi beaucoup de déceptions ». Selon le dernier rapport de Panorama Consulting, 56 % des implémentations d’ERP ont dépassé les budgets en 2011, 54 % étaient hors délais…

Une des questions qui se posent concerne l’arbitrage entre, d’un côté, acquérir un seul progiciel pour couvrir l’ensemble des besoins de l’entreprise et, d’un autre côté, privilégier l’intégration de progiciels dédiés. La première solution, si elle présente des avantages en termes de standardisation et d’homogénéité, a plusieurs limites : la difficulté de formaliser et de prendre en compte tous les besoins métiers, la résistance au changement, la lourdeur des déploiements, certains manques fonctionnels, problèmes de performances, minimisation des coûts, manque d’expertise métier des intégrateurs…

« Aujourd’hui, le débat entre progiciels dédiés ou intégrés est dépassé, plus aucune grande entreprise ne se contente d’un seul ERP, le concept de progiciel unifié pour tout le monde est comme le communisme, c’est peut-être une bonne idée, mais elle est inapplicable », assure Pierre-Alain Lecointe. La seconde approche présente, elle, plusieurs avantages, notamment pour des systèmes d’information hybrides avec de nombreuses couches plus ou moins intégrées : une diversité de l’offre commerciale, des niveaux fonctionnels généralement satisfaisants, l’utilisation en mode SaaS, des évolutions fonctionnelles plus aisées car limitées…

Globalement, le marché français des ERP est en stagnation, avec seulement 0,5 % de croissance en 2012 (contre 4 % en 2011), selon IDC. « Si, en 2012, le marché connaîtra une croissance limitée en volume, cela ne signifie pas pour autant un arrêt des investissements de la part des entreprises, pas plus qu’un ralentissement dans la recherche de nouvelles solutions, estime Sébastien Lamour, Research and Consulting Manager, IDC France. Ceci se vérifie dans des domaines aussi variés que la gestion des achats, la comptabilité-finance ou encore la gestion de production. »

Le segment le plus touché est celui des applications métiers (gestion de la production ou des opérations de service) avec une croissance nulle. Les segments des applications d’ERM (Enterprise Resource Management) et celui des applications de SCM (Supply Chain Management) présentent tous les deux une croissance annuelle de 0,5 %. Un rebond sur l’ensemble des segments est attendu à partir de 2013 pour porter la croissance à 2,4 %.

L’analyste d’IDC précise : « Le marché des ERP et des logiciels de gestion est un marché mature, mais qui renouvelle ses modèles. En période d’austérité économique, la croissance globale est très faible mais la dynamique reste néanmoins positive grâce à l’apparition de solutions verticales, la diffusion de la mobilité, le développement des modèles SaaS ou encore l’importance des solutions analytiques qui ont eu un impact significatif et positif sur la dynamique des acteurs des ERP et des logiciels de gestion. » IDC estime qu’entre 12 % et 19 % des entreprises françaises consacreront un budget d’investissement en 2012 aux ERP ou aux logiciels de gestion.

Radio France : un progiciel dédié pour chaque besoin

Chez Radio France, c’est l’approche solutions dédiées qui est privilégiée, par exemple PeopleSoft pour la gestion des ressources humaines, ADP pour la paie, Business Objects pour l’infocentre, Sage pour les immobilisations, PS’Soft pour les achats, Foederis pour la formation professionnelle…

« Heureusement, nous n’avons pas fait le choix d’un ERP mais de progiciels dédiés pour nos applications financières et de gestion », précise Régis Desmarescaux, responsable des applications de gestion chez Radio France. Pour ce dernier, qui a également retenu la solution de Unit4 Coda pour les applications financières et de gestion, le choix de progiciels dédiés ne répond pas à un besoin de réduction de coûts sur les projets, mais plutôt « parce qu’ils correspondent souvent beaucoup mieux aux besoins métiers, même si cela multiplie le nombre d’interfaces à gérer ». Selon Pierre-Alain Lecointe, « mener des projets avec des progiciels dédiés coûte effectivement plus cher, de l’ordre de 20 %, mais c’est le prix de l’agilité et d’une moindre dépendance ».

Pour Régis Desmarescaux, plusieurs points d’attention sont à considérer dès lors qu’une approche multisolution est privilégiée : d’abord, le risque de mauvaise définition des processus transverses, notamment lorsque la coordination est déficiente entre les membres de différentes équipes projets.

C’est le point le plus délicat et, dans ce domaine, il n’existe pas de miracle. Comme l’affirme Eric Kimberling, président de Panorama Consulting, un cabinet de conseil américain qui publie des études sur les ERP, « franchement, je ne sais pas ce qui est pire : ne pas se focaliser sur les processus métiers ou en modifier de nombreux pour s’aligner sur les spécificités du logiciel ».

Ensuite, « il faut bien étudier les fonctionnalités des outils, qui peuvent se chevaucher, ce qui suppose de bien définir les périmètres et les modes de coordination, et de cartographier les applications existantes », estime Régis Desmarescaux. Enfin, un manque de visibilité sur les modes de communication peut pénaliser la mise en œuvre de nouveaux outils. « Il est préférable de privilégier les outils (ETL, EAI, services Web…) qui structurent les échanges plutôt que de faire de l’artisanal », conseille Régis Desmarescaux. Il importe également de cartographier les applications existantes.

Selon le responsable des applications de gestion chez Radio France, la mise en œuvre de progiciels dédiés nécessite également des outils complémentaires : « Un outil pour faciliter les échanges de données, un outil de planification pour le suivi et la coordination des projets, un référentiel documentaire et une plate-forme de gestion collaborative pour le partage des informations. » Cela n’est pas suffisant et Régis Desmarescaux conseille de ne pas négliger la gouvernance, qui répond à trois objectifs : « Identifier des nouvelles applications et les intégrer dans le système d‘information, définir les périmètres fonctionnels et organiser des liens avec les autres applications, prioriser le lancement et la coordination des réalisations. »

Keolis : industrialisation et gouvernance

Stéphane Deux, DSI de Keolis, confirme l’importance de la gouvernance : « Déployer un ERP est tout sauf un projet informatique car, au-delà de l’outil, il faut transformer les processus et l’ensemble de l’organisation. » Keolis a déployé l’ERP Qualiac pour la finance en 2012, le e-procurement en 2011, et les approvisionnements-gestion de stocks pour 2013. Aujourd’hui, le groupe compte 1 800 utilisateurs de la solution pour les finances et les achats. « Un projet de transformation de l’ensemble de l’organisation ne doit pas reposer sur des mots mais sur des faits et chez Keolis, quatre membres du directoire et les patrons métiers ont porté le message. »

Le DSI de Keolis insiste également sur deux principes incontournables : d’une part, un management serré du projet. « Une fois par semaine, nous réalisons un point d’étape avec les membres du directoire et les métiers, nous avons toujours respecté le rythme de ces rencontres, même si c’est relativement complexe à gérer au quotidien. » D’autre part, il faut industrialiser. Keolis, avec ses 180 filiales et ses 350 sites ne pouvait faire autrement. « Ce n’est pas toujours culturellement spontané, note Stéphane Deux, mais les équipes centrales ne peuvent penser à tout, et si elles l’affirment, il ne faut surtout pas les croire », assure Stéphane Deux. Le DSI a privilégié la construction d’un core model, pour standardiser, mais avec la collaboration du terrain, par exemple les contrôleurs de gestion.

 Les trois principaux modèles de déploiement d’un ERP
Approche  Principes  Avantages  Inconvénients
Push Utiliser une solution existante avec un minimum d’adaptation. Les filiales ne participent pas à la conception, le core model est imposé
  • Rapidité
  • Simplicité
  • Risques de rejet
  • Contraintes légales
  • Sous-estimation de l’impact sur les sites
Conception participative Conception avec les filiales pour prendre en compte un maximum d’exigences
  • Utilisation de meilleures pratiques
  • Bonne couverture des besoins
  • Effort de déploiement réduit
  • Anticipation de la gestion du changement
  • Durée de conception
  • Difficultés de convergence
  • Complexité du core model
 Core model adapté Définition d’un socle commun et de modèles différents par métiers et par zones géographiques
  • Adaptation aux spécificités métiers
  • Facilité de déploiement
  • Acceptation locale
  • Durée de la ou des conception(s)
  • Nécessité de documenter et de gérer plusieurs modèles
Source : Cleversys.

Implémentation d’un ERP : les points d’attention

  1. L’implication de la direction générale et des directions métiers
  2. La tenue de la réunion de démarrage officiel du projet
  3. L’efficacité du comité de pilotage
  4. La conduite du projet par les métiers
  5. L’existence d’un bureau exécutif
  6. La disponibilité d’agents des changements
  7. La disponibilité des experts métiers
  8. La rédaction du cahier des charges détaillé
  9. L’utilisation d’une méthodologie de déploiement avérée
  10. L’exécution des activités de conduite des changements
  11. La mise en place et le suivi du plan des risques
  12. L’exécution d’un plan de communication structuré
  13. La mise en place d’un plan de formation structuré
  14. La formation des équipes projet

Source : Digitalonomics.


Quelques bonnes pratiques

Avant-projet :

  • Évaluer les cas particuliers pour la définition des besoins
  • Intégrer la notion de rentabilité
  • Intégrer les coûts de mise en œuvre et de maintenance
  • Prévoir les modalités d’implication des utilisateurs
  • Identifier les points bloquants qui nécessitent un accompagnement externe (cabinet de conseil, intégrateur, éditeur…)
  • Analyser le parc applicatif pour identifier les besoins d’évolution et analyser les impacts sur le SI
  • Anticiper les conséquences « d’erreurs de casting » dans le choix des équipes

Sélection des solutions :

  • Établir les critères de sélection
  • Identifier les offres du marché
  • Réaliser une présélection pour réduire le périmètre
  • Ne pas négliger le temps nécessaire à l’étude des différentes offres

Mise en œuvre :

  • Privilégier la vision globale du périmètre à couvrir
  • Éviter de considérer le fournisseur comme un partenaire, ce qui est le meilleur moyen d’être confronté à des dérives
  • Privilégier la maintenance évolutive par rapport à la maintenance corrective

Source : Unit4 Coda, Digitalonomics.