Quelle organisation pour les SI du futur ?

Pour Antoine Gourévitch, directeur associé du Boston Consulting Group France, en charge des technologies de l’information, les DSI doivent se transformer afin de faire face aux évolutions des technologies, de la démographie et de l’écosystème IT. Les organisations SI du futur devront briser les compromis actuels pour exister ou risquer de voir leur rôle s’amenuiser.

A quoi ressemblera la direction des systèmes d’information dans dix ans ? Existera-t-elle encore ?

L’externalisation des systèmes d’information finira-t-elle par réduire les directions des systèmes d’information actuelles à une mince strate de gestionnaires de contrats ? Les fournisseurs externes utiliseront-ils leurs propres applications et technologies pour exécuter les processus pour les clients ?

Les collaborateurs des fonctions métiers seront-ils capables de développer de nouvelles applications en utilisant une multitude de services Internet, rendant les développeurs traditionnels obsolètes ?

Ou, d’un autre côté, les directions des systèmes d’information trouveront-elles une nouvelle gamme complète de services à offrir aux métiers ?

Deviendront-elles davantage des sociétés de conseil, offrant leur aide à la conception des processus, des produits, l’innovation, la transformation de l’activité et même le développement de la stratégie d’activité ? Ou les métiers deviendront-ils tellement orientés systèmes d’information que ces derniers finiront par fusionner avec les fonctions métiers et cesseront d’exister comme une organisation séparée ?

Centralisation, externalisation et complexité

Peut-être pensez-vous que votre organisation SI n’a que peu changé ces dix dernières années, donc comment pourrait-elle changer d’ici dix ans ? Si vous regardez de plus près, toutefois, vous vous apercevrez probablement que votre organisation SI a beaucoup évolué sur les dernières années.

Elle est très probablement plus centralisée, plus externalisée et plus complexe, et pourtant plus efficace en coût en même temps.

Les systèmes d’information offrent une gamme plus large de produits et services qu’il y a quelques années.

Bien entendu, les organisations systèmes d’information offrent toujours de nombreuses applications de traitement des transactions, telles que la saisie de commandes et la comptabilité financière, mais aujourd’hui, la plupart d’entre elles gèrent également les systèmes de téléphonie fixe, les téléphones mobiles, les messageries sans fil, les salles de vidéoconférence, les portails (pour les collaborateurs, les équipes projet, les clients et les fournisseurs), les centres de données, les outils de veille économique et beaucoup d’autres services.

La vôtre pourrait même utiliser des techniques Web 2.0 pour les contenus fournis par les clients, les réseaux sociaux et la gestion des savoirs. Ne fonctionnant plus comme des prestataires de services informatiques pour les divisions locales, les directions des systèmes d’information doivent aujourd’hui servir des métiers multiples.

Elles doivent fonctionner davantage « comme un business » que « comme une fonction de support ». Par exemple, elles essaient de trouver des moyens d’utiliser des solutions communes qui satisferont les besoins de métiers multiples à un coût rentable, tout comme les entreprises offrent des produits et services qui satisfont les besoins de clients multiples.

Du côté de l’approvisionnement de la chaîne de valeur informatique, les directions des systèmes d’information doivent également agir davantage « comme un business ». L’organisation informatique gère maintenant plusieurs accords d’outsourcing très importants et sur plusieurs années.

Au-delà de ces changements majeurs aux marges de la direction des systèmes d’information ont eu lieu des changements internes significatifs.

Avec l’augmentation de la taille des unités informatiques centralisées, beaucoup d’organisations ont trouvé sensé de s’organiser davantage comme une usine, en utilisant des groupes spécialisés et des « pools de ressources ».

Ces groupes spécialisés peuvent être appelés des centres de compétence, des centres d’excellence (par exemple avec des experts de la sécurité), des « tours technologiques – stacks » (serveur central, serveurs Unix, réseau de données).

Quel que soit le nom qu’on leur donne, ils sont gérés pour produire un niveau élevé d’expertise, une utilisation intensive et des économies d’échelle, conduisant à des coûts unitaires faibles et à des services de très haute qualité. Les ressources de ces groupes spécialisés sont partagées par beaucoup, sinon tous les secteurs d’activité servis, créant le besoin d’une gestion matricielle sophistiquée.

Gérer les pressions

Les avantages de ce nouveau modèle incluent la capacité de tirer parti de l’échelle des centres de service partagés et des prestataires pour obtenir des coûts plus bas, une performance et une fiabilité améliorées, un meilleur accès aux compétences spécialisées et une meilleure intégration de l’information et des fonctionnalités dans l’entreprise.

Bien que les entreprises aient constaté beaucoup d’améliorations en utilisant ce nouveau modèle, elles sont toujours en difficulté sur les points suivants :

  • trouver des accords d’outsourcing gagnant-gagnant : les entreprises se plaignent souvent que les prestataires n’honorent pas vraiment les contrats alors que les prestataires affirment que l’accord original était déficient et qu’ils perdent de l’argent ;
  • faire fonctionner la matrice : les directeurs d’activité se plaignent de la trop grande complexité de la gestion des systèmes d’information en matrice avec les responsables de la relation avec l’activité, les responsables des centres de compétences, les bureaux de gestion des programmes, les chefs de projet, etc. Il est difficile de trouver une personne dans les systèmes d’information responsable du bon aboutissement des promesses ;
  • fixer les priorités d’investissement : beaucoup d’entreprises éprouvent des difficultés à établir le bon modèle de gouvernance, qui permettra aux systèmes d’information et aux multiples domaines d’activités de se mettre d’accord sur les priorités d’investissement ;
  • innover : la quasi-focalisation sur la réduction des coûts informatiques dans la première partie de cette décennie a privé beaucoup d’organisations informatiques de la capacité d’aider les métiers à utiliser les systèmes d’information de manière innovante, particulièrement dans l’optique d’une croissance des revenus.

Les directeurs des systèmes d’information espèrent qu’ils pourront passer les dix prochaines années à arrondir ces angles, ainsi que d’autres, tout aussi aigus, du modèle actuel.

Bien entendu, ils doivent continuer à le faire, mais ils doivent réaliser que le modèle lui-même est sous pression.

Le modèle opérationnel des DSI devra pouvoir :

  • attirer et retenir les collaborateurs : il sera de plus en plus difficile pour les directions des systèmes d’information de retenir les collaborateurs qu’elles emploient aujourd’hui et d’attirer ceux dont elles ont besoin pour l’avenir. Beaucoup d’activités de développement quotidiennes sont transferées chez les prestataires. Les collaborateurs qui restent dans les DSI, se sont vu confier de nouveau rôles : gestionnaires de contrat, gestionnaire de relations prestataires, gestionnaire de performance, architectes, stratèges… Des rôles critiques pour la direction des systèmes d’information, mais tous les collaborateurs maintenus n’ont pas les compétences et la motivation pour réussir dans ces rôles.
  • prendre en compte le contenu technologique dans les produits, services et processus : le pourcentage de contenu informatique dans les processus des activités ou dans les produits et services proposés aux clients continuera à augmenter. Pour toutes les industries très consommatrices de technologies de l’information, telles que la banque, l’assurance et les services de télécommunications, la tendance sera à essayer de totalement automatiser autant de processus que possible.
  • gérer l’écosystème des prestataires : les constructeurs et les éditeurs de logiciels, les intégrateurs de systèmes, les SSII et les opérateurs de télécommunications forment un écosystème en évolution (cf. L’achat de Sun par Oracle). Les compétences des prestataires d’outsourcing dans le monde changeront rapidement au cours des prochaines années. Bientôt, une nouvelle génération de prestataires de pays à bas coûts émergera dans des endroits tels que le Vietnam, les anciens pays de l’Union soviétique et peut-être d’Afrique.

Un impératif : se transformer

A moins d’agir, les directions des systèmes d’information courent le risque d’être réduites à une couche mince entre les prestataires et les activités, et, dans certains cas, d’être réduite à rien. Nous croyons que si les directions des systèmes d’information laissent faire, elles entreront dans une zone de risques, ce qui serait dommage pour elles-mêmes mais aussi pour l’entreprise.

Aujourd’hui, la plupart des directions des systèmes d’information ont une position unique dans l’entreprise depuis laquelle elles peuvent observer comment l’activité s’organise dans l’ensemble de l’entreprise, des divisions, de toutes les fonctions et de toutes les entités géographiques. Les directions des systèmes d’information ont donc une opportunité unique pour tirer parti de cette position et créer de la valeur substantielle pour l’activité.


Cinq stratégies clés pour accompagner la transformation

  1. Redéfinir le rôle et la mission de l’organisation des systèmes d’information.
  2. Mettre en place des processus de gestion produit, semblables à ceux utilisés par les entreprises de biens de grande consommation et de biens industriels.
  3. Utiliser de multiples modes d’exploitation, tels que le modèle d’usine, le modèle de centre d’innovation et le modèle de société de conseil plutôt que d’optimiser pour un seul de ces modèles.
  4. Trouver de nouveaux moyens d’attirer, de retenir et de motiver les informaticiens.
  5. Construire des relations fondées sur la confiance avec leurs interlocuteurs dans les activités qu’elles servent et avec les prestataires externes qui les servent.