Regrouper les compétences techniques et fonctionnelles dans une seule structure

Le conseil général de Seine-Maritime a adopté un modèle de fonctionnement qui repose sur un centre de compétences. Une entité qui associe experts métiers MOA et experts « techniques » MOE. Avec un premier champ d’intervention : le système d’information ressources humaines.

Comment est organisée la DSI du conseil général ?

Benoît Dehais Le département dispose d’un budget global de 1,8 milliard d’euros pour 1,350 million d’habitants. Le conseil général regroupe 6 000 agents, dont 4 200 utilisateurs du système d’information. L’organisation des services est classique, une direction générale des services et des sous-directions pour l’aménagement du territoire, l’éducation, les infrastructures, les ressources humaines, les moyens et la logistique…

Trois entités sont directement rattachées à la direction générale des services : la citoyenneté, les finances et la direction des systèmes d’information. Au conseil général de Seine-Maritime, un tel rattachement démontre d’ailleurs l’importance stratégique des systèmes d’information pour le président et le directeur général des services, afin de promouvoir le changement et non pas seulement pour mettre en place un outil bureautique.

La DSI regroupe 90 collaborateurs et intervient dans trois domaines de compétences : la conception, la construction et l’exploitation du système d’information, les télécommunications (y compris la téléphonie) et l’aménagement numérique du territoire.

La DSI s’articule autour de cinq services : un service comptabilité et marchés, un service études (compétences fonctionnelles autour des projets…), un service infrastructure (définition de l’architecture technique, production…), le service clients (help- desk, animation de réseau de correspondants, interventions…) et enfin un service aménagement numérique du territoire.

Nous nous appuyons également sur une équipe de chargés de mission, dont les responsabilités concernent, entre autres, la qualité, l’évaluation, les tableaux de bord, les processus Itil, l’assistance à maîtrise d’ouvrage et la communication…

Pourquoi avez-vous créé un centre de compétences MOA-MOE ?

Benoît Dehais Trois composantes du système d’information départemental sont particulièrement structurantes : les ressources humaines, les finances et le social. Mais le dispositif classique de séparation entre la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’œuvre fonctionnait par à-coups et nous avions une culture du projet largement perfectible.

D’autant que, par exemple pour le SIRH, basé sur le progiciel HR Access, nous avons migré de la version 3 vers la version 5. Cette démarche nécessite une structuration forte dans le dimensionnement et dans l’organisation des équipes. Sinon, c’est l’outil qui structure l’activité et des dysfonctionnements peuvent apparaître.

Notre constat suggérait qu’il fallait changer de méthode. Dans un mode projet, le rapport MOA-MOE fonctionne relativement bien. Mais c’est quelquefois plus difficile dans un contexte, comme le nôtre, où il faut gérer au quotidien des collaborateurs qui appartiennent à différentes directions, et qui, de fait, ne sont pas soumis en même temps aux mêmes contraintes.

D’où l’idée de regrouper les compétences fonctionnelles et les compétences techniques dans une seule structure d’accueil pour faciliter la gestion au quotidien. Cela nous a conduits à cette évolution. L’objectif était de regrouper des experts dont la mission se limite à la gestion du SIRH et à son évolution, ne dépendant que d’un seul donneur d’ordres, avec l’objectif de privilégier les aspects opérationnels sans alourdir la dimension administrative. Les 14 collaborateurs de cette entité restent rattachés hiérarchiquement à leur direction d’origine.

Nous n’avons donc pas créé un service supplémentaire mais regroupé des moyens avec des objectifs de qualité de service et un fonctionnement en mode projet, afin de garantir le respect des délais et des budgets. Par rapport aux directions, la mission SIRH n’a pas internalisé les compétences techniques du fonctionnement des systèmes, c’est le travail de la DSI.

De même, la mission SIRH n’a pas regroupé tous les experts de la direction des ressources humaines. Cela n’empêche pas de mobiliser toutes les compétences utiles, en mode projet.

Cette organisation se prête bien aux SIRH, pour deux raisons : d’une part, l’activité RH est cyclique, rythmée par l’échéance des paies, donc relativement lourde à gérer. D’autre part, un SIRH intègre, outre la paie, le recrutement, la gestion des temps de travail, les composantes de la GPEC (gestion prévisionnelle des emplois et des compétences), et la formation.

D’autre part, nous gérons un système intégré, qui se prête bien au mode de fonctionnement partagé de type centre de compétences.

Quel bilan en tirez-vous aujourd’hui ?

Benoît Dehais Nous avons conduit une évolution importante du SIRH, avec un changement de version, une simplification, davantage de dématérialisation, des fonctionnalités de self-service et une intégration du volet formation (DIF), qui a d’ailleurs fait l’objet d’un codéveloppement avec l’éditeur.

Nous avons conduit ce projet en seulement sept mois, dans les délais et les budgets prévus, avec un taux de satisfaction qui dépasse les 80 %. Le fait que les fonctionnels et les informaticiens soient dans la même équipe diminue les tensions. Chacun comprend mieux les charges de travail des autres, leurs difficultés et leurs contraintes.

Surtout, tous les collaborateurs appréhendent ces éléments en même temps. Le transfert de compétences s’effectue beaucoup mieux et de façon réciproque. L’unicité de lieu et de temps est donc fondamentale.

Souvent, les facteurs de dérive concernent davantage les délais que les coûts, qui sont globalement maîtrisés. Ce mode d’organisation, sur des projets structurants, a été un plus et un élément qui conduit à une meilleure qualité de service. La mission SIRH a été créée en 2007 et nous l’élargissons au système d’information finances, qui couvre un périmètre très large : contrôle de gestion, finances, marchés publics, subventions, reporting et décisionnel. Dans ce cas, le pilote n’est pas la DSI, comme pour le SIRH, mais la direction financière. La prochaine étape prévue concernera le système d’information social, compte tenu de son importance stratégique pour le conseil général.

Comment s’y prendre pour organiser ce regroupement des compétences ?

Benoît Dehais L’élément indispensable et moteur, qui fait qu’un projet de ce type réussit ou échoue, reste l’adhésion de la direction générale. Par ailleurs, nous avons été accompagnés par un cabinet externe. Celui-ci a été chargé de la réalisation des entretiens avec les collaborateurs, de la définition des forces et des faiblesses, de la cible et des moyens nécessaires, en termes de compétences et de charge de travail.

Nous aurions certes pu réaliser ces tâches en interne, mais le temps et les compétences faisaient défaut. Surtout, le recours à un cabinet externe accroît la légitimité pour porter les messages, apporte un regard différent et la possibilité de se benchmarker.

Autre principe que nous avons appliqué : la séparation des tâches entre, d’un côté, l’équipe chargée des projets et, de l’autre, les activités de maintenance, d’évolutions et d’assistance aux utilisateurs.

Le fait que les équipes soient dans un même espace est-il déterminant ?

Benoît Dehais Si, à l’origine, cette démarche a suscité des interrogations légitimes, peu de collaborateurs, aujourd’hui, reviendraient en arrière. Chacun a trouvé sa place et développé un sentiment d’appartenance plus grand aux résultats. Il est préférable de regrouper les équipes, sinon elles sont soumises à des forces contraires qui nuisent à la bonne marche des projets.

Par exemple, si un agent chargé des requêtes à la demande doit faire appel à un informaticien, il lui suffit de parcourir quelques mètres. Et inversement, par exemple, lorsqu’il s’agit, pour un informaticien, de comprendre une fonctionnalité de la paie, complexe au conseil général du fait des statuts différents des agents.

En outre, ce mode de gouvernance facilite l’intégration des équipes de tiers, avec une même direction, les mêmes objectifs et une direction de projets unifiée. Surtout lorsque les équipes de l’éditeur travaillent avec les nôtres pour codévelopper la mise à niveau des modules formation pour le DIF adapté au secteur public.

Une telle mission a-t-elle vocation à être dissoute une fois que les projets sont finis ?

Benoît Dehais Nous n’avons pas de position établie, tant que la performance est au rendez-vous.

Il n’y a pas de sujets tabous. Cela n’empêche pas un examen régulier de la situation, en fonction des plans de charge. Nous nous sommes ainsi posé la question au début de l’année 2009, à la fin d’un cycle de changements importants.

Un outil commun nécessite de toute façon une réévaluation périodique. Si un jour nous aboutissons à une « usine à gaz » qui paralyse l’action ou occasionne des dépassements de délais, il faudra réexaminer la situation. Mais, pour l’instant, nous avons encore à assumer un plan de charge à un horizon de dix-huit mois et il y aura toujours des changements de version à gérer.